Un Grec et son épouse de nationalité suisse vivant en Grèce ont un enfant, né en Grèce. Un peu plus d’un mois après sa naissance, la mère vient se reposer chez ses parents en France avec l’enfant, accompagnée de son mari. Constatant que son épouse refuse de rentrer en Grèce avec l’enfant, le mari l’assigne en France pour voir ordonner le retour de l’enfant sur le fondement de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants et du règlement 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit « Bruxelles II bis ». Confirmant la décision de première instance, les juges d’appel estiment le non-retour de l’enfant en Grèce, où il avait sa résidence habituelle, illicite et ordonnent le retour. Un pourvoi est formé par la mère.
Cassation. Selon la jurisprudence de la CJUE, la résidence habituelle de l’enfant, au sens du règlement Bruxelles II bis, correspond au lieu où se situe, dans les faits, le centre de sa vie. Par ailleurs, il appartient à la juridiction nationale de déterminer où se situe ce centre sur la base d’un faisceau d’éléments de fait concordants. Pour un nourrisson, son environnement est essentiellement familial, déterminé par la personne avec laquelle il vit. Il faudra donc apprécier la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour de cette personne dans un État membre, ses origines géographiques et familiales ainsi que les rapports familiaux et sociaux entretenus par celle-ci et l’enfant dans le même État membre. L’intention initialement exprimée par les parents quant au retour de la mère accompagnée de l’enfant dans l’État de leur résidence habituelle avant la naissance de l’enfant ne saurait être la considération prépondérante. Il en va de même du consentement du père (ou de son absence) dans l’exercice de son droit de garde. La cour d’appel a privé sa décision de base légale en fixant la résidence habituelle de l’enfant en Grèce sans rechercher si, au regard du très jeune âge de l’enfant et de la circonstance qu’il était arrivé à l’âge d’un mois en France et y avait séjourné de manière ininterrompue depuis lors avec sa mère, son environnement social et familial et, par suite, le centre de sa vie, ne s’y trouvait pas, nonobstant l’intention initiale des parents quant au retour de la mère et de l’enfant en Grèce.
À noter : La Cour de cassation abandonne sa jurisprudence selon laquelle un nouveau-né avait sa résidence habituelle dans l'État dans lequel vivaient ses parents immédiatement avant sa naissance, lorsque la mère était venue en France peu de temps avant l'accouchement (Cass. 1e civ. 26-10-2011 n° 10-19.905 FS-PBI : BPAT 6/11 inf. 345 ; Cass. 1e civ. 7-12-2016 n° 16-20.858 F-PB : BPAT 1/17 inf. 16). Dans cette hypothèse, le refus de quitter la France et de retourner avec l'enfant dans le premier État était donc caractéristique d'un non-retour illicite. Cette position n'est pas partagée par la Cour de justice de l'Union européenne s'agissant d'un enfant qui est né et a séjourné de manière ininterrompue avec sa mère pendant plusieurs mois, conformément à la volonté commune de ses parents, dans un État membre autre que celui où ces derniers avaient leur résidence habituelle avant sa naissance. L'intention initiale des parents quant au retour de la mère, accompagnée de l'enfant, dans l'État membre de leur résidence habituelle ne saurait permettre de considérer que cet enfant y a sa résidence habituelle (CJUE 8-6-2017 aff. 111/17 ; dans le même sens, CJUE 17-10-2018 aff. 393/18 : BPAT 6/18 inf. 234). On notera toutefois une différence factuelle : dans ces affaires, l’enfant n’avait jamais séjourné dans l’État membre de la résidence habituelle des parents alors que dans l’affaire commentée il y était resté un peu plus d’un mois. On aurait donc pu considérer qu’il y avait sa résidence habituelle car une durée de quelques jours peut suffire pour un nourrisson si cela est corroboré par d’autres éléments (CJUE 22-12-2010 aff. 497/10) ; dans ce cas, le changement de sa résidence en France, sans l’accord du père, aurait pu caractériser le non-retour illicite.
Emmanuel DE LOTH
Pour en savoir plus sur cette question, voir Mémento Droit de la famille n° 73353
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