Une enfant naît en 1964 en Suisse sans filiation paternelle établie. À la suite du décès en 2013 de M. Q., son père présumé, elle intente une action en constatation de filiation civile et demande que soit réalisée une expertise génétique. Bien que les résultats du test ADN établissent que le défunt est son père biologique, les juridictions suisses déboutent la requérante de sa demande :
M. Q. n’avait de son vivant établi qu’une paternité dite « alimentaire » à l’égard de la requérante ;
cette dernière n’a pas agi dans le délai d’un an suivant sa majorité et n’a pas de justes motifs susceptibles de rendre le retard excusable, comme le prévoit la législation suisse.
Elle saisit alors la Cour européenne des droits de l’Homme et soutient qu’il y a violation de son droit au respect de la vie privée et familiale (Conv. EDH art. 8).
Échec. En constatant que la requérante s’était abstenue d’agir pendant 31 ans, alors qu’à plusieurs moments de sa vie elle aurait pu solliciter les informations sur sa filiation et se renseigner sur les démarches nécessaires, les tribunaux suisses ont pu justement considérer comme injustifiée l’inactivité de la requérante.
A noter :
Dans une affaire similaire, la Cour de Strasbourg avait déjà jugé que le délai de prescription de 10 ans de l’action en établissement de la filiation prévu par la législation portugaise ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale. Il permet en effet de disposer d’assez de temps pour entamer une procédure et préserve la sécurité juridique du père présumé et de sa famille (CEDH 3-10-2017 nos 72105/14 et 20415/15, Silva et Mondim Correia c/ Portugal : BPAT 1 /18 inf. 16).
En France, la Cour de cassation évalue depuis déjà plusieurs années les règles en matière de filiation au regard du droit au respect de la vie privée garanti par la convention européenne des droits de l’Homme. La Haute Juridiction a ainsi validé le délai de prescription de l’action en constatation de la possession d’état dans une affaire où la requérante s’est notamment abstenue d’agir alors qu’elle avait bénéficié d’un délai de 45 ans pour exercer l’action en établissement de sa filiation paternelle (Cass. 1e civ. 2-12-2020 n° 19-20.279 : BPAT 1/21 inf. 52-16).