1. Les sociétés anonymes (SA) doivent réunir leur assemblée générale (AG) ordinaire annuelle d’approbation des comptes au plus tard six mois après la clôture de leur exercice. A défaut, le ministère public ou tout actionnaire peut demander en référé au président du tribunal de commerce d’enjoindre, le cas échéant sous astreinte, aux dirigeants de convoquer l’assemblée ou de désigner un mandataire pour y procéder (C. com. art. L 225-100, I-al. 1). En outre, les dirigeants qui n’auraient pas soumis à l’approbation de l’assemblée les comptes annuels et, le cas échéant, le rapport de gestion encourent une peine d’emprisonnement de six mois et une amende de 9 000 € (C. pén. art. L 242-10). Bien que le texte pénal ne sanctionne pas le défaut de réunion « dans les six mois de la clôture de l’exercice », il pourrait être entendu comme impliquant nécessairement la réunion de l’assemblée annuelle dans les délais, ce qui rendrait passibles des peines précitées les dirigeants n’ayant pas réuni l’assemblée.
Les dirigeants qui, pour des raisons légitimes, ne parviendraient pas à respecter le délai prescrit peuvent en demander la prolongation au président du tribunal de commerce statuant sur requête, à la condition que cette requête soit présentée avant l’expiration du délai de six mois.
2. La préparation de l’AG annuelle entraîne le respect des obligations habituelles en la matière :
- établissement des comptes de l’exercice écoulé (bilan, compte de résultat, annexe) et du rapport sur le gouvernement d’entreprise ainsi que, le cas échéant, du rapport de gestion, des comptes consolidés et du rapport de gestion du groupe ;
- si, à la date de la clôture de l’exercice, la société a employé au moins 300 salariés ou a réalisé un chiffre d’affaires net d’au moins 18 millions d’euros, établissement des documents de gestion prévisionnelle (pour l’essentiel, tableau de financement de l’exercice 2019 ; situation de l’actif réalisable et disponible et du passif exigible du second semestre de l’exercice 2019 ; compte de résultat et plan de financement prévisionnels de l’exercice 2020), mais il ne s’agit pas à proprement parler de documents liés à la préparation de l’assemblée ;
- convocation des actionnaires selon les formes prescrites ;
- mise à la disposition des actionnaires ou envoi, selon le cas, des comptes annuels, du rapport sur le gouvernement d’entreprise ainsi que, le cas échéant, du rapport de gestion, des rapports des commissaires aux comptes et de nombreux autres documents (Mémento Sociétés commerciales nos 46490 s.).
3. Comme chaque année, la société doit prendre en compte les modifications de la réglementation pouvant avoir une incidence sur la préparation et le déroulement de l’assemblée annuelle. Nous les rappelons ci-après.
Comptes et rapport de gestion des petites entreprises
4. Comme on le sait, les petites entreprises sont dispensées d'établir un rapport de gestion (C. com. art. L 232-1, IV) et peuvent adopter une présentation simplifiée de leurs comptes annuels (art. L 123-16).
Les seuils définissant les petites entreprises ont été relevés par le décret 2019-539 du 29 mai 2019 ; ont désormais cette qualité les sociétés ne dépassant pas deux des trois seuils suivants à la clôture d'un exercice : 6 millions d'euros de total de bilan (contre 4 millions auparavant), 12 millions d'euros de chiffre d'affaires (contre 8 millions auparavant) et 50 salariés (seuil inchangé) (C. com. art. D 123-200, 2° ; BRDA 12/19 inf. 2).
Les allégements bénéficiant aux petites entreprises s'appliquent ainsi à ces sociétés.
Say on pay
5. Des changements ont été apportés par l’ordonnance 2019-1234 du 27 novembre 2019 à la procédure de vote de l’AG sur les rémunérations des dirigeants de société cotée (« say on pay »). Cette procédure comporte toujours deux votes mais leur objet est modifié (C. com. art. L 225-37-2, II et L 225-100, II) :
- le premier vote (ex ante) porte sur la politique de rémunération des dirigeants (alors qu’il portait auparavant sur les principes et les critères de détermination, de répartition et d’attribution des éléments composant la rémunération et les avantages attribués) et doit faire l’objet d’un projet de résolution soumis à l’approbation de l’AG chaque année et lors de chaque modification importante de cette politique (pour plus de détails, voir BRDA 24/19 inf. 25 nos 7 s.) ;
- le second vote (ex post) est désormais subdivisé en deux volets, dont le premier, nouveau, concerne les mentions du rapport sur le gouvernement d’entreprise relatives aux rémunérations versées ou attribuées à l’ensemble des dirigeants au cours de l’exercice clos, le second portant, comme avant, sur les rémunérations et avantages individuels attribués à chaque dirigeant (inf. précitée nos 23 s.).
La nouvelle procédure, qui vise désormais la rémunération des administrateurs, s'applique aux AG statuant sur le premier exercice clos après le 28 novembre 2019.
6. On rappelle que, dans les sociétés cotées, l’octroi aux administrateurs ou aux membres du conseil de surveillance de rémunérations exceptionnelles pour l’exercice de missions particulières est désormais soumis à la procédure de say on pay (C. com. art. L 225-46 et L 225-84) mais que cette procédure n’exclut pas celle relative au contrôle des conventions réglementées (BRDA 2/20 inf. 6).
Rapport sur le gouvernement d’entreprise
7. La principale nouveauté concernant le rapport sur le gouvernement d’entreprise porte sur les informations à mentionner en matière de rémunération des dirigeants de société cotée. La procédure de « say on pay » réformée par l’ordonnance 2019-1234 du 27 novembre 2019 impose, à l’occasion du vote de l’assemblée sur la politique de rémunération (vote « ex ante »), de décrire toutes les composantes de la rémunération (fixe et variable) des dirigeants et d’expliquer le processus de décision suivi pour sa détermination, sa révision et sa mise en œuvre (C. com. art. L 225-37-2, I et L 225-82-2, I). Les informations à mentionner concernent à la fois l’ensemble des dirigeants et chacun d’eux pris individuellement (pour plus de détails, voir BRDA 24/19 inf. 25 nos 12 s.).
Le rapport sur le gouvernement d’entreprise doit également indiquer de nouvelles mentions relatives aux rémunérations versées ou attribuées à l’ensemble des dirigeants au cours de l’exercice clos (mentions faisant l’objet du vote « ex post » de l’AG) : rémunération totale et avantages de toute nature, proportion relative de la rémunération fixe et variable, ratio entre le niveau de rémunération des dirigeants « exécutifs » (président du conseil d’administration, directeur général, directeurs généraux délégués) et la rémunération (moyenne et médiane) des salariés, évolution annuelle de la rémunération, des performances de la société, de la rémunération moyenne des salariés et du ratio précité au cours des cinq derniers exercices, etc. (art. L 225-37-3 ; inf. 25 précitée nos 24 s.).
8. Les restrictions imposées aux dirigeants bénéficiaires de stock-options (options de souscription ou d’achat d’actions) ou d’actions gratuites par le conseil d’administration ou de surveillance en matière de levée d’options ou de vente d’actions doivent être mentionnées dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise et non plus dans le rapport de gestion (C. com. art. L 225-185 et L 225-197, II ; inf. 25 précitée n° 33).
A noter : Le Code Afep-Medef anticipe sur le rapport sur le gouvernement d'entreprise de 2021
La dernière version du Code de gouvernance Afep-Medef parue en janvier 2020 (BRDA 4/20 inf. 1) précise que les sociétés qui s’y réfèrent devront décrire dans le rapport sur le gouvernement d'entreprise de 2021 la politique de mixité appliquée aux instances dirigeantes ainsi que les objectifs de cette politique, leurs modalités de mise en œuvre et les résultats obtenus au cours de l'exercice écoulé en incluant, le cas échéant, les raisons pour lesquelles les objectifs n'auraient pas été atteints et les mesures prises pour y remédier (art. 7.2). L’Afep et le Medef recommandent aux conseils d’administration et de surveillance de faire « leurs meilleurs efforts » pour publier des objectifs de féminisation dès 2020 (Communiqué de presse relatif à la parution de la version révisée du Code).
Calcul de la majorité
9. La dernière loi de simplification du droit (Loi 2019-744 du 19-7-2019) a introduit un changement important dans le mode de calcul de la majorité dans les AG de SA : la majorité requise pour l’adoption des décisions de l’assemblée est désormais déterminée en fonction des seules voix exprimées par les actionnaires présents ou représentés ; les abstentions, de même que les votes blancs ou nuls ne sont ainsi plus comptabilisées comme des votes négatifs, mais sont exclues du décompte (C. com. art. L 225-96 et L 225-98 ; pour plus de détails, voir BRDA 17/19 inf. 26 nos 1 s.).
Obligation de mixité au sein du conseil d'administration ou de surveillance
10. Les SA non cotées dont l’AG doit statuer sur des nominations d’administrateurs ou de membres du conseil de surveillance doivent respecter l’obligation légale de mixité à hauteur de 40 % au sein du conseil d’administration ou de surveillance (ou un écart maximal de deux entre le nombre de femmes et d'hommes dans les conseils de huit membres au plus) (C. com. art. L 225-18-1 et L 225-69-1) si, pour le troisième exercice consécutif, les deux conditions suivantes sont remplies :
- l’effectif de la SA est compris entre 250 et 499 salariés ;
- son chiffre d’affaires net ou son total de bilan est supérieur ou égal à 50 millions d’euros.
Le décompte des trois exercices s’effectuant à partir de 2017 (Loi 2011-103 art. 5, I et Loi 2014-873 du 4-8-2014 art. 67, III), l’obligation de mixité précitée a pris effet le 1er janvier 2020 et s’applique donc aux AG appelées à nommer cette année des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance pour la première fois depuis cette date.
11. Depuis la loi 2019-486 du 22 mai 2019 (loi Pacte), ne sont pas pris en compte, pour apprécier la proportion de 40 % ci-dessus, les représentants des salariés actionnaires élus dans les conseils par les AG de société cotée et de société de grande taille (celles employant, directement ou via ses filiales, au moins 1 000 salariés si les sièges des filiales sont situés en France ou au moins 5 000 s’ils sont situés en France et à l'étranger) (C. com. art. L 225-23, al. 1 et 2). Cette mesure entre en vigueur à l'issue du mandat du représentant des salariés actionnaires en cours au 23 mai 2019, date de publication de la loi Pacte.
Vote sur les conventions réglementées
12. On sait que, à l’occasion du vote de l’AG sur les conventions réglementées (notamment, conventions conclues entre la société et un dirigeant), les actions de la personne directement ou indirectement intéressée par la convention ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité (C. com. art. L 225-40, al. 4 et L 225-88, al. 4 modifiés par loi 2019-486 du 22-5-2019, dite loi Pacte).
Mais doivent-elles être prises en compte pour le calcul du quorum ? Dans leur version antérieure à la loi Pacte, les articles L 225-40, al. 4 et L 225-88, al. 4 les excluaient expressément. Cette exclusion a été supprimée par la loi 2019-486, l'objectif affiché du législateur dans les travaux préparatoires à la loi étant d'inclure ces actions dans le calcul du quorum (Étude d'impact p. 614 ; Rapport AN n° 1237 t. 2 p. 216 ; Rapport Sén. n° 254 t. 1 p. 780). Cependant la loi ne le prévoit pas expressément. Or, dans le silence de la loi, il convient d'appliquer, selon J.-P. Valuet, le droit commun du calcul du quorum en assemblée générale ordinaire de l'article L 225-98, al. 2, selon lequel ne sont prises en compte que les « actions ayant le droit de vote », si bien que l'objectif des auteurs de la loi 2019-486 a été manqué (Communication Ansa n° 19-034 de juin 2019).
A notre avis, la prudence commande de ne pas prendre en compte les actions de la personne directement ou indirectement intéressée dans le quorum en application de l'article L 225-98, al. 2 en raison du risque, même s'il est faible, d'annulation des délibérations par le juge (C. com. art. L 225-121 modifié par loi 2019-744 du 19-7-2019, qui a rendu cette nullité facultative).
Prévoir la tenue d'une AG mixte
13. La tenue d'une AG mixte (compétente pour prendre des décisions collectives à la fois ordinaires et extraordinaires) est souhaitable lorsque la société envisage non seulement de statuer sur l’approbation des comptes, mais aussi de modifier les statuts. Dans certains cas, la tenue de cette AG est même obligatoire.
14. AG mixte obligatoire. Afin de renforcer la présence des salariés dans les conseils d'administration de SA de taille importante visées n° 11, la loi 2019-486 du 22 mai 2019 (loi Pacte) impose la désignation d'au moins deux administrateurs représentant les salariés lorsque le conseil compte plus de huit membres (au lieu de 12 auparavant) et d'au moins un représentant si le nombre de membres est égal ou inférieur à huit (au lieu de 12 auparavant).
Les modifications statutaires nécessaires à la désignation de ces représentants dans les SA tenues à une telle désignation en application du nouveau seuil doivent être proposées lors de « l'assemblée générale ordinaire » organisée en 2020 (Loi 2019-486 art. 184, I-B). Ces sociétés doivent donc réunir une assemblée générale mixte pour modifier les statuts en conséquence.
15. En outre, l’obligation de désigner un ou plusieurs administrateurs parmi les salariés actionnaires a été étendue par la loi Pacte aux sociétés non cotées dépassant le seuil d’effectif précité n° 11.
Les modifications statutaires nécessaires à la désignation de ces administrateurs dans les SA tenues à une telle désignation en application de ce seuil doivent pareillement être proposées lors de « l'assemblée générale ordinaire » organisée en 2020 (Loi 2019-486 art. 184, I-B). Ces sociétés doivent donc, elles aussi, réunir une assemblée générale mixte pour modifier les statuts en conséquence.
16. AG mixte facultative. Il peut être opportun de tenir une AG mixte pour supprimer des clauses statutaires dont le maintien empêche la société de bénéficier de nouveaux allégements prévus par la loi.
Tel est par exemple le cas lorsque les statuts d’une petite entreprise imposent l’établissement d’un rapport de gestion alors que la loi l’en dispense désormais (BRDA 12/19 inf. 2). Il en est de même en présence d’une clause prescrivant la nomination d’un commissaire aux comptes alors même que la SA n’excède pas les seuils réglementaires à partir desquels cette nomination est désormais seule obligatoire (BRDA 12/19 inf. 22). Même s’il peut être soutenu que de telles clauses n’interdisent pas aux sociétés concernées de bénéficier des assouplissements, il est conseillé de supprimer ces clauses pour lever tout empêchement (sur ce point, voir BRDA 21/19 inf. 22).
17. De même, la société peut s’interroger sur l’opportunité de supprimer la clause statutaire maintenant le droit pour les actionnaires de SA non cotée de s’opposer à la tenue d’une AG ordinaire dématérialisée. On rappelle en effet que la loi de simplification précitée a supprimé ce droit (BRDA 17/19 inf. 26 n° 7). En présence d'une clause donnant le droit aux actionnaires de s'opposer à la tenue de toute AG dématérialisée, une résolution tendant à adapter cette clause pour limiter ce droit aux seules assemblées extraordinaires peut également être proposée à l'assemblée mixte.
18. Depuis la loi 2019-486 du 22 mai 2019 (loi Pacte), l’AG extraordinaire d'une société par actions qui en absorbe une autre dans le cadre d'une fusion peut déléguer au conseil d’administration ou au directoire la compétence pour décider la fusion dans un délai maximal de 26 mois ou le pouvoir d’en fixer les modalités dans un délai n’excédant pas cinq ans (C. com. art. L 236-9, II nouveau ; BRDA 10/19 inf. 7 n° 4). Cette faculté s’applique aux scissions et aux apports partiels d’actif soumis au régime des scissions.
Lorsque la fusion pour laquelle une délégation a été consentie nécessite une augmentation de capital, l’AG extraordinaire peut également déléguer, par une résolution particulière, son pouvoir ou sa compétence de décider de l'augmentation de capital permettant d'attribuer des actions de l’absorbante aux associés de la société absorbée (art. L 236-9, II).
19. Compte tenu de ces nouveautés, il peut être opportun, même si aucun projet de fusion n’est envisagé, de présenter aux actionnaires, à titre « conservatoire », une résolution donnant compétence au conseil d’administration ou au directoire de décider d’une fusion ainsi qu’une résolution lui donnant également compétence pour décider de l’augmentation de capital subséquente.
Et si un projet de fusion est envisagé, il peut être proposé à l’AG mixte de déléguer au conseil ou au directoire le pouvoir de fixer les modalités de la fusion, voire, si le projet est très avancé, de lui déléguer le pouvoir de réaliser l’augmentation de capital subséquente.
A noter : Les PV d'assemblée peuvent être dématérialisés
Depuis le décret 2019-1118 du 31 octobre 2019, le procès-verbal (PV) de l'assemblée peut être établi et conservé sous forme électronique ; dans ce cas, la signature électronique du PV doit respecter au moins les exigences prévues en matière de signature électronique « avancée » par le règlement européen du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique au sein du marché intérieur (C. com. art. R 225-22 sur renvoi de l'art. R 225-106). Les sociétés qui envisagent de dématérialiser leur PV doivent donc prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect de ces exigences.
Pour aller plus loin : téléchargez le Livre Blanc Quorum et majorité requis pour l'adoption des décisions collectives de SA et de SARL
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