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Sans réponses du groupe aux recherches de reclassement, le PSE peut-il être homologué ?

Le plan de reclassement prévu par le PSE d’une entreprise en liquidation judiciaire peut être considéré comme suffisant malgré le défaut de réponse des entreprises du groupe, sollicitées par le liquidateur sur les postes susceptibles d’être proposés aux salariés menacés de licenciement.

CE 1-6-2022 n° 434225, Fédération CFDT des banques et assurances c/ Sté Alliage Assurances


Par Laurence MECHIN
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©Gettyimages

Une société d’assurances appartenant à un groupe établi en Europe est placée en liquidation judiciaire fin septembre 2018. Les liquidateurs élaborent un PSE prévoyant la suppression des 140 postes de l’entreprise. Aucun reclassement n’est possible dans l’entreprise, qui est en cessation totale et définitive d’activité. Mais une autre société du groupe, basée en France, est susceptible de proposer des postes. Le liquidateur judiciaire interroge cette société le 8 octobre, par courrier postal parvenu le 12 octobre à son destinataire. Il dépose dès le lendemain, le 9 octobre, une demande d’homologation du PSE auprès de l’administration, sans attendre les réponses de la société qu’il a sollicitée. L’administration homologue le PSE le 12 octobre.

Un syndicat et plusieurs salariés saisissent le juge administratif d’un recours, remettant en cause le caractère sérieux de la recherche de reclassement effectuée par le liquidateur.

Le Conseil d’État, dans un arrêt destiné à être publié au recueil Lebon, donne raison au liquidateur judiciaire et à l’administration. Explications.

Le PSE peut être homologué même si le groupe, interrogé sur le reclassement, n’a pas encore répondu …

Le PSE doit intégrer un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne peut pas être évité (C. trav. art. L 1233-61). L’employeur doit donc avoir identifié l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. Si celle-ci appartient à un groupe, l'employeur, en tant que seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles dans les autres entreprises du groupe. Enfin, dans tous les cas, pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, il doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation (CE 22-7-2015 n° 383481).

S’agissant du reclassement au sein de l’entreprise, le juge administratif met à la charge de l’employeur une obligation plus lourde : il doit identifier les postes disponibles et les proposer de manière précise aux salariés menacés de licenciement. Mais dans le cadre du groupe, il n’a, par définition, pas connaissance des postes disponibles : il doit donc seulement justifier qu’il a procédé à une recherche sérieuse de reclassement et, le cas échéant, mentionner dans le plan de reclassement intégré au PSE les postes identifiés.

L’administration saisie d’une demande de validation ou d’homologation du PSE vérifie le sérieux de cette recherche. L’employeur doit justifier avoir sollicité toutes les entreprises du groupe, de manière suffisamment précise pour leur permettre de répondre de façon pertinente à ses sollicitations. Mais doit-il justifier avoir obtenu des réponses à ses sollicitations avant de saisir l’administration de sa demande d’homologation ? C’est la question qui était soumise, en l’espèce, au juge administratif.

Le Conseil d’État juge, pour la première fois à notre connaissance, que l’employeur – ou, comme en l’espèce, le liquidateur judiciaire - n’est pas tenu d’attendre les réponses des entreprises du groupe qu’il a sollicitées pour soumettre le PSE à l’administration en vue de son homologation. Cette circonstance ne peut pas, à elle seule, faire obstacle à l’homologation, dès lors que les recherches de reclassement ont été sérieuses.

En l’espèce, le document unilatéral prévoyait que les éventuelles propositions de reclassement formulées par les sociétés du groupe, sollicitées, serait mentionnées dans une liste annexée. Cette mention est suffisante.

A noter :

Le Conseil d’Etat a suivi les conclusions de Frédéric Dieu, rapporteur public dans cette affaire, sur ce point. En effet, selon ce dernier, « rechercher, même sérieusement, ne signifie pas trouver et obtenir ». L’employeur ne peut pas se contenter de prévoir, dans le PSE, que les possibilités de reclassement seront recherchées ultérieurement (en ce sens : Cass. soc. 9-10-2007 n° 06-41.286 F-D ; Cass. soc 23-8-2008 n° 07-40.113 F-D). Mais il peut actualiser le plan de reclassement intégré au PSE en fonction des postes qui se libèrent en cours de procédure (Cass. soc. 14-2-2007 n° 05-45.887 FS-PB).

On ajoutera que, lorsque l’entreprise est en liquidation judiciaire, le liquidateur doit agir rapidement en raison du délai de garantie des créances salariales. En effet, en cas de PSE, sont garanties les créances résultant de la rupture des contrats de travail à l'initiative du liquidateur dans les 21 jours suivant le jugement de liquidation ou dans les 21 jours suivant la fin du maintien provisoire d'activité autorisé par le jugement (C. trav. art. L 3253-8). Cela laisse peu de temps au liquidateur pour solliciter les entreprises du groupe, préparer le PSE et solliciter son homologation.

… et même s’il vient à peine d’être interrogé

Le Conseil d’État était ensuite interrogé sur le caractère suffisant du PSE au regard des moyens dont disposait l’entreprise.

A noter :

Rappelons que l'administration saisie d'une demande d'homologation d'un PSE doit vérifier, dans le cas des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaires, d'une part, que l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur a recherché les moyens dont disposent l'unité économique et sociale et le groupe auquel l'entreprise appartient et, d'autre part, que le PSE est suffisant au regard des seuls moyens dont dispose l'entreprise (C. trav. art. L1233-58, II).

Pour le Conseil d’État, le PSE était proportionné aux moyens de l’entreprise et l’administration a pu légitimement homologuer le document unilatéral du liquidateur judiciaire. En effet, selon les juges, le plan de reclassement « interne » était suffisant, et plusieurs mesures de reclassement externe, financées par des fonds publics, étaient prévues.

A noter :

Le Conseil d’État a déjà admis que, compte tenu des moyens limités dont disposait une entreprise en liquidation judiciaire, les mesures figurant dans le PSE pouvaient être regardées par l'administration comme suffisantes, même si elles se bornaient à mettre en œuvre des dispositifs légaux ou financés par des fonds publics (CE 13-4-2018 n° 404090). Cette solution est rappelée ici.

Le juge administratif relève que le liquidateur judiciaire a tardé à saisir l’une des sociétés du groupe afin d’identifier les postes disponibles pour le reclassement. Le liquidateur a en effet saisi l’administration d’une demande d’homologation du PSE le lendemain seulement du jour où il a expédié le courrier par lequel il sollicitait cette société.

Toutefois, selon le Conseil d’État, ce retard n’a pas eu d’influence sur le caractère sérieux de la recherche de reclassement, « dans les circonstances particulières de l’espèce ». Les juges ont relevé que la seule société du groupe située en France, et susceptible de proposer des postes de reclassement, était elle-même en difficulté financière et ne procédait à aucun recrutement.

La décision de la cour administrative d’appel, qui avait annulé l’homologation du PSE, est donc censurée.

A notre avis :

Sur ce point, la décision du Conseil d’État laisse perplexe. Le retard observé par le liquidateur judiciaire dans ses démarches a objectivement privé les salariés menacés de licenciement d’une chance, même minime, de se voir proposer un poste de reclassement. On peut observer, a minima, que le liquidateur aurait pu faire preuve de diligence non seulement en sollicitant cette société plus en amont, mais également en effectuant cette démarche par voie électronique plutôt que par courrier postal. Ce dernier a en effet mis 4 jours à parvenir à la société, qui l’a reçu le jour même où l’administration a homologué le PSE. Aucune justification à ce retard ne semble d’ailleurs avoir été apportée par le liquidateur. La seule « circonstance particulière » retenue par les juges tient aux difficultés financières rencontrées par l’autre société.

On notera d’ailleurs que le Conseil d’État n’a pas suivi les conclusions du Rapporteur public, selon lequel « en interrogeant aussi tardivement la seule entreprise du groupe susceptible d’offrir des postes de reclassement, le liquidateur ne peut être regardé comme ayant effectué une recherche sérieuse de reclassement, le caractère sérieux de cette recherche devant s’apprécier tant au regard du contenu de la recherche qu’au regard de sa diligence et de son effectivité (…). Si donc la recherche de reclassement menée par le liquidateur n’a pas été sérieuse, ce n’est pas en raison de l’absence de réponse des entreprises du groupe, (…) mais c’est en raison de l’absence de question posée à celle-ci en temps utile ».

Documents et liens associés

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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