Lorsqu’une construction est achevée depuis plus de 10 ans, l’administration ne peut pas se prévaloir de l’irrégularité de la construction initiale pour opposer un refus de permis de construire (C. urb. art. L 421-9, anciennement L 111-12). Cette « prescription administrative » ne joue pas lorsque la construction a été réalisée sans permis.
Une construction édifiée au 19e siècle fait l’objet de travaux sans permis de construire, en méconnaissance de la réglementation applicable. Plus de 10 ans après, l’administration est saisie d’une demande de permis portant sur la réhabilitation de la construction. La prescription administrative joue-t-elle pour les anciens travaux réalisés sans permis ?
Non, répond le Conseil d’Etat. La prescription administrative ne bénéficie pas aux travaux réalisés lors de la construction primitive ou à l’occasion de modifications apportées à celle-ci, s’ils ont été réalisés sans permis en méconnaissance de la réglementation alors applicable. Il en est ainsi même si, comme en l'espèce, les travaux, de faible ampleur, n’ont pas conduit à la réalisation d’une nouvelle construction. En revanche, la prescription bénéficie aux travaux réalisés sans déclaration préalable.
A noter : La prescription administrative décennale permet d'éviter, lorsqu’une construction a plus de 10 ans, qu’une nouvelle demande de permis soit refusée au motif que cette construction ancienne est irrégulière. Auparavant, l’irrégularité d’une construction n’était pas effacée par le temps devant le juge administratif. Cela pouvait se révéler problématique, notamment pour l'acquéreur de l'immeuble vendu désireux d’y faire des travaux et qui était empêché de le faire tant que l’ensemble de la construction n'était pas conforme aux règles d’urbanisme en vigueur.
Cette prescription ne joue pas « lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire » (C. urb. art. L 421-9, 5°). On pouvait penser que seule la construction primitive était concernée. Mais pour le Conseil d’Etat, sont visés non seulement la construction primitive réalisée sans permis, mais aussi les travaux réalisés après coup (en ce sens, voir CE 16-3-2015 n° 369553 : BPIM 3/15 inf. 155), y compris ceux de faible ampleur qui ne conduisent pas à la réalisation d‘une nouvelle construction, dès lors qu’un permis était nécessaire et non une simple déclaration préalable. Cette solution reste défavorable au propriétaire qui souhaite faire évoluer son bien et qui risque ainsi de se voir opposer un refus de permis alors qu’il n’est pas à l’origine des travaux irréguliers.
Dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat rappelle également qu’une construction réalisée sans permis à une époque où un tel permis n’existait pas ou n’était pas exigé, ne peut pas être regardée comme réalisée « sans permis » au sens de l’article L 421-9 du Code de l’urbanisme (en ce sens, CE 15-3-2006 n° 266238, Min. équipement). Sont notamment visées les constructions édifiées avant la généralisation du permis de construire par la loi du 15 juin 1943.
Juliette COURQUIN
Pour en savoir plus sur la régularisation des constructions achevées depuis plus de 10 ans : voir Mémento Urbanisme Construction n° 13090