Le président de Bordeaux Métropole préempte un terrain situé à Cenon pour y réaliser une quarantaine de logements, dont la moitié à caractère social. Contestant le bien-fondé de cette préemption, en raison notamment du nombre de logements sociaux déjà élevé dans la commune et d’un programme urbanistique de l’habitat périmé au jour de la préemption, le propriétaire du terrain et l’acquéreur évincé demandent sa suspension en référé. Ils sont déboutés.
Saisi de l’affaire, le Conseil d’État rejette à son tour leur demande. Il rappelle au préalable que les droits de préemption du Code de l’urbanisme sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations d’aménagement répondant aux objets définis à l’article L 300-1, au nombre desquels il y a la politique locale de l’habitat (C. urb. art. L 210-1).
Appliquant ce principe à la préemption litigieuse, la Haute Juridiction juge qu’un tel projet de logements mixtes sociaux et non sociaux a « par nature » pour objet la mise en œuvre d’une politique locale de l’habitat, et répond à ce titre à l’article L 300-1. Il présente également le caractère d’une « action ou opération d’aménagement », ce caractère étant rempli quand le projet concourt à la mise en œuvre d’un programme local de l’habitat (PLH) ou au niveau intercommunal, d’un programme tenant lieu de PLH ou bien « comme en l’espèce, par [le projet] -même, eu égard à son ampleur et à sa consistance ». Quant à l’objectif d’intérêt général, ce n’est pas parce que Cenon a déjà atteint ses objectifs en termes de logements locatifs sociaux (CCH art. L 302-5) – 40% des résidences principales –, lesquels constituent des seuils à atteindre et non des plafonds, que la mise en œuvre du droit de préemption ne répondrait pas à un intérêt général suffisant.
A noter :
Les conditions de légalité des décisions de préemption, rappelées dans l’arrêt commenté, sont appliquées ici à une préemption décidée en vue de réaliser des « logements mixtes », sociaux et non sociaux.
Cet arrêt s’inscrit dans le prolongement d’un précédent selon lequel un projet de construction de 35 logements sociaux, eu égard à son ampleur et à sa consistance, présente par lui-même le caractère d’une action ou d’une opération d’aménagement, et peut justifier l’exercice du droit de préemption dès lors que, par nature, il a pour objet la mise en œuvre d’une politique locale de l’habitat, mentionnée à l’article L 300-1 du Code de l’urbanisme (CE 2-11-2015 n° 374957, Cne de Choisy-le-Roi : BJDU 1/2016 p. 525). Lorsque le projet ne s’inscrit pas dans le cadre d’un programme local de l’habitat, c’est donc sa consistance et son ampleur qui permettent de le regarder comme une action ou opération d’aménagement.
Pour une autre illustration de ce critère, dans un arrêt rendu le même jour, le Conseil d’État juge qu’un programme de 12 logements dont 7 sociaux présente, par lui-même, le caractère d’une opération d’aménagement compte tenu des circonstances locales (pression spéculative, faible disponibilité des terrains et logements sociaux insuffisants) et répond à la politique locale de l’habitat même en l’absence de programme local de l’habitat (CE 30-6-2023 n° 464324 : BPIM 4/23 inf. xx).
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