Un homme décède, laissant pour lui succéder sa fille et sa concubine, instituée légataire de la plus large quotité disponible par testament.
Un premier jugement, devenu irrévocable, ordonne le partage de la succession. Il retient que la concubine a recelé des sommes au préjudice de la succession et ordonne leur réintégration dans celle-ci. Un second jugement autorise la fille à faire procéder à la saisie des rémunérations de la concubine.
Par ailleurs, la fille occupant sans droit ni titre une maison dont la concubine est propriétaire, cette dernière l’assigne en expulsion et indemnisation. La fille forme alors une demande de compensation entre les sommes qu’elle doit au titre de l’indemnité d’occupation et celles dues par la concubine au titre du recel successoral.
La cour d’appel rejette cette demande de compensation judiciaire au motif que la compensation ne peut s’opérer dans le cas d’une demande de restitution d’une chose dont le propriétaire a été injustement dépouillé (C. civ. art. 1347-2). Or la demande de compensation porte, d’une part, sur une indemnité d’occupation d’un bien sans droit ni titre dont la propriétaire est privée de la jouissance, qui n’a pas consenti à la compensation, d’autre part, sur des sommes dues en raison d’un recel.
Censure de la Cour de cassation au visa des articles 1347-2 et 1348 du Code civil. Il résulte de ces textes que les exceptions aux règles de la compensation légale énumérées par le premier d'entre eux ne s'étendent pas aux créances et dettes qui font l'objet d'une demande de compensation judiciaire sur le fondement du second et dont l'appréciation incombe aux juges du fond.
A noter :
Les différentes hypothèses prévues par l’article 1347-2 où il est fait obstacle à la compensation sont inspirées de l’ex-article 1293 dans sa rédaction précédant la réforme du droit des obligations de 2016 (Ord. 2016-131 du 10-2-2016). Sous l’empire du droit antérieur à la réforme, la question de savoir si les exceptions aux règles de la compensation légale s’étendaient aux créances et dettes faisant l’objet d’une demande en compensation judiciaire a reçu des réponses divergentes. Certaines décisions l’ont exclu (Cass. 1e civ. 12-7-1956 : Gaz. Pal. 1956 II p. 149 ; Cass. 1e civ. 10-4-1973 n° 72-10.025 : JCP G 1974 II n° 17605 note J. Ghestin) tandis que d’autres l’ont admis (Cass. 1e civ. 6-5-1997 n° 94-18.446, où l’héritier receleur doit restituer l’intégralité des sommes diverties sans pouvoir invoquer la compensation : JCP G 1997 II n° 22932 note G. Loiseau).
La décision rapportée se coule dans la première tendance jurisprudentielle, mais cette fois en application des nouveaux textes, au rebours de l’analyse de certains auteurs au lendemain de la réforme (O. Deshayes, T. Genicon et Y.-M. Laithier : Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, LexisNexis 2016, p. 781 ; J.-Cl. Civil Code, Art. 1347 à 1348-2 par D. Martin et L. Andreu, n° 7).
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