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Réforme fiscale américaine : quelques perspectives pour les groupes ?

A l’occasion de son discours au Congrès le 28 février dernier, Donald Trump a réaffirmé son intention de mener une « réforme historique » du système fiscal américain en vue de relancer l’économie américaine. Guillaume Glon, avocat associé, et Marie-Hélène Pinard-Fabro, PwC Société d’Avocats, en présentent les grands axes.


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Guillaume Glon, avocat associé, et Marie-Hélène Pinard-Fabro, avocat, cabinet PwC Société d’Avocats, présentent les grands axes de la réforme fiscale américaine telle qu’elle se dessine à partir des déclarations du candidat Trump et des propositions formalisées par les représentants républicains dans le « Blueprint » du 24 juin 2016

Une réforme nécessaire du système d’impôt sur les sociétés

Le système fiscal américain repose sur un principe de mondialité associé à un taux d’imposition élevé : au niveau fédéral, le taux de l’impôt sur les sociétés est fixé à 35 % (soit un total proche de 40 % si l’on y ajoute la fiscalité des états), contre 24,2 % en moyenne pour les pays de l’OCDE. Ce système complexe et ce taux d’imposition élevé ont incité de nombreux groupes américains à conserver hors des Etats-Unis leurs gains réalisés à l’étranger, afin de les soustraire à l’imposition dissuasive qui s’appliquerait en cas de rapatriement. On estime à près de 3 billions de dollars le montant du trésor de guerre détenu par les multinationales américaines hors des Etats-Unis et qui ne sont pas réinjectées dans l’économie américaine, pour des raisons fiscales.

Pour les mêmes raisons, la pratique des opérations d’inversion s’est accrue au cours des dernières années. Ces opérations consistent à délocaliser hors des Etats-Unis le siège social de la maison mère d’un groupe américain, en la faisant absorber par une société étrangère dans la foulée d’une opération d’acquisition.

Si ce constat conduit à un assez large consensus sur la nécessité de repenser et de moderniser le système fiscal américain, les moyens à mettre en œuvre restent quant à eux très débattus. Plus qu’une réforme, les mesures annoncées par les Républicains, présentées comme un moyen fort de relancer l’économie américaine, pourraient bouleverser intégralement le paysage fiscal américain.

Les grands axes de la réforme

Impôt sur les sociétés

- Le taux de l’impôt fédéral serait réduit à 20 % (voire 15 % selon les annonces faites par Donald Trump lors de sa campagne)

- Les investissements feraient l’objet d’une déduction fiscale immédiate. Corrélativement la charge nette d’intérêts supportée par les entreprises ne pourrait plus faire l’objet d’aucune déduction, mais deviendrait reportable en avant et imputable sur les produits nets d’intérêts futurs. Ce thème a été abordé avec quelques variantes par Donald Trump, qui a évoqué ce régime dans le cadre d’une option qui serait réservée aux entreprises industrielles. Si la mesure devait recevoir une portée générale, des règles dérogatoires seraient prévues pour les banques et autres institutions financières.

- Les pertes pourraient faire l’objet d’un report illimité en avant et pourraient être imputées sur le bénéfice imposable des exercices ultérieurs à hauteur de 90 % de son montant. Le report en arrière serait quant à lui prohibé.

- La plupart des régimes fiscaux dérogatoires ou incitatifs seraient supprimés, à l’exception du crédit d’impôt recherche.

- Surtout, les règles de territorialité de l’impôt seraient transformées et assorties d’un mécanisme d’ajustement frontalier visant à taxer le chiffre d’affaires réalisé aux USA et exonérer le chiffre d’affaires dégagé à l’export. Les charges liées à l’ensemble des opérations (ventes domestiques ou à l’export) resteraient déductibles, à l’exception de celles issues d’opérations d’importation et sous réserve des dispositions spécifiques à certaines charges, par exemple l’interdiction de déduire les intérêts. Ces règles s’appliqueraient indépendamment du lieu d’implantation du siège de la société et du lieu de production des produits ou services vendus. Susceptibles de conférer au nouvel impôt sur les sociétés une nature hybride, proche de celle d’un impôt indirect, ces règles pourraient d’ailleurs causer des difficultés de qualification et soulever certaines incertitudes quant à l’applicabilité des conventions fiscales internationales.

Imposition des réserves accumulées à l’étranger

Les réserves accumulées à l’étranger sous l’ancien système seraient présumées distribuées et taxées une fois pour toutes à un taux de 10% (taux avancé par Donald Trump ; le « Blueprint » évoque quant à lui une taxation au taux de 8,75 % qui s’appliquerait aux liquidités et un taux de 3,5 % pour les autres actifs).

Imposition des produits de filiales

Les dividendes versés aux  sociétés américaines par leurs filiales étrangères seraient intégralement exonérés.

Des conséquences à anticiper

Les conséquences de la réforme telle qu’elle se dessine seraient tout aussi nombreuses que variées selon la situation des groupes et des entreprises concernés.

Des conséquences directes pour les groupes présents aux Etats-Unis …

Pour les groupes américains présents à l’étranger et notamment en France, se poserait la question de l’identification des réserves accumulées sous l’ancien système et de leur imposition forfaitaire au taux de 10% annoncée par Donald Trump.

Pour les groupes français présents aux Etats-Unis, la réforme pourrait bouleverser complètement la donne et nécessiter une revue de toute leur structure juridique et opérationnelle. En effet, si la non-déductibilité des charges financières venait à être confirmée, elle modifierait substantiellement les équilibres financiers en place. Par ailleurs, les entreprises qui sont aujourd’hui en position importatrice aux Etats-Unis seraient très défavorablement affectées par l’impossibilité de déduire leurs charges liées aux importations. De leur côté, les entreprises exportatrices pourraient se trouver en situation de déficit récurrent, étant précisé qu’à cet égard, les propositions de réforme n’apportent aucune indication quant à l’éventuelle possibilité de monétiser de tels déficits.

… pour l’ensemble des opérateurs économiques

Sous un angle plus général se pose la question de l’impact économique de  la réforme. La plupart des économistes anticipent une hausse du dollar liée à une demande accrue en produits américains du fait du régime favorable accordé aux exportations, qui générerait elle-même un fort besoin en dollars sur les marchés. A terme, une telle hausse pourrait neutraliser au moins partiellement les effets de la réforme.

Si ce rééquilibrage du cours du dollar ne se produisait pas, du fait par exemple des résistances de certains opérateurs ou des actions des autorités régulatrices, c’est une hausse des prix sur le marché domestique qui deviendrait probable, en lien avec une demande accrue en produits domestiques justifiée par l’effet dissuasif de la réforme sur les importations.

Dans tous les cas, ce ne sont pas uniquement les groupes actifs aux Etats-Unis qui sont susceptibles d’être impactés, mais aussi tous ceux qui opèrent aujourd’hui en dollars sur les marchés internationaux.

Il est donc essentiel pour l’ensemble des entreprises disposant d’une ouverture internationale de suivre la réforme.

Par Guillaume Glon, Avocat associé, PwC Société d’Avocats



et Marie-Hélène Pinard-Fabro, Avocat directeur, PwC Société d’avocats



© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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