En 1998, un jugement de divorce prévoit que la prestation compensatoire due par l’ex-époux sera versée sous forme de rente viagère. Il en demande la révision en invoquant l’avantage manifestement excessif procuré à la crédirentière au regard de son âge et de son état de santé (Loi 2004-439 du 26-5-2004 art. 33, VI). Un jugement du 6 novembre 2008 rejette sa demande.
En 2015, il sollicite la suppression de la rente pour le même motif et invoque à l’appui de sa demande la durée du versement et le montant déjà versé (Loi 2004-439 du 26-5-2004 art. 33, VI dans sa rédaction issue de la loi 2015-177 du 16-2-2015).
La cour d’appel s’y oppose. Le jugement du 6 novembre 2008 a été rendu au visa de l’article 33, VI, de la loi du 26 mai 2004, dans sa version initiale faisant référence aux critères de l’âge et de l’état de santé de la crédirentière. L’introduction par la loi du 16 février 2015, postérieure à la décision, de critères tenant à la durée du versement de la rente et au montant déjà versé ne permet pas de remettre en cause l’autorité de la chose jugée.
Censure de la Cour de cassation. La cour d’appel aurait dû rechercher si l’ex-époux n’invoquait pas des circonstances de fait nouvelles résultant notamment de la durée et du montant des versements depuis le jugement du 6 novembre 2008.
A noter : La Cour de cassation a rendu sa décision au visa notamment de l’article 1355 du Code civil qui définit les conditions de l’autorité de la chose jugée : identité d’objet, de cause et de parties. Ici, la question portait sur la cause. Quel fait juridique nouveau permet d’échapper à cette autorité de chose jugée ?
Il peut s’agir d’un nouveau droit, né après la décision rendue (par exemple, Cass. 2e civ. 10-6-2010 n° 09-67.172 F-D). C’est cette hypothèse que la cour d’appel a écarté. Pour elle, la modification législative de 2015 n’a pas créé un nouveau droit. En effet, la loi de 2015 n’a pas modifié l’élément requis pour modifier ou supprimer une rente, à savoir l’avantage manifestement excessif du créancier. Elle a seulement explicité deux des critères d’appréciation de cet avantage, étant précisé que la durée et le montant des versements pouvaient déjà être pris en compte antérieurement (par exemple, Cass. 1e civ. 11-3-2009 n° 08-11.211 F-D). La Cour de cassation n'investit pas ce terrain.
En effet, et elle le rappelle, le fait juridique nouveau peut aussi résulter de circonstances factuelles. Le débirentier, dans son pourvoi, faisait d’ailleurs état de sa jurisprudence selon laquelle l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice (Cass. 2e civ. 3-6-2004 n° 03-14.204 FS-PB : Bull civ. II n° 264 ; Cass. 1e civ. 16-4-2015 n° 14-13.280 F-PB : Bull. civ. I n° 95). La cour d’appel aurait donc dû rechercher si les 7 années de versement entre le jugement de 2008 et la saisine du juge en 2015 ne constituaient pas un fait nouveau.
Olivier DESUMEUR
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la Famille n° 10042