Des parents choisissent pour leur enfant un prénom breton, Fañch, qu’ils écrivent avec un tilde sur le n. Le procureur de la République conteste cette graphie.
La cour d’appel de Rennes donne gain de cause aux parents. L’usage du tilde n’est pas inconnu de la langue française :
- le ñ figure dans plusieurs dictionnaires de référence, qui comprennent par exemple Doña, cañon, señor et señorita ;
- plusieurs arrêtés et décrets reconnaissent et utilisent le tilde, notamment des décrets de nomination du Président de la République.
L’orthographe bretonne du prénom Fañch a par ailleurs déjà été validée par le procureur de la République de Rennes en 2002 et par un officier d’état civil de Paris en 2009.
Ainsi, le prénom Fañch ne contrevient pas à l’obligation d’utiliser la langue française en tant que langue officielle (Constit. art. 2) et langue expressément requise pour la rédaction des actes publics (Loi du 2 Thermidor an II et arrêté du 24 prairial an XI).
A noter : Le petit Fañch pourra-t-il finalement conserver son tilde ? Ce sera à la Cour de cassation de trancher, le parquet ayant déposé un pourvoi.
Devant les juges d’appel, le ministère public s’est appuyé principalement sur une circulaire qui listeles signes accompagnant une lettre (signes dits diacritiques), pouvant être employés pour orthographier un prénom : un accent, un tréma ou une cédille, par exemple (Cir. JUSC1412888C du 23-7-2014 relative à l’état civil). Or, le tilde ne figure pas dans cette liste. De façon générale, le ministère public a également réaffirmé le principe selon lequel la langue française doit être utilisée dans les actes publics.
La cour d’appel de Rennes a considéré que la circulaire n'avait pas de valeur normative et estimé que l’usage du tilde ne porte pas atteinte aux grands principes rappelés par le ministère public.
Notons enfin que les parents invoquaient la liberté de choix du prénom (C. civ. art. 57), le droit au respect de leur vie privée et familiale (Conv. EDH art. 8) ainsi que la reconnaissance des langues régionales et le principe de non- discrimination fondée notamment sur la langue. Les juges d’appel, s’étant fondés sur la conformité du tilde avec la langue française, n’ont pas eu à retenir ces arguments. Mais on relèvera que la Cour européenne des droits de l’homme a déjà été amenée à se prononcer dans une affaire similaire (CEDH 25-9-2008 n° 27977/04, B. et S. c/ France). Elle a considéré que le refus d'orthographier un prénom avec une orthographe catalane (Marti avec accent aigu sur le "i") ne constituait pas une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit des parents à une vie privée et familiale.
Olivier DESUMEUR
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la famille n° 31710