Le 15 octobre 2020, les Editions Francis Lefebvre ont présenté un webinaire intitulé « Entreprise en difficulté : les grandes lignes des procédures collectives ». L’objectif de cette présentation était de permettre aux entreprises qui ne sont pas spécialistes de ces procédures d’acquérir une vision d’ensemble de celles-ci et de leur donner des points de repère en la matière. Comme promis, nous répondons ci-après à quelques questions qui n’ont pu être traitées en direct.
Quel est l’intérêt pour un créancier de demander la mise en redressement ou liquidation judiciaire de son débiteur ?
A première vue, la démarche comporte surtout des inconvénients. Le créancier va devoir assigner son débiteur en justice, prouver que celui-ci est en cessation des paiements, et le greffe du tribunal va lui réclamer une consignation de quelques centaines d’euros pour les frais de procédure. Une fois ouvert le redressement ou la liquidation judiciaire, le créancier demandeur est soumis à la même discipline que les autres créanciers : il ne peut recevoir ni demander aucun paiement pour ses créances nées avant l’ouverture de la procédure ; il doit déclarer celles-ci auprès des organes de la procédure et, si tout se passe bien, elles seront payées mais avec des délais et rarement en totalité.
Alors, pourquoi agir ? L’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire va « geler » les actifs du débiteur : celui-ci ne pourra pas les vendre librement ; les autres créanciers ne pourront pas les saisir (les saisies en cours seront également neutralisées). Ce gel permet d’envisager :
- le maintien de l’activité du débiteur dans le cadre d’un plan de redressement qui imposera au débiteur de verser sur une dizaine d’années des dividendes qui seront répartis entre les créanciers ;
- ou, si le redressement est manifestement impossible, la cession de cette activité, le prix servant à désintéresser les créanciers.
Mais le créancier qui a demandé l’ouverture de la procédure va se trouver en concurrence avec les autres créanciers, notamment ceux titulaires de sûretés inscrites sur les biens du débiteur (hypothèque, nantissement…) ou de privilèges (tels notamment les salariés et le Trésor public) et qui bénéficient à ce titre d’une priorité de paiement.
Le créancier doit donc examiner l’intérêt d’assigner son débiteur au regard du montant de sa créance (plus le montant de la créance est faible, moins l’intérêt est grand), de son rang par rapport aux autres créanciers (dispose-t-il d’une sûreté inscrite sur les biens du débiteur ou d’un privilège ?), de la nature des actifs du débiteur (celui-ci est-il propriétaire de locaux, de matériels ou encore d’un bail commercial susceptibles d’être cédés à bon prix ?).
Quelle est la durée de la période d’observation ?
Cette question est l’occasion de rappeler ce qu’est la période d’observation. Il s’agit de la période comprise entre le jugement qui ouvre la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire et le jugement qui arrête le plan ou qui prononce la liquidation judiciaire. Elle a pour objet de diagnostiquer les difficultés rencontrées par le débiteur et d’examiner les possibilités de préserver l'activité et l'emploi et de payer le passif. Durant cette période, le débiteur poursuit son activité, sauf exception, mais il n'est pas totalement autonome dans sa gestion et peut même en être déchargé. Par ailleurs, il bénéficie d'une suspension des poursuites des créanciers à son encontre pour les créances nées avant le jugement d'ouverture et pour certaines créances nées après. Les créanciers doivent déclarer leurs créances, qui sont soumises à vérification, et ils sont sollicités individuellement ou collectivement pour accorder des délais et des remises de paiement.
La période d'observation de la sauvegarde de droit commun et du redressement judiciaire est d'une durée maximale de six mois mais le tribunal peut, pour la même durée :
- la renouveler une fois, à la demande de l'administrateur judiciaire, du débiteur ou du ministère public ;
- la prolonger exceptionnellement à la demande du procureur de la République.
Il est mis fin à la période d’observation de manière anticipée si les difficultés rencontrées par le débiteur ont été résolues ou si la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire est convertie en liquidation judiciaire.
Qu’en est-il de la prise en charge des salaires durant la procédure collective de l’employeur ?
Tout employeur doit assurer ses salariés pour garantir le paiement de leurs créances en cas de procédure collective ; ce régime d'assurance est géré par l'AGS (Association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés) via ses centres de gestion et d'étude (CGEA).
Cette assurance prend en charge, lorsque l’employeur ne peut pas les payer, les sommes dues aux salariés à la date du jugement ouvrant le redressement ou la liquidation judiciaire (salaires, heures supplémentaires, congés payés, indemnités de rupture du contrat de travail) mais pas celles antérieures à une sauvegarde à moins qu’elle ne soit ensuite convertie en redressement ou en liquidation judiciaire.
L’assurance couvre aussi les sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail après l’ouverture de la procédure, selon la date à laquelle intervient cette rupture, ainsi que les salaires pendant une durée limitée en cas de liquidation judiciaire.
Attention, la prise en charge n’est pas totale mais plafonnée à un montant, toutes créances du salarié confondues, qui varie selon l’ancienneté du contrat de travail.
Les sommes versées aux salariés au titre de la garantie sont nettes des cotisations et contributions sociales salariales d'origines légale et conventionnelle et du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, l'AGS versant directement aux organismes concernés le montant du précompte.
Qu’est-ce que l’« état des créances » ?
C’est un document établi à l’issue de la procédure de vérification des créances qui recense :
- les créances qui ont été déclarées par les créanciers dans le cadre de la procédure collective (en sont donc exclues celles que les créanciers ont omis de déclarer ou qu’ils n’étaient pas tenus de déclarer) ; le document mentionne pour chacune d’elles si elle a été admise ou non au passif ;
- le relevé des créances salariales qui ont été recensées par le mandataire ou le liquidateur judiciaire, contrôlé par le représentant des salariés et visé par le juge-commissaire.
Cet état est déposé au greffe du tribunal qui a ouvert la procédure collective et toute personne peut en prendre connaissance. Le dépôt est porté à la connaissance du public par une publicité au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Dans un délai d'un mois à compter de cette publicité, tout tiers intéressé (par exemple, la caution qui garantit une créance inscrite sur la liste) peut déposer une réclamation auprès du greffe du tribunal. C’est le juge-commissaire qui statue sur la réclamation ou, en cas de recours, la cour d’appel.
Attention, un créancier ne peut pas faire une réclamation pour sa propre créance de cette façon : il doit former un recours directement contre la décision du juge-commissaire qui admis ou rejeté sa créance.
Cliquez ici pour accéder gratuitement au replay du Webinaire !
Pour en savoir plus sur cette question : voir notre dossier pratique « Entreprises en difficulté »