Un homme, de nationalité allemande, anticipe la transmission à son décès d’un bien immobilier situé en Autriche. Les modalités de ce transfert (conditions de construction, de non-divorce, de survivance) sont fixées aux termes d’un contrat pour lequel le droit autrichien est désigné comme loi applicable. Aux termes du contrat, le disposant autorise l’inscription du transfert de propriété dans le livre foncier autrichien, sur présentation d’un acte officiel de décès et de la preuve que les conditions requises pour l’exécution du transfert sont réunies. Sa régularisation est antérieure au 17 août 2015, date d’entrée en application du règlement Successions (Règl. UE 650/2012 du 4-7-2012).
À son décès, le 13 mai 2018, le bénéficiaire effectif, son fils, demande aux autorités locales autrichiennes (tribunal de district de Hermagor puis tribunal régional de Klagenfurt, Autriche) d’inscrire son droit de propriété sur le livre foncier. Rejet catégorique : la loi applicable au contrat est la loi autrichienne et le requérant n’apporte pas la preuve de la réalisation des conditions au contrat. Le fils introduit alors un recours en révision devant la Cour suprême (Oberster Gerichtshof). Comme préalable, la juridiction s’interroge notamment sur la qualification du contrat translatif de propriété à cause de mort et l’application du règlement Successions. Elle saisit la Cour de justice de l’Union européenne d’une première question préjudicielle : un tel acte de donation à cause de mort constitue-t-il ou non un pacte successoral au sens du règlement (Règl. UE 650/2012 du 4-7-2012 art. 3, § 1-b) ?
La CJUE répond par l’affirmative. Un contrat en vertu duquel une personne prévoit le transfert futur, lors de son décès, de la propriété d’un bien immobilier lui appartenant à d’autres parties contractantes, constitue un pacte successoral au sens de cette disposition. Elle en donne ainsi une acception libérale, sur le fondement des définitions conventionnelles des notions de « pacte successoral » et de « succession » (Règl. UE 650/2012 du 4-7-2012 art. 3, § 1-a et 1-b). Elle se réfère à l’esprit du texte : éviter le morcellement des successions et établir un régime uniforme applicable à tous les aspects de droit civil d’une succession à cause de mort ayant une incidence transfrontalière (Règl. UE 650/2012 du 4-7-2012 considérant 9). Elle rappelle que l’exclusion des libéralités du champ d’application du règlement doit être interprétée de manière stricte. Lorsqu’une disposition figurant dans un accord relatif à une succession consiste en une donation qui ne prend effet qu’au décès du de cujus, elle relève du champ d’application du règlement.
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A noter :
Du point de vue de notre droit interne, cette décision conforte les commentaires faits à propos de la donation entre époux de biens à venir et sa qualification de pacte successoral au sens du règlement (voir notamment en ce sens, Les 5 Cridon, Recueil de cas d’application du règlement n° 650/2012 : Brochure pratique inter-Cridon, 2e éd. 2019, cas n° 8 La donation entre époux, p. 49 s.).
La CJUE était par ailleurs saisie d’une deuxième question préjudicielle subordonnée à la qualification de l’acte litigieux de pacte successoral. La validité du choix de loi applicable effectué aux termes d’un pacte successoral antérieur au 17 août 2015 doit-elle être appréciée au regard des dispositions transitoires du règlement Successions (Règl. UE 650/2012 du 4-7-2012 art. 83, § 2) ? Pas dans cette affaire. En cause, l’amplitude du choix de la loi désignée par le disposant, limitée au seul sujet du pacte successoral. Dès lors, le bénéfice d’une rétroactivité « in favorem » des dispositions transitoires est exclu (Rép. eur. Dalloz, v. Règlement n° 650/2012 sur les successions par P. Lagarde, n° 107). Pour rappel, le règlement prévoit en effet un mécanisme de « sauvetage » des choix de loi applicable antérieurs à son entrée en application. Un tel choix est valable s’il est fait conformément aux dispositions du règlement Successions. Il l’est également, effectué en application des règles de DIP de droit interne en vigueur au moment de l’exercice de ce choix dans l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle ou dans l’État dont il possédait la nationalité (Règl. UE 650/2012 du 4-7-2012 art. 83, § 2). Encore faut-il, pour apprécier la validité de ce choix au regard de ces dispositions, qu’il porte sur l’ensemble de la succession et non pas seulement, comme dans cette affaire, sur un bien en particulier (Règl. UE 650/2012 du 4-7-2012 art. 21 et 22 combinés).