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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Fiscal/ Impôt sur les sociétés

Reclassement de titres au sein d’un groupe : quel sort pour la survaleur ?

La fraction du prix de revient des titres de participation correspondant à la survaleur procurée à la société mère qui les a acquis ne peut pas être maintenue à son bilan en cas de cession ou d’apport ultérieur des titres à une autre société du groupe. Solution inédite du Conseil d’Etat, qui diffère de celle applicable en cas d’absorption par la mère de sa filiale.

CE 8e-3e ch. 12-7-2017 n° 400644


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1. Le prix d’acquisition de titres de participation peut comprendre une fraction correspondant à l’augmentation de valeur que cette participation est susceptible d’apporter à la société qui acquiert les titres.

Le Conseil d’Etat se prononce, pour la première fois, sur le sort de l’augmentation de valeur (ou survaleur, également dénommée « goodwill ») en cas de cession ou d’apport de ces titres à des sociétés tierces. La survaleur ne peut pas subsister au bilan de la société qui transfère la propriété des titres de participation dès lors que cette fraction constitue un actif immatériel indissociable de leur propriété. La Haute Juridiction refuse ainsi de transposer, dans le cadre d’une cession ou d’un apport de titres, la solution retenue dans l’hypothèse de l’absorption par la société mère des filiales dont elle détient les titres.

2. Les faits à l’origine du litige étaient les suivants. Lors de l’acquisition de la totalité des titres d’une société américaine et de la prise de contrôle d’une société espagnole par le rachat de la participation détenue par une société tierce, une société holding avait accepté de payer, en plus de la valeur intrinsèque de ces titres, une prime correspondant à l’augmentation de valeur que ces participations procuraient à son fonds de commerce.

La cession ultérieure des titres de la société américaine à deux de ses filiales américaines ainsi que l’apport de sa participation espagnole à une autre de ses filiales espagnoles ont généré respectivement une moins-value à court terme et une moins-value à long terme.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration a remis en cause le montant de ces moins-values en raison de l’insuffisance du prix de cession des titres, qui aurait dû également être majoré d’une « prime de contrôle ». Elle s’est fondée sur l’article 57 du CGI pour regarder cette insuffisance de prix comme un transfert de bénéfices à l’étranger mais le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette analyse.

La cour administrative d’appel de Versailles a validé les rehaussements sur un autre terrain. Se fondant sur l’article 38, 2 du CGI, elle a jugé que la prime payée lors de l’acquisition des titres par la société holding devait être maintenue à son bilan de clôture de l’exercice de cession ou d’apport de ces titres (CAA Versailles 14-4-2016 n° 14VE01083).

L’obligation de maintien de la prime au bilan de la société absorbante est réaffirmée

3. La présente affaire donne d’abord l’occasion au Conseil d’Etat de réaffirmer le principe, posé dans une décision ancienne, selon lequel à la suite de l’absorption par la mère de sa filiale, l’augmentation de valeur obtenue initialement par la voie de prises de participation, n’est pas réputée avoir disparu du seul fait de la fusion et doit subsister, à défaut de dépréciation constatée depuis la prise de participation, au bilan de la société absorbante au nombre des éléments d’actif incorporel (CE plén. 16-5-1975 n° 92372 : IS-VI-19655).

A noter : comme le souligne le rapporteur public, Romain Victor, dans ses conclusions, le maintien au bilan de la survaleur constitue, dans le cadre d’une fusion, un pur reclassement comptable interne. Au moment de l’acquisition des titres, le supplément de prix payé ne peut pas être inscrit à un autre poste que celui des « titres de participations », dès lors que les titres doivent être inscrits à leur coût d’acquisition par l’entreprise qui comprend nécessairement le montant de ce supplément.

La solution retenue en cas de fusion est-elle transposable en cas de transfert des titres ?

4. La question tranchée ensuite par la Haute Juridiction porte sur le point de savoir si la solution retenue en cas d’absorption par la société holding de la filiale dont elle a pris le contrôle peut être étendue dans l’hypothèse d’un transfert des titres de cette filiale à une autre société du groupe.

Romain Victor expose, dans ses conclusions, les deux approches qui s’affrontent. Suivant la première approche, qui est celle retenue par la cour administrative d’appel, la cession des titres n’a pas d’incidence sur les avantages retirés du contrôle de la filiale acquise dès lors que la société cessionnaire est une filiale détenue à 100% par la société holding.

Une seconde approche, défendue par la société requérante, consiste à considérer, au contraire, que la cession des titres porteurs de la survaleur fait nécessairement perdre à la société cédante le bénéfice de cette survaleur qui n’aurait ainsi plus à être comptabilisé dans son patrimoine.

Selon la cour de Versailles, la situation d’un transfert des titres à une filiale détenue à 100%est identique à celle d’une fusion

5. La cour administrative d’appel de Versailles a retenu une approche économique en raisonnant à l’échelle du groupe. Selon la cour, l’effet de synergie obtenu par le biais des participations américaine et espagnole ne disparaît pas du seul fait du reclassement des titres au sein du groupe. La société holding conserve, non plus directement mais indirectement, la maîtrise des activités des sociétés américaine et espagnole et la faculté, en tant qu’animatrice du groupe dont elle est à la tête, d’orienter ces activités à son propre avantage. La cour en conclut que le holding conserve à son actif le supplément d’actif représentant l’intérêt stratégique pour le groupe de la participation détenue indirectement.

Pour le Conseil d’Etat, le transfert des titres fait obstacle au maintien de la prime au bilan de la société cédante

6. Suivant les conclusions de son rapporteur public, le Conseil d’Etat censure l’analyse de la cour de Versailles. Il distingue expressément l’hypothèse d’un transfert de la propriété des titres à des sociétés tierces de celle d’une incorporation totale du patrimoine de l’absorbée dans celui de l’absorbante.

Selon Romain Victor, l’idée selon laquelle il convient de conserver au bilan un actif incorporel constituant une forme de rémanence de l’acquisition initiale des titres n’a rien d’intuitif ni de naturel, eu égard à l’effet normalement attaché à une cession ou un apport de titres, qui emportent transmission de l’intégralité des droits attachés à la propriété des titres, ce qui est l’exact opposé d’une fusion-absorption, qui emporte incorporation totale du patrimoine de l’absorbée dans celui de l’absorbante.

7. Le rapporteur public soulève également les difficultés d’application de l’approche économique qui impliquerait d’admettre une forme de divisibilité de la survaleur entre, d’une part, la prime de contrôle, qui passerait nécessairement à la société cessionnaire ou bénéficiaire de l’apport et, d’autre part, la valeur attachée aux synergies escomptées, qui resterait à la mère.

Il souligne, en outre, la problématique de l’évaluation d’un actif incorporel détaché de la participation qui en est à l’origine en vue de l’inscrire dans les comptes de la société cédante ou apporteuse, d’autant que la réglementation comptable n’impose pas de retracer distinctement la valeur intrinsèque et la survaleur lors de l’acquisition des titres. Le principe de connexion fiscalo-comptable interdit d’approuver la rectification d’un bilan fiscal fondée sur le défaut d’inscription d’un élément d’actif incorporel que la réglementation comptable ne prescrit pas de faire apparaître.

Sensible aux arguments de son rapporteur public, le Conseil d’Etat pose le principe selon lequel la survaleur constitue un actif immatériel indissociable de la propriété des titres et ne peut subsister au bilan de la société cédante ou apporteuse, même si cette dernière contrôle la société cessionnaire ou bénéficiaire de l’apport.

La décision : le prix de revient des titres de participation et autres titres qui revêtent ce caractère sur le plan comptable peut inclure, en plus de leur valeur unitaire, une fraction correspondant à la convenance de l’acquéreur à transformer en filiales des sociétés dont les activités et implantations sont complémentaires des siennes ou de celles d’autres de ses filiales, en vue de maîtriser ces activités et les orienter éventuellement à son propre avantage.
Lorsque la société mère absorbe, au titre d’un exercice ultérieur, les filiales en cause, elle ne doit plus laisser figurer comme valeur d’actif au bilan de clôture de cet exercice les titres de ces sociétés annulés par l’effet de la fusion. Toutefois, l’augmentation de valeur du fonds de commerce de la société absorbante obtenue initialement par la voie de prises de participation doit, dans la mesure où elle subsiste, figurer après la fusion au nombre des éléments d’actif incorporel de la société dès lors que cette contrepartie ne peut être réputée avoir disparu du seul fait des fusions.
Il en va en revanche différemment dans l’hypothèse où les participations sont cédées ou apportées à des tiers. La fraction du prix d’acquisition correspondant aux avantages que la société acquéreuse retire du contrôle des filiales acquises, et le cas échéant des synergies existant entre leurs activités et les siennes propres ou celles d’autres filiales, correspond à un actif immatériel indissociable de la propriété des titres et ne peut pas subsister au bilan de la société en cas de transfert de propriété des titres à des sociétés tierces, fussent-elles entièrement détenues par elle-même.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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