Une banque détenant une créance contre une société civile immobilière (SCI) agit en paiement contre un associé de celle-ci. Un juge écarte la demande, faute pour la banque de démontrer qu’elle a exercé de vaines poursuites préalables contre la SCI, conformément à l’article 1858 du Code civil. La banque obtient alors l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la SCI et elle déclare sa créance au passif. Elle poursuit ensuite à nouveau l'associé en paiement. Elle soutient que cette demande ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée de la décision du premier juge car l’ouverture de la liquidation judiciaire constitue un événement nouveau.
Une cour d’appel écarte cet argument en retenant que le caractère nouveau ne peut pas être invoqué par une partie qui a négligé d’accomplir une diligence en temps utile ; or ce n’est qu’à la suite de la décision du premier juge que la banque a assigné la SCI en liquidation judiciaire. Pour la cour d’appel, la banque aurait dû accomplir cette démarche avant d’agir en paiement contre l'associé.
La Cour de cassation censure cette décision : la liquidation judiciaire de la SCI constituait bien un événement nouveau faisant échec à l’autorité de la chose jugée du jugement ayant déclaré la demande de la banque irrecevable.
La cour d’appel ne pouvait pas reprocher à la banque d’avoir été négligente, alors qu’il n’était pas établi que, avant ce jugement, la liquidation judiciaire aurait pu être prononcée et que la banque aurait pu accomplir les démarches pour satisfaire aux conditions de l’article 1858 du Code civil (c’est-à-dire déclarer sa créance au passif).
A noter :
A l’égard des tiers, les associés d’une société civile répondent indéfiniment des dettes sociales ; le créancier ne peut toutefois les poursuivre en paiement qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la société (C. civ. art. 1857 et 1858). A défaut, la demande est irrecevable.
Lorsque la société est soumise à une procédure de liquidation judiciaire, la déclaration de la créance à la procédure dispense le créancier d'établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser (Cass. ch. mixte 18-5-2007 n° 05-10.413 PB : RJDA 8-9/07 n° 861 ; Cass. com. 2-10-2019 n° 18-11.854 F-D : RJDA 1/20 n° 26). Lorsque, avant l’ouverture de la liquidation judiciaire, le créancier avait engagé une action contre les associés sans exercer de vaines poursuites préalables et que cette procédure est en cours, cette action peut être régularisée par la déclaration de la créance à la procédure (Cass. ch. mixte 18-5-2007 et Cass. com. 2-10-2019 précités). En effet, l’irrecevabilité d’une demande est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue (CPC art. 126).
La Cour de cassation va ici plus loin en jugeant, pour la première fois, qu’un créancier ayant agi contre les associés sans vaines poursuites préalables et dont la demande a été rejetée ne peut pas se voir opposer l’autorité de la chose jugée de cette décision si sa créance est par la suite régulièrement déclarée à la procédure collective. Il peut donc à nouveau engager une action contre les associés.
Documents et liens associés :
Cass. 3e civ. 18-1-2024 n° 22-19.472 FS-B
Pour en savoir plus
voir MCI 2024 n° 20432
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