Un restaurateur donne en location-gérance le fonds de commerce qu'il exploite dans un local loué en vertu d'un bail commercial. Le propriétaire de ce local lui délivre un commandement d'exercer personnellement son activité dans les lieux loués, conformément au contrat de bail, le commandement visant la clause résolutoire.
Dans le mois qui suit la délivrance de ce commandement, le locataire résilie le contrat de location-gérance et crée, avec le locataire-gérant, une société en participation ayant pour objet l'exploitation provisoire et en commun du fonds de commerce. Le propriétaire agit alors en constatation de la clause résolutoire et, subsidiairement, en prononcé de la résolution du bail.
Ses demandes sont rejetées :
- En l'absence de personnalité morale, la société en participation créée avec un tiers n'a d'existence juridique que dans les rapports entre associés ; le contrat de location gérance avait été résilié dans le délai imparti par le commandement et le locataire avait, après la résiliation de ce contrat, exercé personnellement son activité, ce qui ressortait d'une attestation de l'expert-comptable confirmant avoir déclaré à l'administration fiscale une somme au titre des recettes réalisées à cette époque ; le locataire s'était donc conformé au commandement de sorte que la résiliation du bail n'était pas acquise par le jeu de la clause résolutoire.
- La seule infraction pouvant être reprochée au locataire consistait à avoir donné son fonds de commerce en location-gérance pendant trois mois, avant la délivrance d'un commandement, mais une telle infraction ne constituait pas un manquement d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail.
A noter : 1. La résiliation de plein droit du bail ne peut intervenir qu'un mois au moins après le commandement de payer ou d'exécuter demeuré infructueux (C. com. art. L 145-41, al. 1 ; Cass. 3e civ. 29-9-2010 n° 09-13.922 FS-PB : RJDA 2/11 n° 117). La preuve de la persistance de l'infraction aux clauses du bail après l'expiration du délai de mise en demeure incombe au bailleur (Cass. 3e civ. 13-11-1997 n° 95-16.419 P : RJDA 1/98 n° 25).
Il importe que ce soit l'infraction visée dans le commandement qui ait perduré.
Au cas présent, la persistance du défaut d'exploitation personnelle par le locataire était discutée en raison du montage réalisé par le locataire et son ancien locataire-gérant (qui envisageait d'acquérir le fonds), par lequel ce dernier continuait à participer à l'exploitation du fonds pendant un certain temps. Les juges d'appel ayant souverainement retenu que ce montage n'excluait pas l'exercice personnel de son activité par le locataire, la résiliation ne pouvait pas intervenir.
En pratique : La solution aurait peut-être été différente si le commandement avait visé la mise à disposition du fonds au profit d'un tiers, également interdite par le bail, mais cette question n'avait pas été invoquée devant le juge d'appel.
2. Pour entraîner la résolution du bail, le manquement invoqué doit revêtir une gravité suffisante (C. civ. art. 1224), qui est souverainement appréciée par les juges du fond (par exemple, Cass. 3e civ. 7-10-1987 n° 86-11.297 : Bull. civ. III n° 162).
Maya VANDEVELDE
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Baux commerciaux n° 72830