Un rappel de salaire lié à la requalification du contrat à temps plein
Les dispositions du Code du travail relatives à la répartition de la réserve spéciale de participation ne fixent aucune règle concernant les salariés àtemps partiel. Toujours est-il qu’une répartition proportionnelle au salaire, en l’absence d’accord prévoyant un ou plusieurs autres critères de répartition, conduit à verser au salarié employé à temps partiel une prime de participation elle aussi « partielle » au regard de celle qu’il percevrait s’il travaillait à temps plein. Un arrêt rendu le 9 mai 2019 précise qu’en cas de requalification par le juge du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, le salarié est fondé à réclamer un rappel de prime de participation.
Pour rejeter la demande du salarié, la cour d’appel avait opposé le caractère annuel et définitif, selon elle, de l’évaluation de la réserve de participation et de sa répartition, qui rendrait impossible le calcul a posteriori de la prime de participation qu’aurait dû percevoir le salarié, et donc le paiement d’un rappel de prime. Selon les juges du fond, le salarié avait bien été lésé et était fondé à demander une indemnisation pour perte de chance de percevoir cette prime, mais comme sa demande portait uniquement sur un rappel de prime, il devait être débouté.
La répartition de la réserve spéciale ne fait pas obstacle à un rappel de prime de participation
Le raisonnement est jugé inopérant par la Cour de cassation. Pour elle, les juges du fond, dès lors qu’ils accordent au salarié un rappel de salaire en conséquence de la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein, doivent déterminer la part de prime de participation dont le salarié a été privé à l’occasion des répartitions successives de la réserve spéciale de participation.
La règle semble applicable dès lors qu’un rappel de salaire est accordé et que le calcul de la prime de participation est au moins en partie proportionnel à la rémunération. Faute d’une telle obligation, la position adoptée par les juges du fond reviendrait à faire obstacle à tout rappel de prime en vertu du caractère prétendument définitif du calcul de la participation. Ainsi la Cour n’aurait-elle pas pu accorder à des salariés en congé de reclassement le bénéfice d’un rappel de prime de participation dont l’employeur les avait privés au motif que leur rémunération n’entrait pas dans le calcul de la réserve spéciale de participation (Cass. soc. 7-11-2018 n° 17-18.936 FS-PB).
A noter : Quelles sont les modalités pratiques de calcul du rappel de prime de participation pour le salarié dont le contrat de travail a été requalifié à temps plein ? Logiquement, le montant de la réserve spéciale de participation devrait être revu rétroactivement en tenant compte d’un salaire à temps plein et non à temps partiel, avant d’effectuer un nouveau calcul de la prime qui lui est due. Une solution plus simple consiste à revoir la prime en fonction d’un salaire à temps plein, sur la base de la réserve spéciale de participation telle que constituée à l’origine.
Rappelons qu’en cas d’accord prévoyant une répartition proportionnelle au temps de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice (permise par l’article L 3324-5 du Code du travail), l’administration autorise une prise en compte différenciée du temps partiel et du temps complet (Guide de l’épargne salariale, juillet 2014, p. 31 et p. 84). Elle précise toutefois que si l’accord combine ce critère et celui de proportionnalité au salaire, ces critères doivent être appliqués à des sous-masses distinctes au sein de la réserve de participation, afin que les salariés à temps partiel ne soient pas surpénalisés par rapport aux salariés à temps plein et que le principe de proportionnalité soit préservé (Guide de l’épargne salariale, juillet 2014, p. 84).
Fanny DOUMAYROU
Pour en savoir plus sur la répartition de la réserve spéciale de la participation : voir Mémento Social nos 33910 s.