Exécution du contrat
Ayant constaté que le système de géolocalisation installé sur le véhicule professionnel mis à disposition du salarié, destiné à la protection contre le vol et la vérification du kilométrage, avait été utilisé par l'employeur pour surveiller l'intéressé et contrôler sa localisation en dehors de son temps de travail, ce dont il résultait que l'employeur avait porté atteinte à sa vie privée et que ce moyen de preuve tiré de la géolocalisation était illicite, la cour d'appel ne pouvait pas admettre ce mode de preuve sans apprécier si son utilisation portait atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie privée du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée du salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. soc. 22-3-2023 n° 21-24.729 F-D).
L'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, n'est pas justifiée pour localiser le conducteur en dehors du temps de travail. Ayant relevé que la société ne justifiait pas avoir informé individuellement le salarié de la mise en oeuvre du système de géolocalisation, de la finalité poursuivie par ce système et des données collectées, et que le recours à la géolocalisation n'était pas indispensable pour mesurer le suivi du temps de travail de son personnel puisqu'elle avait l'obligation réglementaire d'enregistrer la durée du temps de travail au moyen d'un livret individuel de contrôle dont les feuillets doivent être remplis quotidiennement par les intéressés pour y faire mention de la durée des différents travaux effectués, la cour d'appel a retenu que la mise en place du traitement de géolocalisation des véhicules de la société avait permis un contrôle permanent du salarié, en collectant des données relatives à la localisation de son véhicule en dehors de ses horaires et de ses jours de travail, de sorte que cette atteinte importante à son droit à une vie personnelle était disproportionnée par rapport au but poursuivi, et a pu en déduire que les données collectées étaient irrecevables (Cass. soc. 22-3-2023 n° 21-22.852 F-D).
Lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié qui invoque une discrimination de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte antérieure au sein de l'entreprise. Ayant constaté que le licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle était fondé par une cause réelle et sérieuse, que la salariée ne produisait que ses propres écrits au soutien de son allégation de discrimination en lien avec son état de santé, qu'un certain nombre de ces écrits sont concomitants avec la lettre de convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement et que les pièces d'ordre médical, en l'absence de toute constatation médicale sur les conditions de travail, étaient insuffisantes à établir un lien avec son état de santé, la cour d'appel a pu décider qu'il n'y avait pas de lien entre la dénonciation par la salariée d'agissements, selon elle discriminatoires, et son licenciement (Cass. soc. 22-3-2023 n° 22-10.556 F-D).
Il résulte du préambule et des articles 2.2 et 2.3.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, que l'entreprise entrante, nouveau titulaire du marché, s'engage à reprendre l'ensemble des salariés figurant sur la liste fournie par l'entreprise sortante qui remplissent les conditions de transfert fixées à l'article 2.2 et justifient en même temps d'une ancienneté contractuelle de 4 ans ou plus. Dès lors, d'une part, que la société entrante avait proposé au salarié une reprise de son contrat de travail avec signature d'un avenant pour une durée de travail correspondant à 65 % d'un temps plein, conforme au volume horaire qu'il effectuait sur le site repris et sans aucune modification de son contrat antérieur, d'autre part que seul le refus du salarié avait fait obstacle au transfert du contrat de travail, l'entreprise entrante n'est pas devenue l'employeur de l'intéressé et ce dernier doit être débouté de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de cette dernière et de ses demandes indemnitaires et de rappel de salaire (Cass. soc. 22-3-2023 n° 21-21.858 F-D).
Paie
Selon l’article L 625-1 du Code de commerce, le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou partie sur un relevé des créances résultant du contrat de travail établi par le mandataire judiciaire peut saisir, à peine de forclusion, le conseil de prud'hommes dans un délai de 2 mois à compter de la mesure de publicité de ce relevé. Aux termes de l’article R 625-3 du même Code, le mandataire judiciaire informe par tout moyen chaque salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées, lui indique la date du dépôt du relevé des créances au greffe et lui rappelle que le délai de forclusion court à compter de la publication du relevé. En application de ces textes, l'information délivrée par le mandataire judiciaire comprend, au titre des modalités de saisine de la juridiction compétente, l'indication de la saisine par requête de la formation de jugement du conseil de prud'hommes compétent et la possibilité de se faire assister et représenter par le représentant des salariés. Il s'ensuit qu'en l'absence de ces mentions, ou lorsqu'elles sont erronées, le délai de forclusion ne court pas (Cass. soc. 22-3-2023 n° 21-14.604 F-B).
Le licenciement disciplinaire, qui n'est pas un acte de gestion courante, prononcé sans l'assistance de l'administrateur judiciaire chargé d'assister le débiteur pour tous les actes de gestion est inopposable à la procédure collective, sauf s'il est ratifié par l'administrateur ou le liquidateur. L'arrêt, qui a constaté que le liquidateur avait adopté, à l'occasion du contentieux prud'homal, la même position que l'employeur et ne s'était pas prévalu de l'inopposabilité du licenciement à la procédure collective, ce dont il résultait qu'il avait implicitement ratifié le licenciement, se trouve légalement justifié en ce qu'il fixe la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société à diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, d'indemnité pour violation du statut protecteur, d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement, de rappel de prime de treizième mois et de prime d'ancienneté et rappelle que la décision est opposable à l'Unédic-CGEA Île-de-France Est (Cass. soc. 22-3-2023 n° 21-21.315 F-D).
Rupture du contrat
Ayant constaté que les parties s'accordaient pour admettre que, lors d'un déplacement professionnel, le président de la société et la salariée avaient consommé une grande quantité d'alcool et avaient eu une relation sexuelle, et qu'il ressortait du témoignage d'une autre participante à ce déplacement que l'achat de bouteilles d'alcool était une initiative du président de la société lequel avait, la veille, tenté d'embrasser la salariée qui l'avait repoussé, la cour d'appel a pu en déduire, eu égard au lien de subordination unissant les parties et au caractère professionnel du déplacement au cours duquel les faits avaient eu lieu, peu important que la qualification de viol n'ait pas été retenue et que la plainte de la salariée ait été classée sans suite, que les griefs qu'invoquait cette dernière étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et justifiaient la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur (Cass. soc. 22-3-2023 n° 22-10.007 F-D).
Une cour d'appel ne peut pas décider qu'un chauffeur a commis une faute grave en ne respectant pas les consignes de son employeur l'obligeant à découcher sur son lieu de chantier ou à proximité immédiate d'une zone de confort, générant des frais supplémentaires dans l'entretien des véhicules mis à disposition à raison d'un kilométrage supplémentaire et se mettant dans une situation potentielle de danger à raison des heures de conduite supplémentaires et de la fatigue accumulée, sans rechercher, comme il lui était demandé, si cette obligation de découcher, qui l'empêchait de rentrer quotidiennement chez lui après les heures de travail pour se rendre auprès de sa mère gravement malade, et le contrôle de sa localisation en dehors du temps de travail, ne portaient pas atteinte aux droits de l'intéressé à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte pouvait être justifiée par la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché (Cass. soc. 22-3-2023 n° 21-24.729 F-D).
Ayant relevé que la chaine de télévision employeur avait publié en juin un communiqué dont il ressortait qu'à la rentrée de septembre la salariée ne figurait plus dans la grille des programmes et qu'elle avait été remplacée comme présentatrice de l'émission, manifestant ainsi une volonté claire et non équivoque de mettre fin au contrat de travail, la cour d'appel a pu en déduire que la salariée avait fait à cette date l'objet d'un licenciement de fait qui, ne pouvant pas être régularisé par l'envoi postérieur d'une lettre de rupture, était nécessairement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 22-3-2023 n° 21-21.104 F-D).
Représentation du personnel
Un syndicat professionnel, affilié à une fédération ou à une union de syndicats qui a signé le protocole d'accord préélectoral, que celle-ci soit ou non représentative, ne peut contester la validité de ce protocole et demander l'annulation à ce titre des élections professionnelles dans l'entreprise (Cass. soc. 22-3-2023 n° 22-13.535 F-B).
C'est à la date des dernières élections que s'apprécient les conditions d'ouverture du droit pour un syndicat de désigner un représentant au CSE (Cass. soc. 22-3-2023 n° 22-11.461 F-B).
L'employeur, tenu dans le cadre de la négociation préélectorale à une obligation de loyauté, doit fournir aux syndicats participant à cette négociation, sur leur demande, les éléments nécessaires au contrôle de l'effectif de l'entreprise et de la régularité des listes électorales. Ayant relevé que les parties convenaient que l'essentiel de l'activité de la société provenait de l'obtention de marchés soumis à l'accord du 7 juillet 2009, modifié par l'accord du 3 juillet 2020, relatif à la garantie d'emploi et à la poursuite des relations de travail en cas de changement de prestataire dans le transport interurbain de voyageurs, emportant transfert des contrats de travail des salariés affectés sur ces chantiers et qu'en application de cet accord le nouveau prestataire devait reprendre l'ancienneté du salarié au moment du transfert, le tribunal a constaté que la salariée, transférée le 20 mars 2020, apparaissait dans le registre unique du personnel sans reprise de son ancienneté au 25 septembre 2017 et que les pièces communiquées par l'employeur ne permettaient pas de vérifier la reprise d'ancienneté des salariés transférés conventionnellement, et a pu en déduire que l'employeur avait manqué à son obligation de loyauté, en sorte que le protocole d'accord préélectoral devait être annulé (Cass. soc. 22-3-2023 n° 21-18.085 F-D).
L'employeur qui n'a pas accompli, bien qu'il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts (Cass. soc. 22-3-2023 n° 21-21.276 F-D).
En engageant la procédure de licenciement quelques jours après l'expiration de la période de protection du salarié et en lui notifiant un licenciement fondé sur les mêmes motifs que ceux ayant motivé un refus d'autorisation administrative de rupture, l'employeur n'a pas tenu compte de la décision de l'autorité administrative qui s'imposait à lui et a détourné la procédure de licenciement. La rupture constitue donc un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser par la réintégration du salarié dans son poste ou dans un poste équivalent (Cass. soc. 22-3-2023 n° 21-21.561 F-D).
Dès lors que le licenciement économique du salarié protégé n'a pas été autorisé par l'administration, son poste ne pouvait plus être supprimé en application des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi définies par l'accord collectif. Le salarié ne pouvait donc prétendre au versement de la prime de maintien dans l'emploi, instituée par cet accord au bénéfice des salariés dont le licenciement devait être échelonné, que pour la période comprise entre l'engagement de la procédure de licenciement et le refus d'autorisation de licenciement (Cass. soc. 22-3-2023 n° 21-18.557 F-D).
Contrôle - contentieux
La circonstance qu'un ou plusieurs membres d'un conseil de prud'hommes appartiennent à la même organisation syndicale que l'une des parties au procès, ou aient été désignés par l'organisation syndicale partie au litige, n'est pas de nature à affecter l'équilibre d'intérêts inhérent au fonctionnement de la juridiction prud'homale ou à mettre en cause l'impartialité de ses membres. En outre, le défaut d'impartialité d'une juridiction ne peut pas résulter du seul fait qu'elle ait rendu une ou plusieurs décisions défavorables à la partie demanderesse à la requête en suspicion légitime ou favorables à son adversaire. Fût-il démontré que les magistrats concernés auraient commis des erreurs de procédure ou des applications erronées des règles de droit, de telles erreurs, qui ne pourraient donner lieu qu'à l'exercice de voies de recours, ne sauraient établir la partialité des magistrats qui ont rendu les décisions critiquées, non plus que faire peser sur eux un doute légitime sur leur impartialité (Cass. soc. 22-3-2023 n° 21-19.176 F-D).
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