Alors qu’elle est en redressement judiciaire simplifié (c’est-à-dire sans désignation d’un administrateur judiciaire), une société embauche un apprenti pour deux ans. La société est mise en liquidation judiciaire et le contrat d’apprentissage rompu pour motif économique. L’AGS refuse d’indemniser l’ancien apprenti pour la rupture anticipée du contrat car elle estime que ce dernier est inopposable à la procédure collective. L’ancien apprenti met alors en cause la responsabilité du dirigeant de la société, soutenant que celui-ci s’est volontairement abstenu de solliciter l’autorisation du juge-commissaire pour l’embauche et que cette faute grave l’a privée de son indemnisation.
Arguments et demande rejetés. En effet, en cas de redressement judiciaire simplifié, le débiteur poursuit seul l'activité de l'entreprise et, en l'absence d'administrateur, il exerce les fonctions dévolues à celui-ci, ce dont il se déduit qu'il a le pouvoir d'embaucher un salarié sans l'autorisation du juge-commissaire, un tel acte ne constituant pas un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise.
A noter :
Qu’elle soit sous sauvegarde ou en redressement judiciaire, l’entreprise continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur et, sauf exception, les actes de gestion courante qu'accomplit seule l’entreprise sont réputés valables à l'égard des tiers de bonne foi (C. com. art. L 622-23 pour la sauvegarde et, sur renvoi de l’article L 631-14, pour le redressement judiciaire). Toutefois, certains actes sont soumis à l’autorisation préalable du juge-commissaire, à peine de nullité ; tel est le cas des actes de disposition étrangers à la gestion courante de l’entreprise (art. L 622-7, II-al. 1 et III).
En l’absence d’un administrateur judiciaire, a jugé la chambre sociale de la Cour de cassation, la conclusion d'un contrat de travail ou sa modification ne constitue pas un acte de disposition étranger à la gestion courante, et ne requiert donc pas l'autorisation préalable du juge-commissaire, pas plus que l’accord du mandataire judiciaire (en dernier lieu, Cass. soc. 6-12-2023 n° 22-15.580 F-B : BRDA 2/24 inf. 7). Par l’arrêt commenté, la chambre commerciale de la Haute Juridiction exclut également la qualification d’acte de disposition étranger à la gestion courante. Le dirigeant de la société n’avait pas commis de faute à l’égard de l’apprenti et le refus de l’AGS d’indemniser ce dernier était contestable.