Par acte du 1er avril 1999, des époux consentent une promesse unilatérale de vente d’un appartement en copropriété et de la moitié de la cour indivise. L’acte prévoit que l’option ne pourra être levée qu’après le décès de la précédente propriétaire, titulaire d’un droit d’usage et d’habitation. Devenue attributaire du bien à la suite de son divorce, la promettante se rétracte de cette promesse le 17 février 2010. Après le décès de la précédente propriétaire, les bénéficiaires de la promesse lèvent l’option le 8 janvier 2011 et assignent la promettante en réalisation de la vente.
Leur prétention est accueillie en première instance puis en appel, mais cet arrêt est cassé par un premier arrêt de la Cour de cassation (Cass. 3e civ. 6-12-2018 n° 17-21.170 FS-D). La cour d’appel de renvoi (CA Lyon 19-5-2020 n° 19/05653) confirme néanmoins le caractère parfait de la vente formée dans ce contexte. Saisie une seconde fois, la troisième chambre civile approuve aux motifs suivants : à la différence de la simple offre de vente, la promesse unilatérale contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire. Par ailleurs, la jurisprudence retient la faculté pour toute partie contractante, quelle que soit la nature de son obligation, de poursuivre l’exécution forcée de la convention lorsque celle-ci est possible (Cass. 1e civ. 16-1-2007 n° 06-13.983 F-PB). Il convient dès lors d’apprécier différemment la portée juridique de l’engagement du promettant et de retenir qu’il s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.
A noter :
L’arrêt opère un revirement spectaculaire mais pas inattendu.
Spectaculaire, ce revirement l’est assurément par son contexte. Déjà amenée à se prononcer une première fois dans cette affaire, la même chambre de la Cour de cassation avait réitéré le raisonnement qu’elle tenait depuis le célèbre arrêt du 15 décembre 1993 (Cass. 3e civ. 15-12-1993 n° 91-10.199 P) : la levée d’option postérieure à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée. Cette position, vivement critiquée par la doctrine et même qualifiée de « baroud d’honneur » (N. Molfessis, note sous Cass. 3e civ. 6-12-2018 préc., JCP G n°16/2019, 418), a amené la cour de renvoi à persister dans l’analyse opposée, d’où un nouveau pourvoi en cassation du promettant pour aboutir au présent arrêt.
À la suite de la réforme des obligations (Ord. 2016-131 du 10-2-2016), on pouvait s’attendre à ce que la jurisprudence rende un « arrêt passerelle » tel que celui-ci, qui adopte une solution conforme au droit postérieur concernant des faits soumis au droit antérieur.
En effet, le nouvel article 1124 du Code civil prévoit, pour les promesses unilatérales conclues depuis le 1er octobre 2016, que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis.
Or rien, sous l’empire du droit antérieur, muet sur cette question, n’empêchait la Haute juridiction de tenir le même raisonnement. Cet arrêt s’est fait attendre mais il mérite d’être salué, illustrant à merveille le dicton populaire qui vient immédiatement à l’esprit – que le lecteur nous pardonne cette familiarité – : seuls les idiots ne changent pas d’avis.