Droit pénal spécial
Détournement de biens publics : focus sur l’instrumentum
Le détournement de biens publics (par détournement d'un acte ou d'un titre) n'est pénalement punissable en vertu de l'article 432-15 du code pénal que s'il porte sur l'écrit constatant le contrat mais non sur les stipulations qu'il contient. Aussi la chambre criminelle casse-t-elle un arrêt qui a déclaré le prévenu coupable de ce délit, sans rechercher si les faits pouvaient revêtir une autre qualification, au motif qu’en mettant un terrain appartenant au domaine public à la disposition d'une société de droit privé, l’intéressé a détourné l'objet de la convention technique et financière qui portait sur ce terrain. (Crim. 20-11-2024, n° 22-84.611, F-B)
Procédure pénale
Précisions sur la téléconsultation lors d’une prolongation de garde à vue
Un décret du 18 novembre crée, dans le code de procédure pénale, un article R. 15-33-83 qui précise les conditions de réalisation de l’examen médical réalisé par vidéotransmission ou tout autre moyen de télécommunication audiovisuelle en cas de prolongation de garde à vue. (Décr. n° 2024-1041 du 18-11-2024 relatif aux modalités de réalisation de l'examen médical à distance en cas de prolongation de garde à vue)
Référé pénal environnemental : information de la personne entendue de son droit au silence
Le Conseil constitutionnel formule une réserve d’interprétation quant à l’article L. 216-13, alinéa 3, du code de l’environnement, qui, en substance, dispose qu’à la requête du procureur de la République et après audition de la personne intéressée, le juge des libertés et de la détention peut ordonner toute mesure utile afin de mettre un terme ou de limiter, à titre conservatoire, les effets d’une pollution environnementale. Selon le Conseil, ces dispositions ne sauraient permettre au magistrat d’entendre cette personne sans qu’elle soit informée de son droit de se taire lorsqu’il apparaît qu’elle est déjà suspectée ou poursuivie pénalement pour les faits sur lesquels elle est entendue, dès lors que ses déclarations sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement. (Cons. const. 15-11-2024, n° 2024-1111 QPC)
Appel correctionnel de la partie civile et exception d'incompétence
Il résulte des articles 497, 507 et 508 du code de procédure pénale que si la partie civile n'a la faculté d'appeler que quant à ses intérêts civils, il n'en est ainsi qu'à l'égard des dispositions par lesquelles les premiers juges ont statué au fond.
Lorsque ces derniers se sont prononcés avant dire droit sur la compétence et que l'appel de la partie civile contre cette décision n'a pas été déclaré immédiatement recevable, la cour d'appel se trouve, par le seul appel de la partie civile du jugement ultérieurement rendu sur le fond, saisie non seulement de l'action civile, mais aussi de l'action publique qui a continué de subsister. Dès lors, elle est tenue de régler la question de la compétence et, le cas échéant, de statuer sur l'action publique et sur l'action civile. (Crim. 19-11-2024, n° 23-81.584, FS-B)
Peine et exécution des peines
Prison : contrôle juridictionnel limité des mesures de prolongation d’isolement
Le Conseil d’Etat affirme de façon très claire que « lorsqu'il est saisi de moyens le conduisant à apprécier si la prolongation, au-delà d'une période de deux ans, d'une mesure de placement à l'isolement constitue l'unique moyen d'assurer la sécurité des personnes ou de l'établissement, il incombe seulement au juge de l'excès de pouvoir de s'assurer que l'autorité compétente n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation » (CE 18-11-2024, n° 474589).
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal