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Reconnaissance de l’UES : quand l’accord collectif de droit commun a remplacé l’accord unanime

La Cour de cassation confirme que l'accord collectif reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale ne doit plus nécessairement être unanime, mais peut être conclu selon les règles de droit commun... Et fixe curieusement la date du passage d’un système à l’autre à l’entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008.

Cass. soc. 11-7-2016 n° 14-50.036 FS-D


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Des salariés demandent en justice la reconnaissance d'une unité économique et sociale (UES) entre plusieurs société pour faire mettre en place une réserve spéciale de participation à compter de 1997. Avec raison, selon la cour d'appel : il est manifeste que des conventions sont intervenues aux fins de fixer l'existence de l'UES, cette existence se déduisant de la référence à l'UES tant dans les protocoles préélectoraux que dans les plans d'intéressement, aucun recours n'étant intervenu contre les accords produits ou les décisions du comité.

L'arrêt est cassé : la cour d'appel ne pouvait pas faire droit à la demande des salariés sans constater que l'UES avait été reconnue, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi 2008-789 du 20 août 2008, par un accord collectif ou un protocole préélectoral unanime, conclu avec tous les syndicats représentatifs au sein des sociétés concernées, et, pour la période postérieure, par un accord collectif signé, aux conditions de droit commun, par les syndicats représentatifs au sein de ces sociétés.

La Cour de cassation confirme : l'accord de droit commun a remplacé l'accord unanime

En jugeant que l’accord reconnaissant l’existence d’une UES ne doit plus nécessairement être unanime, mais peut être conclu selon les règles de droit commun, la chambre sociale de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence antérieure.

A l'origine, en effet, l’UES était une création jurisprudentielle ayant pour objet de révéler l’existence au-delà de la diversité des personnes morales employeurs d’une entreprise unique afin de permettre la mise en place d'institutions représentatives d’une collectivité de travail unique. Dans un premier temps, la qualification d’UES a donc eu pour seul intérêt et seule conséquence la mise en place d’une représentation unique du personnel et des syndicats. Elle pouvait, dès lors, être reconnue soit par le juge des élections, soit par accord entre les employeurs concernés et les syndicats dans le cadre d’un protocole préélectoral.

Toutefois, par la suite, le législateur a attaché d’autres conséquences à cette notion. L’UES produit ainsi des effets en matière de validité d’un plan de sauvegarde de l’emploi (C. trav. art. L 1233-57-3) ou, comme c’était l’objet du litige, en matière de droit à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise (C. trav. art. L 3322-2, notamment). La jurisprudence, elle aussi, en a élargi la portée, qu’il s’agisse du régime juridique applicable à un licenciement collectif pour motif économique (Cass. soc. 16-11- 2010 n° 09-69.485 FS-PBR: RJS 2/11 n° 117) ou de la mise en cause du statut conventionnel collectif d’entreprise (Cass. soc. 24-6-2014 n° 13-10.301 FS-PB : RJS 10/14 n° 691).

Parallèlement, la notion s’est émancipée du contentieux électoral au point que sa reconnaissance peut être aujourd’hui sollicitée en justice indépendamment d’une demande de mise en place d’une institution représentative (Cass. soc. 2-6-2004 n° 03-60.135 FS-PBRI : RJS 8-9/04 n° 936) et qu’un arrêt de 2013 a même jugé que sa reconnaissance conventionnelle ne relevait plus du protocole d'accord préélectoral, mais de l'accord collectif signé aux conditions de droit commun (Cass. soc. 14-11-2013 n° 13-12.712 FS-PBR : RJS 1/14 n° 54).

Et précise : le remplacement a eu lieu le 22 août 2008

C’est cette dernière règle qui est rappelée par le présent arrêt mais de façon un peu curieuse. L’arrêt opère en effet une distinction entre la reconnaissance conventionnelle avant la loi du 20 août 2008, qu’il soumet au régime du protocole préélectoral tel qu’en vigueur, c’est-à-dire à l’exigence d’unanimité des syndicats représentatifs, et cette même reconnaissance après cette loi, qu’il soumet alors au régime de droit commun des accords collectifs. Or, si le régime du protocole préélectoral a bien été modifié par la loi de 2008, cette modification n’a pas conduit à lui appliquer le régime du droit commun des accords collectifs. En d’autres termes, l’arrêt de 2013 ne constitue pas l’application de la loi du 20 août 2008, mais un changement de jurisprudence qui s’inscrit dans une évolution antérieurement amorcée et qui résulte de la rupture des liens exclusifs qui rattachaient l’UES au seul contentieux électoral. Pourquoi alors la présente décision établit-elle cette séquence temporelle et fixe-t-elle sa charnière dans la loi du 20 août 2008 ? Cela étant, cette solution a le mérite de poser un principe d’application simple pour les employeurs et les organisations syndicales.

De grandes incertitudes entourent encore la reconnaissance de l'UES

Au-delà, et indépendamment de cette décision, la reconnaissance d’une UES suscite bien d’autres interrogations. S’agissant de la reconnaissance conventionnelle, la négociation peut-elle encore s’inscrire dans la négociation préélectorale tout en étant soumise aux conditions du droit commun ? L’arrêt de 2013 est bien ambigu. Après avoir affirmé que la reconnaissance conventionnelle ne relève pas du protocole d'accord préélectoral, mais de l'accord collectif de droit commun, il valide néanmoins la reconnaissance par un protocole préélectoral au motif que, signé à la double majorité des organisations syndicales au sens de l'article L 2324-4-1 du Code du travail, il l’avait forcément été par les organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés lors des dernières élections. Reste que, malgré ce sauvetage, seules les organisations représentatives participent à la négociation de droit commun alors que toutes doivent être invitées à la négociation du protocole préélectoral ! Ne faudrait-il pas alors deux négociations et accords successifs différents, l’un pour reconnaître l’UES, l’autre pour en tirer les conséquences électorales ?

S’agissant de la reconnaissance judiciaire, la Cour de cassation avait estimé, dans un avis, que l’action ressortissait de la compétence du tribunal d’instance, même en l'absence de tout contentieux électoral, dès lors que cette reconnaissance judiciaire imposait la mise en place d’institutions représentatives du personnel (Cass. avis 19-3-2007 no 06-00.020). Mais les données ont changé. Aujourd’hui, une telle reconnaissance impose tout aussi bien, la présente affaire l’illustre, la mise en place d’un mécanisme d’intéressement commun aux sociétés composant l’UES, contentieux qui ne ressortit en rien à la compétence du tribunal d’instance. Si l’on ajoute que les jugements rendus en matière d’UES le sont à charge d’appel (Cass. soc. 31-1-2012 no 11-20.232 PBRI : RJS 4/12 no 359 ), on se demande bien ce qui justifie encore la compétence de cette juridiction au détriment de celle du tribunal de grande instance.

Rançon de son succès, de grandes incertitudes entourent donc toujours les modes de reconnaissance de l’unité économique et sociale.

Pour en savoir plus : voir Mémento social no 26605

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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