Au terme d’une enquête approfondie sur l’activité disciplinaire de huit professions du droit et du chiffre, l’Inspection générale de la justice (IGJ) dresse un constat accablant : « trop grande diversité et complexité des régimes disciplinaires qui conduisent à un traitement des réclamations et des manquements sans cadre précis, sans pouvoir réel des acteurs locaux et qui laissent les usagers particulièrement désemparés. » Les instances disciplinaires sont rarement saisies et prononcent assez peu de sanctions (2 à 3 par profession et par an pour 1 000 professionnels). Elle a remis ses conclusions au garde des Sceaux le 4 décembre 2020 (Rapport n° 074-20, octobre 2020).
Ses travaux ont porté sur 6 métiers du droit (avocats aux conseils, avocats, notaires, huissiers de justice, commissaires-priseurs judiciaires, greffiers auprès des tribunaux de commerce) et les métiers du chiffre sous tutelle de la Chancellerie (commissaires aux comptes, administrateurs et mandataires judiciaires). Le bilan de l’exercice de l’activité disciplinaire de ces huit professions laisse apparaître une réforme de la discipline nécessaire. L’IGF souligne le malaise général au sein de chacune des professions qui, sous l’effet de lois récentes, craignent une dégradation des pratiques professionnelles et de l’application des règles déontologiques. Le contrôle et la discipline revêtent une acuité nouvelle. L’IGJ a relevé de sérieux obstacles pour parvenir à une bonne « santé déontologique ». L’hétérogénéité et la complexité des régimes, leurs failles et leur lourdeur au plan procédural sont pointées unanimement. Les valeurs déontologiques servent davantage à soutenir l’image et le bon fonctionnement de la profession qu’à encadrer les prestations aux clients. À partir d’un tableau d’ensemble plutôt négatif, elle plaide pour une refonte complète des dispositifs actuels, sous l’égide de la Direction des affaires civiles et du Sceau.
Pour David Ambrosiano, président du Conseil supérieur du notariat : « Ce rapport nous convient parfaitement dans la mesure où l’Inspection générale de la justice reprend à la fois les constats et les propositions que nous avions formulés. Nous ne pouvons qu’en être satisfaits. Le rapport n’est d’ailleurs pas critique, que ce soit sur le notariat ou les autres professions, il pose un constat. Notre système disciplinaire date de 1945, époque où les notaires étaient trois fois moins nombreux. Cela ne signifie pas que le contentieux disciplinaire est plus important en volume aujourd’hui, il l’est même moins. Seulement les règles destinées à le traiter ne sont plus adaptées. Piloter la discipline d’une profession avec des règles qui ont 75 ans n’est pas possible. »
25 RECOMMANDATIONS
Certaines propositions ne s’appliquent qu’aux seules professions du droit (n° 1, 3, 4, 9, 10, 24). Les autres concernent l’ensemble des professions du droit et du chiffre.
Créer un bureau de la déontologie et de la discipline
Pour la DACS, se réapproprier entièrement le processus légistique en matière de discipline
Élaborer une circulaire de politique d’action publique sur la surveillance et la discipline
Créer et animer un réseau de référents au sein des parquets généraux
Concevoir les modalités d’élaboration d’un rapport annuel sur le contrôle et la discipline par les parquets généraux
Ériger en priorité forte et urgente l’extension du logiciel OPM en lien avec l’expression des besoins de la DACS
Accompagner la définition et la mise en place d’un système d’information propre aux professions en lien avec les instances nationales représentatives des professions et la DACS
Solliciter des parquets généraux un rapport annuel sur l’état du contrôle et de la discipline de leur ressort
Créer un régime disciplinaire commun à l’ensemble des professions du droit
Engager un processus d’élaboration d’un code des professions du droit avec un volet consacré à la déontologie et à la discipline regroupant les règles déontologiques communes, la réglementation et la procédure disciplinaire
Centrer le dispositif disciplinaire sur la protection du public et lui donner une place dans la procédure disciplinaire
Élaborer une nouvelle échelle de sanctions identique pour toutes les professions, intégrant des sanctions pécuniaires
Créer un fichier national des sanctions disciplinaires pour toutes les professions
Donner aux parquets généraux la plénitude de compétence en matière de discipline
Prévoir la faculté pour un plaignant de voir sa réclamation réexaminée par le procureur général du ressort et/ou l’instance professionnelle régionale
Établir une typologie des manquements et les hiérarchiser selon leur gravité
Doter les bâtonniers, les présidents des instances régionales et le CNGTC d’un pouvoir de délivrance d’un rappel à l’ordre pour les manquements les plus légers dont les contours devront être préalablement définis
Prévoir une communication systématique par les instances professionnelles aux parquets généraux, des situations traitées selon la procédure de rappel à l’ordre
Créer une instance disciplinaire échevinal au niveau interrégional en suivant la cartographie actuelle des cours d’appel RBOP
Prévoir la création de services d’enquêtes aux mêmes échelons interrégionaux que ceux des instances disciplinaires
En lien avec les instances professionnelles nationales doter les instances disciplinaires et les services d’enquêtes de moyens nécessaires à leur fonctionnement
Créer une commission nationale d’appel des décisions des instances disciplinaires interrégionales
Prévoir dans le dispositif disciplinaire le droit du plaignant à être informé des étapes majeures de la procédure disciplinaire
Élaborer un rapport annuel d’activité sur la surveillance et la discipline des professions du droit et assurer sa publicité
25. En lien avec les instances représentatives des professions, fixer les modalités de la publicité de leurs activités en matière de contrôle et de discipline.
Alexandra DESCHAMPS
Pour en savoir plus : voir Solution Notaire hebdo