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La SCI bénéficiaire d’un cautionnement n’est pas forcément un créancier professionnel

La caution d’un bail commercial consenti par une SCI ne peut pas se prévaloir de la disproportion de son cautionnement sans prouver que la SCI est un créancier professionnel, ce qui ne se présume pas.

CA Versailles 18-1-2024 n° 21/04746, SCI Dvorah patrimoine c/ X


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©Gettyimages

Le dirigeant d’une société qui s’est porté caution du bail commercial consenti à celle-ci par une société civile immobilière (SCI) refuse de payer un arriéré de loyers, invoquant la disproportion de son cautionnement (C. consom. ex-art. L 332-1). La SCI fait valoir que cette disproportion n’est opposable qu’à un créancier professionnel, ce qu’elle n’est pas.

La cour d’appel de Versailles refuse de décharger la caution. 

Le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale. Il appartient à la caution qui invoque la disproportion de son engagement de démontrer que le créancier bénéficiaire de celui-ci est un créancier professionnel, cette qualité ne pouvant pas être présumée du seul fait que le créancier est une SCI. 

En l'espèce, la caution n'apportait pas cette preuve : elle se contentait de relever que la créance de loyers était née de la réalisation de l’objet de la SCI, à savoir « l’exploitation du bail » ; la caution ne contestait pas que la SCI était une société familiale soumise à l’impôt sur le revenu et non assujettie à la TVA.

A noter :

Le cautionnement souscrit depuis le 1er janvier 2022 par une personne physique envers un créancier professionnel qui était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, est, on le rappelle, réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date (C. civ. art. 2300) ; s’il a été consenti avant 2022 comme dans l’affaire commentée, la caution est entièrement déchargée sauf si, au moment où elle est poursuivie en exécution de son engagement, son patrimoine lui permet de faire face à son obligation (C. consom. ex-art. L 332-1).

Cette décision de la cour d’appel de Versailles est dans la ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation en ce qui concerne la définition du créancier professionnel (notamment, Cass. 1e civ. 1-10-2014 n° 13-16.273 F-D : RJDA 3/15 n° 217 ; Cass. com. 21-6-2023 n° 21-24.691 F-B : BRDA 15-16/23 inf. 12), la charge de la preuve de cette qualité (Cass. com. 15-11-2017 n° 16-13.532 F-D : RJDA 2/18 n° 176) et l’absence de présomption de la qualité de créancier professionnel à l’égard d’une société civile immobilière (Cass. com. 15-11-2017 précité). Ajoutons qu’une SCI ayant consenti un bail commercial est susceptible d’être qualifiée de créancier professionnel, même si elle n’exerce pas d’activité commerciale (Cass. 3e civ. 9-3-2011 n° 10-11.011 FS-D : RJDA 11/11 n° 958).

L’activité professionnelle d’une SCI doit, à notre avis, être déterminée au regard de son objet social. Si la Cour de cassation ne s’est encore jamais expressément prononcée en ce sens pour l’application des textes relatifs au cautionnement, c’est bien ainsi qu’elle procède pour déterminer si une SCI est susceptible de bénéficier du droit de rétractation ouvert à l'acquéreur non professionnel d'un bien immobilier par l'article L 271-1 du Code de la construction et de l'habitation (Cass. 3e civ. 24-10-2012 n° 11-18.774 FS-PBR : RJDA 1/13 n° 26).  En matière de cautionnement, la cour d’appel de Paris s’est aussi fondée sur ce critère, écartant la qualité de créancier professionnel pour une SARL bailleresse de locaux commerciaux dès lors que la location n’entrait pas directement dans son objet social et que, si la SARL avait d'autres locataires pour des locaux qu'elle n'utilisait pas, cela ne faisait pas pour autant d’elle un bailleur professionnel même à titre accessoire (CA Paris 14-2-2013 n° 12/02595 : RJDA 6/13 n° 547).

Mais en matière de SCI, les juges du fond retiennent des solutions contrastées (y compris au sein de la même cour d’appel), prenant en compte ou pas l’objet social. Les décisions ci-après ont toutes été rendues à propos de SCI ayant consenti des baux commerciaux. La qualité de créancier professionnel a ainsi été reconnue à une SCI dès lors que son objet était notamment l’exploitation à bail et la location de tous immeubles, que le cautionnement donné pour garantir le bail se rattachait directement à cet objet social et que la créance de loyers était bien née de la réalisation de cet objet ; il importait donc peu que la SCI ne soit pas marchand de biens, qu'elle ne soit propriétaire que d’un seul immeuble, qu’elle ne soit pas assujettie à l’impôt sur les sociétés et qu’elle soit constituée essentiellement de membres d’une seule famille (CA Paris 15-1-2014 n° 12/01489). En revanche, une cour d’appel a refusé de déduire la qualité de créancier professionnel du seul constat que l’objet de la SCI était de louer le local et que la créance invoquée était bien née de cette activité (CA Lyon 12-3-2013 n° 12/02162). Cette qualité a également été écartée pour une SCI familiale constituée entre un père et son fils en vue d’exploiter un seul bien immobilier, soumise à l’impôt sur le revenu pour une activité de nature civile, dès lors que la créance de loyers garantie n’était pas née de l’exercice d'une profession ni en rapport direct avec une activité professionnelle (CA Paris 13-6-2014 n° 13/10165).

Documents et liens associés :

CA Versailles 18-1-2024 n° 21/04746, SCI Dvorah patrimoine c/ X

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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