Par un contrat dit « de prestation de services », une société s’engage envers un fabricant de dispositifs médicaux à lui fournir les meilleurs contacts dans les hôpitaux, à prospecter ceux-ci, à négocier la réalisation d’essais et à assurer le suivi après-vente auprès d’eux. Après la rupture du contrat par le fabricant, la société demande sa requalification en contrat d’agent commercial et le paiement d’une indemnité de rupture.
Une cour d’appel rejette les demandes de la société aux motifs suivants : cette dernière ne disposait pas d’un pouvoir de négociation étendu ni de celui de négocier les prix, l’établissement et la transmission des offres aux clients relevant du fabricant ; si la société assurait le démarchage, la prospection et le suivi commercial, elle ne signait pas de contrat au nom du fabricant.
La Cour de cassation censure cette décision. En effet, il résulte de l’article L 134-1 du Code de commerce, tel qu’interprété à la lumière de la directive 18 décembre 1986 relative aux agents commerciaux (art. 2, 1), que l'agent commercial est un mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé de façon permanente de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services ou les conditions des contrats conclus par le mandant. Par suite, la cour d'appel ne pouvait pas exiger que la société jouisse de ce pouvoir ou de celui de conclure elle-même les contrats.
A noter :
En 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d'agent commercial au sens de l’article 1, 2 de la directive 86/653 du 18 décembre 1986 (CJUE 4-6-2020 aff. 828/18 : RJDA 2/21 n° 86). Puisque l’article L 134-1 du Code de commerce transpose cette directive en droit interne (et doit donc être interprété à la lumière de cette dernière), la Cour de cassation a pris acte de cette solution et procédé à un revirement de sa jurisprudence : le statut d’agent commercial peut être reconnu à un agent ne disposant pas du pouvoir de modifier les prix des produits ou services de son mandant (Cass. com. 2-12-2020 n° 18-20.231 F-P : BRDA 2/21 inf. 10) ni de modifier les autres conditions de vente ou de fourniture fixés par ce dernier (Cass. com. 12-5-2021 n° 19-17.042 FS-P : BRDA 13/21 inf. 10). L’arrêt commenté s’inscrit dans ce courant.
La notion de négociation, au centre de la définition de l’agent commercial donnée par l’article L 134-1 mais aussi par la directive de 1986, est donc réduite : les tâches principales d’un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants (CJUE 4-6-2020 aff. 828/18 précité).
Il incombera à la cour d’appel de renvoi de rechercher, nonobstant les termes du contrat, les conditions dans lesquelles le prestataire exerçait effectivement son activité (Cass. com. 19-10-2022 n° 21-21.378 F-D : RJDA 1/23 n° 20).
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