Dans une entreprise bénéficiant d’un accord d’intéressement, l’employeur (le conseil d’administration ou le directoire s’ils existent) peut décider de verser, au titre de l’exercice clos, un supplément d’intéressement aux bénéficiaires de l’accord (C. trav. art. L 3314-10). Ce supplément, qui est réparti selon les mêmes modalités que l’intéressement lui-même ou selon celles prévues par un accord spécifique, bénéficie de la même exonération de cotisations sociales (C. trav. art. L 3312-4). Pour cela toutefois, il doit s’agir d’un véritable supplément d’intéressement qui par définition, s’ajoute et donc succède à l’intéressement lui-même.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient de le préciser en censurant un arrêt de cour d’appel admettant le versement d’un supplément d’intéressement avant même le calcul de la prime d’intéressement due au titre de l’exercice clos.
Un supplément d'intéressement versé 5 mois avant l'intéressement lui-même
Dans cette affaire, l’entreprise distribue dès janvier 2008 un supplément d’intéressement en prévision de résultats exceptionnels de l’exercice 2007 qui doit donner lieu au versement d’une prime d’intéressement enjuin 2008.
L’Urssaf conteste cette pratique et notifie à la société un redressement en réintégrant le montant de ce supplément dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Mais la cour d’appel annule le redressement en considérant que la réglementation ne subordonne pas le versement d’un supplément d’intéressement au titre d’un exercice clos au versement préalable de l’intéressement.
A tort, juge la Cour de cassation, qui rappelle que seules peuvent être qualifiées de supplément d’intéressement les sommes qui, pour un même exercice, s’ajoutent à celles effectivement distribuées en application d’un accord d’intéressement. Ce principe avait déjà été édicté pour interdire le versement d’un supplément d’intéressement en l’absence de prime d’intéressement au titre du même exercice (Cass. 2e civ. 4-4-2013 n° 12-11.976 F-D). Dans la présente espèce, la deuxième chambre civile en déduit une autre application : dès lors que la prime litigieuse a été versée avant même que soit déterminé le montant de la prime d’intéressement alloué à chaque bénéficiaire, elle ne peut pas constituer un supplément d’intéressement. Elle doit donc être réintégrée dans l'assiette des cotisations.
A notre avis : La solution est transposable au supplément de réserve de participation prévu à l'article L 3324-9 du Code du travail, dont le régime est similaire à celui du supplément d'intéressement.
En termes chronologiques, la solution signifie-t-elle que le versement du supplément peut intervenir dèscalcul des primes d’intéressement, ou qu'il faut attendre leur versement ? L’administration a déjà indiqué que la décision prise par le conseil d’administration ou le directoire (ou l’employeur en l'absence d'organe de direction) de verser un supplément d'intéressement ou de participation ne peut intervenir qu’une fois connues les sommes résultant de la formule de calcul (Circ. DSS-DGT 2007-199 du 15-5-2007). En précisant que le supplément doit s’ajouter aux primes d’intéressement « effectivement distribuées », la deuxième chambre civile semble subordonner le versement du supplément au versement préalable de l’intéressement et non pas à son simple calcul. Dans ce cas, serait également proscrit un versement simultané des deux sommes. Par prudence, on recommandera aux employeurs de s'en tenir à cette lecture restrictive de l'arrêt.
Le redressement de l'Urssaf est validé
L’interdiction d’un versement du supplément par anticipation confirme le caractère strictement complémentaire de cette prime. Comme le supplément d’intéressement est pris en compte dans l’appréciation des plafonds collectif et individuel applicables à l’intéressement (C. trav. art. L 3314-8), il est logique qu’il n’intervienne qu’après le calcul de l’intéressement lui-même. Un versement anticipé du supplément pourrait conduire à devoir, ultérieurement, amputer la prime elle-même pour respecter les plafonds.
Rappelons que l'administration reconnaît à l’employeur la possibilité, seulement à compter du dépôt de l’accord d’intéressement, de verser une avance sur la prime d’intéressement à venir, à condition de s’appuyer sur des résultats intermédiaires fiables. Les trop-perçus éventuels doivent impérativement être reversés par les bénéficiaires, sous peine d’être assujettis à cotisations sociales (Circ. Acoss 94-21 du 3-2-1994 ; Guide de l'épargne salariale juillet 2014).
A noter : Depuis la loi Pacte du 22 mai 2019 (loi 2019-486), l’accord d’intéressement peut également prévoir une redistribution immédiate du reliquat éventuel issu de la première répartition de l’intéressement (C. trav. art. L. 3314-11).
Fanny DOUMAYROU
Pour en savoir plus sur l'intéressement : voir Mémento Social nos 34100 s.