Le directeur général d'une société par actions simplifiée (SAS) est nommé par décision de l'associé unique. La décision renvoie à une lettre datée du même jour s'agissant notamment des modalités de la collaboration du directeur général avec la société. Cette lettre précise que le directeur général bénéficiera d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de rémunération brute fixe s'il est révoqué sans juste motif. Les statuts de la société prévoient quant à eux que le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu'aucun motif soit nécessaire par décision de l'associé unique et que la cessation de ses fonctions, pour quelque cause que ce soit et quelle qu'en soit la forme, ne lui donnera droit à aucune indemnité.
Le directeur général est révoqué. Considérant que cette révocation est intervenue sans juste motif, il agit contre la société afin d'obtenir l'indemnité prévue par la lettre.
La Cour de cassation rejette sa demande : ce sont les statuts de la SAS qui fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée et notamment les modalités de révocation de son directeur général (C. com. art. L 227-1 et L 227-5). Si la lettre, comme tout acte extrastatutaire, pouvait compléter ces statuts, elle ne pouvait pas y déroger.
A noter :
La Cour de cassation rappelle ici que les actes extrastatutaires, quelle que soit leur forme, ne peuvent pas contenir des mentions contraires à celles figurant dans les statuts (dans le même sens, à propos d'un pacte d'actionnaires organisant un droit de préemption là où les statuts ne prévoyaient qu'un agrément des nouveaux associés, CA Rouen 9-12-1999 : RJDA 6/00 n° 669 et, sur pourvoi, Cass. com. 7-1-2004 n° 00-11.692 F-D : RJDA 7/04 n° 840). Les statuts étant la loi des associés, ils prévalent sur les dispositions d'un pacte d'actionnaires en cas de contradictions entre eux (Cass. com. 5-6-2019 n° 17-18.967 F-D : Rev. sociétés 2019 p. 762 note B. Saintourens).
Cette solution s'explique d'autant mieux que, comme le rappelle ici la Cour de cassation, les conditions dans lesquelles les dirigeants d'une SAS peuvent être révoqués sont fixées par les statuts, et ceci qu'il s'agisse des causes de la révocation ou de ses modalités (Cass. com. 9-3-2022 n° 19-25.795 F-B : RJDA 5/22 n° 287).
Cela ne veut cependant pas dire qu'en matière de révocation des dirigeants de SAS, les actes extrastatutaires ne peuvent pas compléter les statuts (en ce sens, CA Paris 31-3-2022 n° 21/02463 : Bull. Joly 2022 n° 9 p. 19 note B. Dondero), même si la Cour de cassation a déjà jugé qu'il résulte de la combinaison des articles L 227-1 et L 227-5 du Code de commerce que seuls les statuts de la SAS fixent les conditions dans lesquelles celle-ci est dirigée (Cass. com. 25-1-2017 n° 14-28.792 FS-PBRI : RJDA 4/17 n° 261, rendu à propos de la possibilité pour une SAS d'être dotée d'un organe non prévu par les statuts).
Le dirigeant opposait à la société la force obligatoire des contrats (C. civ. art. 1103 ; ex-art. 1134, al 1). Il estimait que l'associé unique pouvait, par une décision extrastatutaire obligeant la société, prévoir des modalités de révocation différentes de celles de statuts. Dans ce sens, on peut citer un arrêt qui a jugé, en matière de décision collective dans les SARL, que les associés peuvent déroger à une clause des statuts et s'en affranchir par l'établissement d'actes postérieurs, valables dès lors que tous les associés y consentent (Cass. com. 12-5-2015 n° 14-13.744 F-D : RJDA 8-9/15 n° 578). La Haute Juridiction refuse ici de faire application de cette solution dans le cadre d'une société par actions simplifiée unipersonnelle (Sasu).
En conclusion, les dirigeants de SAS sont invités à la plus grande prudence : quelles que soient les modalités qui leur sont promises au moment de leur nomination concernant leur rémunération ou leur révocation, il conviendra qu'ils vérifient qu'elles sont compatibles avec les statuts.
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