La résidence principale d’un entrepreneur individuel est insaisissable de plein droit par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de l’intéressé (C. com. art. L 526-1, al. 1). Cette disposition, issue de la loi 2015-990 du 6 août 2015, n’a d’effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits sont nés à l'occasion de l'activité professionnelle après la publication de cette loi (Loi précitée art. 206, IV).
Après la mise en liquidation judiciaire d’un entrepreneur en 2016, le liquidateur entend vendre la résidence principale de celui-ci. L’épouse de l’entrepreneur, propriétaire indivise de l’immeuble, s’y étant opposée, le liquidateur demande le partage judiciaire de l’indivision et la vente aux enchères publiques de l’immeuble. L’épouse lui oppose l’insaisissabilité prévue par le texte précité. Le liquidateur fait alors valoir que l’essentiel des créances déclarées sont nées avant le 8 août 2015, de sorte que l’insaisissabilité prévue par le texte précité n’est pas opposable à ces créanciers et qu’il peut donc demander la licitation-partage de l’immeuble.
La Cour de cassation censure ce raisonnement. Le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l'immeuble indivis constituant la résidence principale du débiteur indivisaire en liquidation judiciaire que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi de 2015, les droits du débiteur sur l'immeuble étant alors appréhendés par le gage commun. Or, en l’espèce, ce n’était pas la totalité des créances déclarées à la procédure mais l’essentiel d’entre elles qui étaient nées avant le 8 août 2015.
A noter :
Précision inédite.
Avant la loi Macron du 6 août 2015, l’entrepreneur pouvait, par déclaration notariée et publiée, rendre sa résidence principale insaisissable. Le liquidateur judiciaire n'avait pas qualité pour agir, au lieu et place de l’entrepreneur, en partage et licitation du bien indivis ayant fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité régulièrement publiée avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire (Cass. com. 14-3-2018 n° 16-27.302 F-PBI : RJDA 5/18 n° 446). Il en était de même lorsque la déclaration portait sur un bien commun (Cass. com. 10-7-2019 n° 18-16.867 F-PB : RJDA 11/19 n° 703). En d’autres termes, le bien déclaré insaisissable était hors procédure ; à défaut de déclaration opposable, le bien relevait de cette procédure et constituait le gage commun des créanciers.
Depuis la loi de 2015, la déclaration n’est plus requise ; l’insaisissabilité de la résidence principale est de plein droit mais opposable aux seuls créanciers titulaires de créances professionnelles nées après la publication de la loi. Celle-ci a eu lieu le 7 août 2015 – et non le 8 août, ainsi que l’indique par erreur l’arrêt, cette date étant celle de l’entrée en vigueur de la loi, mais cela ne change pas le raisonnement.
La Cour de cassation a déjà précisé que l’insaisissabilité de plein droit ne s’applique pas aux procédures collectives ouvertes avant cette date (Cass. com. 29-5-2019 n° 18-16.097 F-D : RJDA 8-9/19 n° 580). Dans ce cas et en l’absence de déclaration notariée opposable, le logement du débiteur est appréhendé dès l’ouverture de la procédure collective pour devenir le gage commun des créanciers (arrêt précité).
Dans l’affaire ici commentée, la procédure collective de l’entrepreneur avait été ouverte après la publication de la loi de 2015. Compte tenu de l’existence en l’espèce de créances antérieures et postérieures au 7 août 2015, la résidence de l’entrepreneur était saisissable par certains créanciers mais pas par d’autres. Elle ne constituait donc pas le gage commun de tous les créanciers de l’entrepreneur.
Or, comme le mandataire judiciaire et le commissaire à l’exécution du plan, le liquidateur judiciaire a qualité pour agir en justice au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers (C. com. art. L 641-4, al. 4 et, sur renvoi, art. L 622-20, al. 1), pour la protection et la reconstitution du gage commun de ces derniers (Cass. com. 2-6-2015 n° 13-24.714 FS-PBRI : RJDA 10/15 n° 678).
La Cour de cassation se limite à refuser, procéduralement, la qualité à agir aux organes de la procédure collective. Elle ne prend pas parti sur le sort de l’immeuble une fois celui-ci exclu du périmètre de la procédure collective et du champ d’action des organes de celle-ci.
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