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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Autres opérations sur titres (admission sur le marché, ordres de bourse, rachat, etc.)

Responsabilité d'une banque qui ne met pas en garde un client contre un ordre d'achat incohérent

Une banque qui s'est engagée par une convention de tenue de compte à mettre en garde son client lorsque celui-ci passe un ordre en bourse inadapté a été condamnée à réparer le préjudice moral causé au client du fait d'un manquement à son obligation.

Cass. com. 8-11-2017 n° 15-22.672 F-D


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Le client d'une banque ayant conclu avec elle une convention de tenue de compte d'espèces et d'instruments financiers transmet à la banque un ordre d'achat d'obligations composées (donnant droit à acquérir des actions à terme) par internet sans proportion avec ses capitaux disponibles (600 obligations pour plus de 350 000 €). La banque lui ayant demandé de régler le montant de cet ordre, le client lui reproche de ne pas l'avoir mis en garde contre cette opération, réalisée selon lui par erreur.

La responsabilité de la banque a été retenue pour manquement à son obligation contractuelle de mise en garde : aux termes de la convention, lorsque la banque estime que le service ou l'instrument financier faisant l'objet de l'ordre du client n'est pas adapté, elle doit mettre celui-ci en garde parallèlement à la validation du passage de l'ordre en ligne ou par téléphone ; or, si le client passait en moyenne plus de 40 ordres de bourse par mois, le montant de ces ordres, situé en moyenne entre 1 500 et 7 000 €, était sans commune mesure avec la somme engagée pour l'achat des obligations en cause, qui représentait plus de 70 fois le solde disponible sur son compte espèces ; en outre, le client n'avait jamais réalisé d'opérations d'une telle ampleur et il ne ressort pas du questionnaire « quel investisseur êtes-vous », rempli par le client à l'ouverture de son compte, qu'il aurait eu une compétence sérieuse en matière d'obligations.

La banque n'ayant pas justifié d’une mise en garde du client parallèlement à la passation de l'ordre litigieux, elle a été condamnée à lui verser 5 000 € en réparation du préjudice moral que ce manquement lui avait causé.

A noter : 1. Il est admis que, indépendamment de toute stipulation contractuelle, une banque est tenue, comme tout prestataire de services d'investissement (PSI), de mettre en garde son client contre les risques nés d'une opération spéculative envisagée par celui-ci. La banque est dispensée de cette obligation si elle établit que son client a la qualité d'opérateur averti (jurisprudence constante).

En l'espèce, la banque invoquait cette jurisprudence, faisant valoir que les obligations en cause n'étaient pas des titres spéculatifs et que le client était un opérateur averti. Cet argument était inopérant car l'obligation de mise en garde de la banque était prévue par la convention de tenue de compte, qui ne comportait aucune dispense ni restriction. Il appartenait donc à celle-ci de mettre en place une alerte informatique mettant en garde son client contre les risques liés à la passation d'un ordre sans disposer des fonds nécessaires à son règlement. On rappelle que le PSI qui fournit les services de réception et transmission d'ordres via internet doit, lorsqu'il tient lui-même le compte d'espèces et d'instruments financiers de son client, disposer d'un système automatisé de vérification du compte qui assure le blocage de l'entrée de l'ordre en cas d'insuffisance des provisions et des couvertures (notamment, Cass. com. 8-3-2011 n° 10-10.798 F-D : RJDA 6/11 n° 548).

2. Dans l'affaire ci-dessus, la banque contestait l'existence du lien de causalité entre son manquement et le préjudice moral, lié à une dépression nerveuse, dont le client demandait réparation. Ce lien de causalité était caractérisé :

- lorsque le client avait fait part à la banque de sa « dépression totale » par un courrier, celle-ci n’avait pas réagi, sauf à lui accorder des délais de paiement ; bien au contraire, elle avait exigé le remboursement du solde dû par le client après la vente de son portefeuille de titres (plus de 300 000 €), somme qu'il était loin de posséder ;

- en raison de la pression que la banque lui avait fait subir en vue de régulariser la position débitrice de son compte, le client avait été contraint de consacrer du temps et de l'énergie, pendant de nombreux mois, à trouver des acquéreurs pour ses obligations ;

- il avait dû suivre un traitement médicamenteux afin de lutter contre sa dépression, son stress et ses insomnies.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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