Lorsque le projet de plan de sauvegarde prévoit une modification des statuts de la société débitrice, le tribunal peut décider que cette modification pourra être adoptée, sur première convocation, à la majorité des voix dont disposent les associés ou actionnaires présents ou représentés dès lors que ceux-ci possèdent au moins la moitié des parts ou actions ayant le droit de vote (C. com. art. L 626-3, al. 1).
Confronté à une telle situation, l’associé minoritaire d’une société franchisée placée sous sauvegarde judiciaire pose une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur ces dispositions. Pour lui, elles constituent une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre des associés minoritaires, car, dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, facultative et volontaire, elles permettent au juge, statuant sur requête et sans débat contradictoire préalable, d'autoriser l'assemblée générale des associés à adopter les modifications statutaires prévues dans le projet de plan à la majorité simple, neutralisant ainsi le droit de vote des associés minoritaires, sans prévoir aucune limite quant à l'utilisation de ce dispositif, notamment concernant la nature et la gravité des modifications statutaires pouvant en être l'objet, ni subordonner la mise en œuvre du dispositif à la nécessité de la poursuite de l'activité de l'entreprise et de sa sauvegarde et sans garantie des droits des associés minoritaires.
La Cour de cassation refuse de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, estimant qu’elle n’est pas sérieuse. La disposition contestée n'est applicable qu'aux personnes morales faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire et, dans la première hypothèse, n'est mise en œuvre par le tribunal que dans la mesure de l'existence d'une minorité de blocage susceptible de s'opposer à des modifications statutaires nécessaires à la réalisation des objectifs d'intérêt général poursuivis par un plan de sauvegarde, à savoir la réorganisation de l'entreprise en vue de poursuivre l'activité, maintenir l'emploi et apurer le passif. Il en résulte que cette disposition ne porte pas une atteinte disproportionnée à l'exercice du droit de propriété, à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle au regard de l'objectif poursuivi.
A noter :
L’article L 626-3, al. 1 du Code de commerce s’applique en cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire (sur renvoi de l’art. L 631-19, al. 1) en l’absence de constitution des classes de parties affectées. Si ces classes sont constituées, les associés de la société débitrice sont appelés à voter le projet de plan - et les modifications statutaires qui y figurent - au sein de ces classes selon des modalités spécifiques, hors celle prévue par l’article L 626-3, al. 1 (C. com. art. L 626-30-2, dernier al.).
L’article L 626-3 permet l’adoption du plan malgré l’opposition d’associés minoritaires. Il peut être particulièrement utile en cas de franchise participative, hypothèse dans laquelle le franchiseur (ou l'une de ses filiales) est associé de la société franchisée avec une minorité de blocage. Tel était le cas dans les deux affaires : l’associé auteur de la QPC était une filiale appartenant au groupe du franchiseur, auprès duquel était engagée la société débitrice. Comme l’ont relevé R. Mortier et E. Guégan, l’application de l’article L 626-3 par le tribunal dans un tel cadre redonne de l’autonomie aux associés majoritaires qui vont pouvoir voter un plan remettant en cause les liens statutaires avec le franchiseur, notamment en modifiant l’objet social qui impose l’exploitation sous l’enseigne du franchiseur (La franchise participative à l’épreuve de la jurisprudence – Efficacité de la minorité de blocage du franchiseur en cas de procédure collective de la franchisée : BRDA 15-16/24 inf. 24 n°s 4 s.). Ces auteurs signalent aussi un risque de fraude par effet d’aubaine pour la société franchisée.
Il résulte de la décision commentée que la fraude sera écartée s’il est fait application de l’article L 626-3 pour des modifications statutaires qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs d'intérêt général poursuivis par le plan : réorganisation de l'entreprise en vue de poursuivre l'activité, maintenir l'emploi et apurer le passif (art. L 620-1 et L 631-1).
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