Exécution du contrat
Une cour d'appel ne peut pas débouter le salarié de ses demandes au motif qu'il ne fait mention d'aucune mesure discriminatoire dont il aurait été victime, alors qu'elle a constaté qu'il avait écrit à son employeur pour se plaindre de propos racistes à son endroit tenus depuis des mois par ses supérieurs hiérarchiques sur son lieu de travail, qu'il soutenait que l'un d'entre eux saluait tout le monde sauf lui et qu'il se plaignait d'avoir été convoqué par le coordinateur et le chef de secteur pour se voir reprocher une relation amoureuse avec une autre salariée. Il en résultait que le salarié présentait des éléments de fait relatifs à des agissements discriminatoires en raison de son origine, et qu'il appartenait dès lors au juge de rechercher si l'employeur prouvait que les agissements discriminatoires invoqués étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toutes discrimination (Cass. soc. 14-11-2024 n° 23-17.917 F-B).
Une cour d'appel ne peut pas, pour rejeter les demandes d'indemnisation d'un salarié au titre d'un harcèlement moral, retenir que des dommages-intérêts lui ont été alloués en réparation du préjudice tenant à la perte de chance d'évolution de carrière, alors qu'elle avait estimé que le salarié établissait avoir subi une déclaration tardive d'accident du travail, un retard dans la délivrance de l'attestation de salaires et la délivrance d'attestations erronées, une mutation sans son accord, une absence de fourniture de travail pendant plus de deux ans, une absence d'évaluation et d'évolution professionnelles, une absence de formation et que l'employeur ne prouvait pas que ces faits étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En effet, il résultait de ces constatations l'existence d'un préjudice distinct au titre du harcèlement moral (Cass. soc. 14-11-2024 n° 22-20.169 F-D).
Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié, de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement (Cass. soc. 14-11-2024 nos 23-16.731 F-D et 23-20.202 F-D).
Il résulte de l'article 7.2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 que le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui appartient à l'un des 4 premiers niveaux de la filière d'emplois « exploitation » de la classification nationale des emplois et passe sur le marché concerné 30 % de son temps de travail total effectué pour le compte de l'entreprise sortante. C'est à l'entreprise sortante qu'il appartient d'apporter la preuve que les salariés remplissent les conditions exigées par l'accord. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté que l'affectation des salariés sur le marché litigieux à hauteur d'au moins 30 % de leur temps de travail total effectué pour le compte de l'entreprise sortante n'était pas établie, de sorte que les intéressés ne remplissaient pas les conditions prévues par la convention collective applicable. Elle en a exactement déduit que le contrat de travail des salariés n'avait pas été transféré à la société entrante et que la société sortante était demeurée leur employeur (Cass. soc. 14-11-2024 n° 22-24.358 F-D).
Paie
Contrairement au cotisant qui a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure et qui, dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale, n'a pas contesté en temps utile la décision de cette commission, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant celle-ci, ne dispose de recours effectif devant une juridiction, pour contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des sommes qui font l'objet de la contrainte, que par la seule voie de l'opposition à contrainte. Dès lors, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte (Cass. 2e civ. 14-11-2024 n° 22-23.710 F-D).
Durée du travail
Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise. Une cour d’appel ne saurait donc, sans caractériser sa participation à la direction de l’entreprise, reconnaître cette qualité à un salarié directeur d’un établissement et à un salarié « responsable central des chaînes d’assemblage » (Cass. soc. 14-11-2024 n°s 23-16.188 F-D et 23-20.793 F-D).
Rupture du contrat
Le solde de tout compte non signé par le salarié n'a pas valeur de preuve du paiement des sommes qui y sont mentionnées et n'a aucun effet sur le délai de prescription, lequel ne court pas et n'est suspendu qu'en cas d'impossibilité d'agir à la suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure (Cass. soc. 14-11-2024 n° 21-22.540 F-B).
Une cour d'appel ne peut pas débouter un salarié de sa demande tendant à ce que son départ à la retraite soit analysé en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse dès lors que, d'après ses constatations, le salarié avait émis plusieurs griefs à l'encontre de l'employeur et qu'il avait par la suite motivé son départ à la retraite par ces mêmes griefs, dont des faits de discrimination, Il en résultait en effet l'existence d'un différend rendant le départ en retraite équivoque et la cour d'appel devait l'analyser en une prise d'acte et rechercher si les manquements de l'employeur étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail (Cass. soc. 14-11-2024 n° 23-10.532 F-D).
L'existence d'un différend rendant la démission du salarié équivoque est caractérisée lorsque celui-ci avait, préalablement à sa démission, adressé deux lettres à son employeur pour dénoncer l'absence de fourniture de travail (Cass. soc. 14-11-2024 n° 22-23.901 F-D).
A légalement justifié sa décision de prononcer la résiliation judiciaire des contrats de travail aux torts de l'employeur la cour d'appel ayant constaté que celui-ci avait cessé, après transfert d'un marché de nettoyage à une autre société, de considérer les intéressés comme ses salariés et de leur fournir du travail, alors que les conditions de transfert conventionnel des contrats de travail à une autre société n'étaient pas établies, l'employeur ayant ainsi fait preuve d'un manquement à ses obligations d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail (Cass. soc. 14-11-2024 n° 22-24.358 F-D).
Après avoir constaté que la société ne produisait pas ses comptes et que ceux de l'année 2018 produits par le salarié contredisaient le motif de difficultés économiques invoqué par l'employeur, et relevé que si le chiffre d'affaires était passé de 6 943 818 euros au 31 décembre 2017 à 5 879 396 euros au 31 décembre 2018, le résultat d'exploitation était lui passé de 114 164 euros au 31 décembre 2017 à 301 179 euros au 31 décembre 2018 et le bénéfice de l'entreprise de 72 359 euros au 31 décembre 2017 à 437 808 euros au 31 décembre 2018, la cour d'appel a pu en déduire que le licenciement économique survenu en mars 2019 ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse à défaut pour l'employeur de justifier d'une évolution significative d'au moins un des indicateurs prévus par l'article L 1233-3 du Code du travail (Cass. soc. 14-11-2024 n° 23-17.731 F-D).
La nullité du licenciement d'un salarié n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais s'étend à tout licenciement prononcé à raison d'un fait commis au cours ou à l'occasion de l'exercice d'un droit de grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde. Le licenciement pour faute grave est donc nul dès lors que les faits l'ayant motivé ont été commis à l'occasion d'une revendication collective relative à la mise à disposition par l'employeur d'un véhicule de service au cours de laquelle le salarié avait annoncé l'intention des salariés de faire grève et de mettre à l'arrêt l'atelier si un véhicule n'était pas présent sur le site le lendemain (Cass. soc. 14-11-2024 n° 23-17.787 F-D).
Représentation du personnel
L'employeur, tenu dans le cadre de la négociation préélectorale à une obligation de loyauté, doit fournir aux syndicats participant à cette négociation, sur leur demande, les éléments nécessaires au contrôle de l'effectif de l'entreprise et de la régularité des listes électorales. Une liste électorale provisoire n'est pas nécessaire aux fins de permettre aux organisations syndicales de contrôler les effectifs de l'entreprise et de négocier utilement le protocole préélectoral et la seule mention dans le projet de protocole préélectoral, lequel n'a pas été signé, d'un calendrier prévisionnel de remise par la société à son prestataire chargé du vote électronique du fichier provisoire des électeurs, ne peut valoir accord des parties de faire de la production de cette liste aux organisations syndicales un élément important de la négociation du protocole préélectoral (Cass. soc. 14-11-2024 n° 23-20.551 F-D).
La résidence d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ne s'étant vu reconnaître la qualité d'établissement distinct de la société ni par décision unilatérale de l'employeur, ni par décision administrative, ni par décision judiciaire, il en résulte que la demande tendant à ordonner une négociation sur la perte d'une telle qualité est sans objet (Cass. soc. 14-11-2024 n° 23-18.145 F-D).
Santé et sécurité
Les rapports entre l'employeur et la caisse primaire d'assurance maladie étant indépendants de ceux entre l'employeur et la victime, le fait que le caractère professionnel de la maladie ne soit pas établi dans les rapports entre la caisse et l'employeur ne prive pas la victime du droit de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur. Il appartient alors à la juridiction saisie d'une telle demande, de rechercher, après débat contradictoire, si la maladie a un caractère professionnel et si la victime a été exposée au risque dans des conditions constitutives d'une faute inexcusable (Cass. 2e civ. 14-11-2024 no 22-20.868 F-D).
Travail indépendant
Le médecin retraité, inscrit à un tableau de l'ordre des médecins, en qualité de médecin retraité non exerçant, doit être affilié à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), s'il exerce, à titre libéral, une activité médicale. Constitue une activité médicale toute activité en lien avec les compétences et l'expérience médicales du médecin. Une cour d’appel ne saurait donc, pour annuler la contrainte décernée au médecin par la CARMF en paiement des cotisations afférentes à l’exercice 2014 retenir que la CARMF ne justifie pas que le cotisant a exercé une activité médicale en 2014 ou bien une activité assimilée telle que l'expertise médicale, laquelle est totalement distincte de l'enseignement, y compris l'enseignement de pratiques médicales, et que le cotisant justifie avoir été effectivement affilié en 2014 auprès de la Cipav au titre de son activité de formateur, ce que cette caisse confirme dans ses écritures, sans rechercher si l'activité de formation exercée par le cotisant était en lien avec ses compétences et son expérience de médecin (Cass. 2e civ. 14-11-2024 n° 22-20.707 F-B).
Contrôle-contentieux
L'effet interruptif de prescription subsiste jusqu'à la date à laquelle la décision ayant rejeté la demande est devenue définitive. Une cour d'appel ne peut donc pas déclarer irrecevable, comme étant prescrite, la demande de la salariée, alors que celle-ci avait saisi la juridiction statuant au fond avant que la décision du juge des référés ayant rejeté sa demande ne soit définitive (Cass. soc. 14-11-2024 n° 22-17.438 F-B).
Selon l'article 386 du Code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligence pendant 2 ans. Selon l'article R 142-10-10 du CSS, dans sa rédaction issue du décret 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable à compter du 1er janvier 2020, y compris aux péremptions non constatées à cette date, l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de 2 ans les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en l'absence de délai imparti pour accomplir les diligences mises à leur charge, le délai de péremption court à compter de la date à laquelle les parties ont eu une connaissance effective de ces diligences (Cass. 2e civ. 14-11-2024 n° 22-23.185 F-B).
Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale l'indemnisation des dommages nés d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Il en résulte que la réparation du préjudice allégué par le salarié du fait d'un harcèlement moral et d'une discrimination invoqués au soutien de la reconnaissance d'un accident du travail relève de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale (Cass. soc. 14-11-2024 n° 22-21.809 F-D).
Il appartient à la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale de se prononcer sur le litige dont elle est saisie, peu important les éventuelles irrégularités affectant la motivation de la décision de la commission de recours amiable (Cass. 2e civ. 14-11-2024 n° 23-12.671 F-D).
Est une demande indéterminée par son objet, et donc susceptible d'appel, celle qui tend à l'annulation ou la revendication d'un acte d'une part, à l'exécution d'une obligation de ne pas faire ou d'une obligation de faire d'autre part (Cass. soc. 14-11-2024 n° 23-13.600 F-D)