Un bailleur fait procéder par un huissier à la saisie conservatoire des meubles de son locataire en l’absence de celui-ci. A l’occasion de cette saisie, l’huissier constate que le locataire a quitté les lieux en emportant les meubles. Quelques jours plus tard, il dresse un procès-verbal de reprise des lieux et fait changer les serrures du logement, sans qu’il y ait eu au préalable une mise en demeure et une décision de justice constatant la résiliation du bail. Le locataire assigne l’huissier en réparation de son préjudice pour reprise illicite du logement.
La cour d’appel de Douai rejette la demande du locataire. Selon elle, ce dernier ne rapporte pas la preuve que la reprise du logement - dont il s’était retiré volontairement pour intégrer une autre habitation, dans des conditions répréhensibles au regard de ses obligations de gardien des meubles saisis entre ses mains à titre conservatoire, même en l’absence de mise en demeure et d’une décision de justice constatant la résiliation du bail - lui a causé un dommage matériel ou moral dont l’huissier devrait l’indemniser.
La Cour de cassation censure l’arrêt. La seule constatation d’une reprise illicite du logement ouvre droit à réparation.
A noter : la procédure de résiliation d’un bail d’habitation en cas d’abandon du logement par le locataire est strictement encadrée par la loi (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 14-1). Lorsque des éléments laissent supposer que le logement est abandonné par ses occupants, le bailleur peut mettre en demeure le locataire de justifier qu'il occupe le logement. Cette mise en demeure est faite par acte d’huissier de justice. A défaut de réponse dans un délai d’un mois, l’huissier peut procéder au constat de l’état d’abandon du logement et dresser un procès-verbal des opérations. Le juge peut ensuite prononcer la résiliation du bail.
Dans l’affaire commentée, l’huissier a directement établi le procès-verbal de reprise des lieux et fait changer les serrures du logement sans que le juge ait prononcé la résiliation du bail. Il a donc commis une faute en ne respectant pas la procédure légale. Sa responsabilité pouvait donc être engagée pour reprise illicite et entraîner, de facto, du moins c’est ce que la Cour de cassation en a déduit, une indemnisation pour le préjudice causé au locataire.
Anne ICART
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Gestion immobilière n° 61860