Dans le cadre d’un contrat avec un consommateur, tout produit ou service doit présenter, dans des conditions normales d’utilisation ou dans d’autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes (C. consom. art. L 421-3 ; ex-art. L 221-1).
Un consommateur achète auprès d'un vendeur professionnel des planches de bois et les charge dans une remorque attelée à son véhicule. Lors du transport, sous l’effet du déport de la remorque dans une descente, le véhicule heurte un autre véhicule, ce qui provoque le décès des deux conducteurs. Les héritiers de l’acheteur poursuivent le vendeur en responsabilité. Ils invoquent un manquement de ce dernier à l'obligation de sécurité sur le fondement de l'article précité ainsi qu'un défaut d’information et de mise en garde, sur le fondement de la responsabilité de droit commun (C. civ. art. 1231-1 ; ex-art. 1147).
1° La Cour de cassation fait droit à cette demande. Il ressortait en effet des éléments suivants que le vendeur avait manqué à son obligation d’information et de conseil, inhérente au contrat de vente, qui lui incombait au regard des caractéristiques de l’ensemble des matériaux vendus et des conditions raisonnablement prévisibles de leur transport par un non-professionnel :
l’acheteur avait chargé sur sa remorque 67 planches, longues chacune de 4,52 mètres, avec l’aide d’un préposé du vendeur ;
simple consommateur profane, il n’avait été informé du poids total des planches ni par le préposé, qui l’ignorait, ni par les factures, qui ne le mentionnaient pas, et ce bien que le vendeur ait été sensibilisé au problème de la surcharge des véhicules et à la nécessité de refuser de charger les matériaux dans ce cas, par une campagne d'une fédération professionnelle.
A noter :
La portée de l’obligation générale de sécurité imposée par l'article L 421-3 du Code de la consommation aux professionnels est large. Elle s’étend au produit lui-même mais aussi à son mode de commercialisation, son conditionnement et ses conditions d’exposition (Commission de la sécurité des consommateurs, avis du 2-4-2003 relatif aux dangers des crochets d’exposition des marchandises : BOCCRF n° 2003-8 du 11-7-2003). Ainsi, la Cour de cassation a déjà condamné un supermarché sur ce fondement à l’occasion d’une chute d’un client devant un rayon (Cass. 1e civ. 20-9-2017 n° 16-19.109 F-D : RJDA 1/18 n° 80).
Les Hauts magistrats ont également jugé, sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle, que le professionnel est tenu d'une obligation d'information et de conseil quant à l'utilisation en toute sécurité du produit vendu (Cass. 1e civ. 11-6-2009 n° 08-17.313 F-D : BRDA 15-16/09 inf. 13, dans un cas où la notice du fabricant avait été jugée suffisante).
Dans le présent arrêt, la Cour de cassation vise ces deux fondements pour condamner le vendeur professionnel : le contrat de vente met à la charge de ce dernier une obligation d'information et de conseil du consommateur compte tenu des caractéristiques du produit vendu et des conditions raisonnablement prévisibles de transport par ce dernier. Le vendeur doit prendre toutes les précautions nécessaires pour assurer la sécurité du consommateur, notamment en le mettant en garde quant à l'utilisation ou au transport de celui-ci.
A compter du 13 décembre 2024, le champ d’application de l’article L 421-3 du Code de la consommation sera restreint à la sécurité des seuls services (Loi 2024-364 du 22-4-2024 art. 2). L’obligation de sécurité générale des produits, à l’exclusion des produits alimentaires, sera régie par le règlement européen 2023/988 du 10 mai 2023 relatif à la sécurité générale des produits (C. consom. art. L 421-2 issu de loi 2024-364).
2° Pour s’exonérer de sa responsabilité, le vendeur avait aussi invoqué une faute de l’acheteur, ce dernier ayant fait l’objet de deux contraventions au titre de l’accident pour circulation en surcharge et défaut de maîtrise de son véhicule.
La Cour de cassation écarte l'argument et retient l’entière responsabilité du vendeur, jugeant que le déplacement anarchique de la remorque, dû à sa surcharge, constituait la cause exclusive de l’accident et que les deux contraventions relevées contre l’acheteur avaient la même origine dont le vendeur était responsable.
A noter :
Le fautif est exonéré de sa responsabilité s'il prouve que le dommage est dû à la faute de la victime revêtant les caractéristiques de la force majeure ou constituant la cause exclusive du dommage (Cass. com. 27-6-2018 n° 17-14.283 F-D : RJDA 11/18 n° 800).
Documents et liens associés :
Cass. 1e civ. 19-6-2024 n° 21-19.972 F-B
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