L’ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021, dont les dispositions entreront en vigueur le 1er janvier prochain, consacre un important volet au cautionnement, la sûreté personnelle la plus fréquente.
Voici un commentaire des nouveautés concernant la mention que la caution doit indiquer dans l’acte de cautionnement.
Les exigences actuelles
Afin d’assurer l’information de la caution sur la portée et l’étendue de son engagement, la loi subordonne actuellement la validité de certains cautionnements – ou de la seule clause de solidarité qu’ils comportent – à la présence dans l’acte de cautionnement de mentions particulières écrites de la main de la caution et conformes à des modèles légaux impératifs : tel est le cas des cautionnements consentis par une personne physique envers un créancier professionnel (C. consom. art. L 331-1, L 331-2, L 343-1 et L 343-2) et ou en garantie d'une opération relevant de la réglementation du crédit à la consommation ou du crédit immobilier (C. consom. art. L 314-15, L 314-16 et L 341-51-1). L’application de ces exigences donne lieu à un abondant contentieux en cas de discordance entre la mention portée par la caution et le modèle légal (voir un récapitulatif de la jurisprudence au BRDA 1/19 inf. 20).
L’ordonnance prévoit l’abrogation des dispositions précitées (Ord. 2021-1192 art. 32) et leur substitue un régime unique, élargi mais simplifié, qui relèvera du seul Code civil (art. 2297 nouveau).
Extension de l’exigence d’une mention
La mention sera requise de la part de la cautionpersonne physique, peu important que le créancier soit un professionnel ou pas, le nouvel article 2297 étant silencieux sur ce point.
Elle sera donc exigée notamment pour un cautionnement conclu entre particuliers, par exemple entre un bailleur non professionnel et un parent du locataire, ce qui est expressément prévu pour le bail d’habitation (Loi 89-462 du 6-7-2021 art. 22-1, dernier al. modifié).
Comme aujourd’hui, la mention ne sera pas obligatoire pour les cautionnements souscrits par les personnes morales ni pour ceux consentis par acte notariéou par acte sous signature privée contresigné par un avocat (C. civ. art. 1369, al. 3 et 1374, al. 3).
La personne physique qui donne mandat de se porter caution devra apposer la même mention (art. 2297, al. 3 nouveau). En application des textes actuels du Code de la consommation, la Cour de cassation a déjà jugé que le mandat, donné par acte sous signature privée, de se porter caution doit comporter la mention manuscrite prescrite par le Code de la consommation et que, à défaut, l’irrégularité du mandat s’étend au cautionnement subséquent même consenti par acte authentique (Cass. 1e civ. 8-12-2009 n° 08-17.531 FS-D : RJDA 3/10 n° 287). Il en sera à notre avis de même en application du nouvel article 2297, al. 3 du Code civil.
Bien sûr, la mention sera exigée du certificateur de caution (celui qui se porte caution d’une caution de premier rang à l’égard du créancier) sous les mêmes conditions que la caution de premier rang. L’exigence est incertaine en ce qui concerne la sous-caution (celle s’engage à l’égard de la caution de premier rang à payer ce que lui doit le débiteur principal), dans la mesure où certains juges refusent de considérer la caution de premier rang comme un créancier à la date de la conclusion du sous-cautionnement.
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Une mention pas nécessairement manuscrite
Le nouvel article 2297 du Code civil ne fait plus référence à une mention manuscrite mais à une mention apposée par la caution elle-même, afin de tenir compte de la possible conclusion du cautionnement par voie électronique. Les conditions de cette apposition doivent, en application de l’article 1174, al. 2 du Code civil, garantir qu’elle n’a pu être faite que par la caution.
Comme sous l’empire des actuelles dispositions du Code de la consommation, la mention ne pourra donc pas être valablement apposée par un tiers, par exemple par la secrétaire de la caution (Cass. com. 13-3-2012 n° 10-27.814 : RJDA 8-9/12 n° 801 som.). A notre avis, sera également toujours applicable le principe dégagé par la Cour de cassation selon lequel la caution, qui a sciemment fait rédiger la mention par un tiers, ne pourra pas invoquer l’irrégularité de son engagement (Cass. com. 5-5-2021 n° 19-21.468 F-P : BRDA 11/21 inf. 11).
Contenu de la mention
La caution devra indiquer dans l’acte, à peine de nullité de celui-ci, qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres ; en cas de différence, le cautionnement vaudra pour la somme écrite en toutes lettres (C. civ. art. 2297, al. 1 nouveau). Si la caution est privée des bénéfices de discussion ou de division, elle reconnaîtra dans cette mention ne pas pouvoir exiger du créancier qu’il poursuive d’abord le débiteur ou qu’il divise ses poursuites entre les cautions ; à défaut, elle conservera le droit de se prévaloir de ces bénéfices (art. précité, al. 2).
Par rapport au régime actuel issu du Code de la consommation, on peut notamment relever les différences suivantes.
Contrairement à celles prévues par le Code de la consommation, la mention de l’article 2297 n’est plus sacramentelle : si ce texte la prescrit à peine de nullité de l’engagement ou de la clause de solidarité, il ne fait qu’en fixer le contenu sans imposer une formulation donnée. En cas de contestation, il incombera au juge d’apprécier si la mention est suffisante pour assurer l’information de la caution. Cette exigence sera satisfaite en cas de reprise des actuelles mentions des articles L 331-1 et L 331-2 du Code de la consommation sous la réserve exposée n° 16.
Jusqu’à présent, les mentions manuscrites imposées par le Code la consommation constituaient à elles seules l’engagement de la caution, la Cour de cassation ayant refusé de pallier les éventuelles omissions par rapport aux formules prescrites en se référant au reste de l’acte de cautionnement (Cass 1e civ. 9-7-2015 précitée pour la durée du cautionnement ; Cass. com. 24-5-2018 n° 16-24.400 FS-PB : RJDA 8-9/18 n° 682 pour l’identité du débiteur). Le juge recouvrira-t-il cette latitude avec la nouvelle mention ?
Le montant de l’engagement de la caution devra être indiqué à la fois en chiffres et en lettres, ce qui n’est pas exigé dans les modèles imposés par le Code de la consommation (Cass. com. 18-1-2017 n° 14-26.604 F-PB : RJDA 3/17 n° 206, validant le cautionnement comportant seulement une indication chiffrée).
Le cautionnement donné par une personne physique devra être d’un montant déterminé.
La nouvelle mention n’énumère pas les accessoires de la dette qui sont couverts par le cautionnement. Cela sera sans incidence sur les droits du créancier puisque, sauf clause contraire, le cautionnement s’étendra aux intérêts et autres accessoires, ainsi qu’aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation faite à la caution (C. civ. art. 2295 nouveau qui ne limite pas le principe au seul cautionnement indéfini d’une obligation principale, comme le fait aujourd’hui l’article 2293).
La caution ne sera pas tenue de mentionner la durée de son engagement alors que cette indication, pour l’instant requise par le Code de la consommation, fait l’objet d’une jurisprudence contradictoire (Cass 1e civ. 9-7-2015 n° 14-24.287 F-PB : RJDA 11/15 n° 783 exigeant que cette indication figure clairement dans la mention manuscrite et non ailleurs dans l’acte de cautionnement ; Cass. com. 15-11-2017 n° 16-10.504 F-PBI : RJDA 2/18 n° 177 admettant la validité du cautionnement à durée indéterminée, en l’espèce « jusqu'au paiement effectif de toutes les sommes dues »).
Il ne sera pas nécessaire d’indiquer dans la mention que la caution s’engage à rembourser le créancier « sur ses biens et revenus ». La précision est inutile puisque le cautionnement constitue une obligation personnelle qui engage tout le patrimoine de la caution. Appliquant à la lettre les actuels textes du Code de la consommation qui imposent cette précision, la Cour de cassation a jugé qu’en cas d’omission des termes « mes biens » dans la mention, le cautionnement est valable mais que le créancier ne peut poursuivre que les revenus de la caution (Cass. com. 1-10-2013 n° 12-20.278 FS-PB : RJDA 2/14 n° 169, 3e espèce). Nonobstant toute mention en ce sens, la caution engagera donc tous ses biens et revenus, sous réserve du plafond minimum de ressources (« reste à vivre » ; cf. C. consom. art. L 731-2) qu’elle peut conserver si elle est une personne physique (C. civ. art. 2301 actuel ; art. 2307 nouveau). Mais rien n’interdira à la caution de stipuler qu’elle n’engage que ses biens ou que ses revenus mais encore faudra-il que le créancier l’accepte.
La clause de solidarité ne visera plus seulement la solidarité entre la caution et le débiteur principal mais aussi celle entre les différentes cautions de la même dette. En outre, seront abrogés les articles L 331-3, L 343-3 du Code de la consommation et 47, II-al. 1 de la loi 94-123 du 11 février 1994 qui réputent non écrites les clauses de solidarité figurant dans un cautionnement donné par une personne physique à un créancier professionnel lorsque l’engagement n’est pas limité à un montant déterminé (Ord. 2021-1192 art. 32, I-2° et VI).
Autre nouveauté, le nouvel article 2297 ne comporte aucune prescription en ce qui concerne l’emplacement de la signaturede la caution par rapport à la mention, contrairement à ce qui est actuellement prévu par les modèles du Code de la consommation (signature apposée immédiatement après la mention manuscrite). Ceci mettra un terme au contentieux fourni en ce domaine (voir notamment, Cass. com. 1-4-2014 n° 13-15.735 F-D : RJDA 7/14 no 671 ; Cass. 1e civ. 22-9-2016 n° 15-19.543 F-PB : RJDA 12/16 n° 904 ; Cass. com. 28-2-2018 n° 16-24.637 F-D : RJDA 5/18 n° 459).
Protégeant l’intérêt privé de la caution, la nullité prévue par l’article 2297 nouveau est à notre avis relative (cf. C. civ. art. 1179). Le cautionnement irrégulier peut donc être confirmé par la caution, par exemple par son exécution volontaire, comme cela été admis en cas d’irrégularité de la mention prescrite par le Code de la consommation pour le cautionnement d’un crédit à un consommateur (Cass. com. 5-2-2013 n° 12-11.720 FS-PB : RJDA 5/13 n° 452).