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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Social/ Rupture du contrat de travail

Salarié protégé : nullité du licenciement prononcé pour faire échec à sa réintégration

Après l’annulation d’une autorisation administrative de licenciement, l’employeur doit réintégrer le salarié protégé qui le demande, sur son poste ou sur un poste équivalent. A défaut, il ne peut pas le licencier pour refus d’une modification du contrat. Ce licenciement est nul, même si la période de protection est expirée, rappelle la Cour de cassation.

Cass. soc. 5-12-2018 n° 16-19.912 F-PB


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L’annulation de l’autorisation administrative de licenciement du salarié protégé entraîne la nullité du licenciement et ouvre droit à sa réintégration dans l’entreprise, s’il la demande dans les 2 mois de la notification de cette décision (C. trav. art. L 2422-1). Dans ce cas, le salarié doit retrouver son ancien poste ou, à défaut seulement, un poste équivalent si le sien n’existe plus ou n’est pas vacant (Cass. soc. 12-5-1998 n° 96-40.967 D ; Cass. soc. 1-2-2017 n° 15-20.739 F-D).

La Cour de cassation veille à garantir pleinement ce droit à réintégration, en sanctionnant de manière rigoureuse les actes visant à empêcher le retour du salarié dans l’entreprise. Une nouvelle illustration vient d’en être donnée par la Haute Juridiction, qui rappelle que l’employeur qui n’a pas satisfait à son obligation de réintégration du salarié protégé ne peut le licencier pour refus de modification du contrat de travail. La sanction est la nullité du licenciement, même si la période de protection est expirée.

Un licenciement prononcé après l’expiration de la période de protection

L’affaire soumise à la Cour de cassation concerne un représentant syndical au comité d’entreprise qui, après l’annulation de son autorisation de licenciement, obtient en référé sa réintégration dans l’entreprise. Semblant obtempérer, l’employeur lui propose plusieurs emplois mais aucun sur son site d’origine, en affirmant qu’aucun poste de travail n’y est disponible. Le salarié, ayant refusé ces propositions, est licencié pour refus de reclassement, peu après l’expiration de sa période de protection. Saisissant le juge prud’homal pour faire annuler ce licenciement, il obtient gain de cause, mais la cour d’appel infirme le jugement. Pour elle, l’employeur n’a certes pas respecté son obligation de réintégration en ne lui proposant pas de poste sur son site d’origine et ne pouvait pas le licencier pour refus d’une modification du contrat. Mais elle juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse et non pas nul, au motif que le salarié ne bénéficiait plus, à la date de son prononcé, du statut protecteur.

Rappelons que le représentant syndical au CE ou au CSE dont l’autorisation de licenciement est annulée et qui demande sa réintégration doit être réintégré dans son mandat. Si celui-ci n’existe plus (par exemple si le CE ou le CSE a disparu) ou si l’intéressé a été remplacé dans son mandat, il bénéficie d’une protection de 6 mois à compter de sa réintégration (C. trav. art. L 2422-2 ; Circ. 25-10-1983). En l’espèce, le salarié avait retrouvé son mandat mais celui-ci avait été révoqué. La période de protection avait expiré 6 mois plus tard et l’employeur l’avait licencié le mois suivant.

Le licenciement n’est pas sans cause réelle et sérieuse, mais nul

L’analyse est censurée par la Cour de cassation. Relevant un moyen d’office, celle-ci pose pour principe que si l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de réintégration du salarié protégé dont l’autorisation de licenciement a été annulée, et s’il ne justifie pas d’une impossibilité de réintégration, il ne peut pas le licencier en raison d’un refus de modification de son contrat de travail : le licenciement prononcé pour ces raisons est nul. C’est donc à tort que la cour d’appel a retenu, en l’espèce, que le licenciement n’était pas nul au motif que le salarié n’avait plus la qualité de salarié protégé.

Cette solution avait déjà été adoptée par la Haute Juridiction dans une espèce très similaire (Cass. soc. 30-6-2004 n° 02-41.686 FS-PBRI). Elle vise à garantir l’effectivité du droit à réintégration en faisant perdurer les effets de la nullité du licenciement dont l’autorisation a été annulée, tant que l’employeur n’a pas réellement satisfait à son obligation de réintégration, et sans que soit prise en compte la persistance ou non d’un statut protecteur. Elle permet ainsi de déjouer une stratégie de l’employeur qui consisterait à faire durer ces recherches et à attendre l’expiration de la période de protection du salarié, pour procéder à son licenciement sans s’exposer à la sanction de la violation du statut protecteur.

Il est à noter que dès lors que l’employeur a exécuté loyalement son obligation de réintégration en proposant au salarié un poste équivalent, il n’est plus tenu de verser une rémunération si celui-ci refuse le poste (Cass. soc. 19-10-2010 n° 09-42.798 F-D ; Cass. soc. 17-10-2018 n° 17-17.177 F-D). Il peut le licencier, en sollicitant l’autorisation de l’administration si le salarié est encore protégé. Le Conseil d’Etat considère que le refus de poste n’est pas fautif mais qu’il peut fonder une autorisation de licenciement car il rend impossible la poursuite du contrat de travail (CE 19-10-2012 n° 334588). La Cour de cassation a admis en revanche le licenciement disciplinaire pour abandon de poste (Cass. soc. 19-10-2010 n° 09-42.798 F-D).

Cette garantie a été complétée par une autre solution adoptée récemment par la Cour de cassation, dans le cas où le salarié n’a pas retrouvé son mandat au moment de sa réintégration. La Haute Juridiction a considéré que la période de protection de 6 mois en tant qu’ancien représentant du personnel dont il doit bénéficier lorsqu’il retrouve sa place dans l’entreprise ne court qu’à compter du jour où l’employeur exécute effectivement son obligation de réintégration en proposant au salarié un emploi équivalent (Cass. soc. 17-5-2017 n° 14-29.610 FS-PB). L’employeur ne peut pas, là non plus, proposer des postes non conformes pour faire courir cette nouvelle période de protection et licencier le salarié une fois qu’il a perdu son statut protecteur.

Fanny DOUMAYROU

Pour en savoir plus sur la protection des représentants du personnel : voir Mémento Social nos 63200 s.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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