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Sort d’un avenant à un contrat de travail conclu par un employeur soumis à une procédure collective

L’employeur mis en redressement judiciaire, sans désignation d’un administrateur, peut valablement conclure seul un contrat de travail ou un avenant à un contrat existant.

Cass. soc. 6-12-2023 n° 22-15.580 F-B, X c/ Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture (AREMC)


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©Gettyimages

Alors qu’elle a été placée en redressement judiciaire sans désignation d’un administrateur, une association modifie par avenant le contrat de travail d’un de ses salariés : celui-ci est nommé directeur général et lui est confiée la mission complémentaire de développer le chiffre d'affaires de l'association, moyennant une prime de 6 % du chiffre d'affaires annuel. Licencié après la conversion du redressement en liquidation judiciaire, le salarié demande en justice la fixation de sa créance au passif de l’association au titre notamment de la prime du chiffre d’affaires. Une cour d’appel refuse, mais pour de mauvaises raisons, juge la Cour de cassation.

L’avenant est-il annulable au titre des nullités de la période suspecte ?

En premier lieu, la cour d’appel estime que l’avenant au contrat de travail, en vertu duquel l’ancien salarié réclamait 70 000 €, avait été conclu alors que l’association connaissait d’importances difficultés financières, qu’il était de nature à créer des obligations disproportionnées à la charge de l’association envers un salarié et qu’il était donc nul en application de l’article L 632-1, I-1° du Code de commerce.

La Cour de cassation censure ce raisonnement. En effet, la nullité prévue par le texte précité pour tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie n’atteint que les actes accomplis au cours de la période suspecte – entre la date de cessation des paiements fixée par le tribunal et la date du jugement ouvrant le redressement ou la liquidation judiciaire – et non ceux que le débiteur soumis à une telle procédure collective aurait passés après le jugement d’ouverture. Or l’avenant litigieux avait été signé plusieurs mois après l’ouverture du redressement judiciaire de l’association.

La conclusion de l’avenant devait-elle être autorisée ?

En second lieu, la cour d’appel considère que l’avenant est nul, sa signature par l’association n’ayant pas été autorisée par le mandataire judiciaire.

La Haute Juridiction juge au contraire que cette autorisation n'était pas requise. Lorsque aucun administrateur judiciaire n'a été désigné par le jugement de redressement judiciaire, le débiteur poursuit seul l'activité de l'entreprise et exerce les fonctions dévolues à celui-ci (art. L 631-21, al. 2) ; il a donc le pouvoir d'embaucher un salarié ou de conclure avec ce dernier un avenant au contrat de travail, sans l'autorisation ni du juge-commissaire ni de quiconque, de tels actes ne constituant pas un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise.

L’entreprise sous sauvegarde ou en redressement judiciaire conserve une grande latitude de gestion en l’absence de désignation d’un administrateur judiciaire. L’intervention du mandataire judiciaire dans la gestion est limitée : son accord est requis pour la poursuite ou la résiliation des contrats en cours (art. L 627-2) et il peut s’opposer à la revendication d’un bien détenu par l’entreprise (art. R 624-14). Cette dernière n’a pas à solliciter l’autorisation du mandataire pour conclure ou modifier un contrat. 

Par ailleurs, et même si un administrateur est désigné, l’autorisation préalable du juge-commissaire est requise pour tout acte de disposition étranger à la gestion courante, à peine de nullité (C. com. art. L 622-7, II-al. 1, art. L 627-1 et art. L 631-14, al. 3). La chambre sociale de la Cour de cassation rappelle ici que ne constitue pas un tel acte la conclusion ou la modification d’un contrat de travail (notamment, Cass. soc. 17-10-2006 n° 04-45.827 : RJS 12/06 n° 1239 écartant la qualification d’acte de disposition pour la conclusion d’un contrat de travail ; Cass. soc. 29-5-2013 n° 12-17.158 : RJDA 11/13 n° 919).

Si un administrateur a été désigné, la régularité des actes de gestion dépend de la mission confiée par le tribunal à l’administrateur : surveillance de la gestion, assistance ou prise en charge de tout ou partie de la gestion. Sont toutefois valables à l'égard des tiers de bonne foi les actes de gestion courante accomplis par la seule entreprise (art. L 622-3, al. 2). Il a été jugé que la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée pour une durée de 12 ou 24 mois ne constitue pas un acte de gestion courante (Cass. soc. 17-10-2006 précité ; Cass. soc. 29-5-2013 n° 11-22.834 F-D : RJS 8-9/13 n° 583) mais qu’elle pouvait être ratifiée par l’administrateur (Cass. soc. 17-10-2006 précité).

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