Un armateur conclut avec une société un contrat de construction de navire. A la suite du refus de celui-ci de payer deux factures, la société, dont la créance est évaluée à 284 795 €, est autorisée à faire procéder à la saisie conservatoire du navire. Une banque consent à l'armateur une « garantie à première demande », entraînant la mainlevée de cette saisie. A la demande de la société, la banque la paye et est remboursée grâce au débit de même montant opéré par elle, par le jeu d'une délégation de paiement signée par l'armateur, sur le contrat d'assurance-vie de ce dernier. L'armateur agit alors en responsabilité contre elle, en soutenant qu'elle a commis une faute dans les conditions de mise en œuvre et d'exécution de la garantie.
Il est fait droit à sa demande.
Il résulte des éléments suivants que la banque s'était engagée à honorer, sur demande de la société, l'obligation même de l'armateur et que cet engagement constituait un cautionnement :
aux termes de l'acte litigieux, la banque déclarait se porter garante du débiteur principal (l’armateur) vis-à-vis du bénéficiaire (la société) pour un montant maximum de 284 795 € en principal, intérêts, frais et accessoires pour garantir le paiement de cette somme conformément à l'ordonnance valant saisie conservatoire du navire ;
la banque n'avait pas renoncé dans l'acte à faire valoir d'objection ou d'exception, ou d'autres circonstances tenant à l'obligation principale, et avait ainsi écarté la rédaction suivante proposée par l'avocat de l’armateur : « la banque s'engage irrévocablement à payer à première demande écrite du bénéficiaire tout le montant par application des dispositions de l'article 2321 du Code civil [...]. En conséquence, la banque ne pourra opposer à la demande de paiement du bénéficiaire aucune exception tenant au contrat principal ».
Par suite, la banque avait commis une faute, d'une part, en versant 284 795 € à la société sans en aviser d'abord l’armateur, alors que celle-ci ne disposait d'aucune créance exigible, en l'absence de tout jugement exécutoire à l'encontre de l'armateur, ce que ce dernier lui aurait immédiatement signalé s'il en avait été informé, d'autre part, en mettant en œuvre la délégation de créance signée à son profit alors qu'elle avait perdu son recours contre l’armateur. Cette faute avait causé à ce dernier un préjudice égal à la somme prélevée sur son assurance-vie, justifiant que la banque soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts équivalents.
A noter :
L'arrêt commenté constitue une nouvelle illustration de la distinction entre garantie autonome et cautionnement. Rappelons que la garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues (C. civ. art. 2321, al. 1), et que le cautionnement est le contrat par lequel une caution s'oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci (C. civ. art. 2288, al. 1).
Le critère essentiel de distinction réside donc dans l’objet de l’obligation qui doit être, s’agissant d’une garantie autonome, indépendant du contrat de base, tandis que le cautionnement porte sur l’obligation du débiteur principal (notamment, Cass. com. 16-6-2004 n° 01-15.394 F-D : RJDA 12/04 n° 1378 ; Cass. 1e civ. 12-12-2018 n° 17-12.477 F-D : RJDA 3/19 n° 223). Peu importe que les parties aient qualifié leur engagement de « garantie à première demande » et qu’il soit exécutable à tout moment à la demande du créancier (Cass. com. 9-3-2022 n° 19-24.990 F-D : RJDA 8-9/22 n° 514), ou qu'il ait été souscrit « irrévocablement et inconditionnellement » (Cass. 1e civ. 6-7-2004 n° 01-15.041 FS-P : RJDA 1/05 n° 76). Mais la simple référence au contrat de base dans l’acte d’engagement du garant ne porte pas nécessairement atteinte au caractère autonome de la garantie (Cass. com. 30-1-2001 n° 98-22.060 FS-P : RJDA 5/01 n° 642 ; Cass. com. 2-10-2012 n° 11-23.401 F-D).