Un salarié élu en qualité de délégué du personnel demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur. Il est licencié pour faute grave avant que le conseil de prud'hommes ne se prononce sur sa demande, en application d'une autorisation de l'inspecteur du travail. Mais celle-ci est annulée par le juge administratif. Le salarié demande alors sa réintégration dans l'entreprise, comme l'y autorise l'article L 2422-1 du Code du travail. L'employeur refusant d'y accéder, le salarié saisit à nouveau le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, et obtient la condamnation de ce dernier.
La demande de réintégration doit être faite dans les 2 mois
Lorsque l'autorisation administrative de licenciement est annulée, et que le salarié protégé demande sa réintégration dans l'entreprise, celle-ci est de droit. Seule une impossibilité absolue peut justifier un refus de réintégration : tel est le cas lorsque l'entreprise n'existe plus et qu'elle n'appartient pas à un groupe ou à une unité économique et sociale (Cass. soc. 19-11-2008 n° 07-43.215 F-D : RJS 2/09 n° 194).
L'article L 2422-1 du Code du travail fixe une condition de délai impérative : la demande de réintégration doit être formée dans les 2 mois qui suivent la notification de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement. Si le salarié laisse ce délai s'écouler, sa demande de réintégration est irrecevable car tardive (Cass. soc. 23-6-1999 n° 97-41.825 P : RJS 8-9/99 n° 1094).
S'agissant de la forme de la demande, le Code du travail est muet. Il dispose que c'est le salarié qui demande sa réintégration. Mais selon la jurisprudence, la demande n'est pas nécessairement formée personnellement par l'intéressé : il peut donner mandat exprès à cet effet à son syndicat, par exemple (voir en ce sens Cass. soc. 22-3-1995 n° 93-42.183 PF : RJS 5/95 n° 531). S'inscrivant dans la même veine, l'arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 2017 précise que, dans la mesure où le Code du travail n'impose aucune condition de forme, la demande de réintégration peut valablement être adressée à l'employeur par l'avocat du salarié. En l'espèce, l'employeur ne contestait pas avoir reçu cette demande dans le délai de 2 mois suivant la décision du juge administratif ayant annulé l'autorisation de licenciement. L'employeur ne pouvait donc pas se soustraire à son obligation de réintégration.
Pas de méconnaissance du statut protecteur si la rupture a été autorisée par l'administration
L'employeur ayant manqué à son obligation de réintégration, le salarié obtient la résiliation judiciaire du contrat de travail. La cour d'appel lui a accordé une indemnité pour violation du statut protecteur. A tort, selon la Cour de cassation : le salarié ayant été licencié en vertu d'une autorisation de l'inspecteur du travail, la rupture n'avait pas été prononcée en méconnaissance du statut protecteur. Dans la mesure où la résiliation judiciaire découlait du défaut de réintégration consécutif à l'annulation de cette autorisation, elle n'ouvrait pas droit à l'indemnité pour violation du statut protecteur.
Laurence MECHIN
Pour en savoir plus sur la rupture du contrat de travail des salariés protégés : voir Mémento Social nos 63300 s.