1. Toute sûreté réelle conventionnelle pourra être constituée par le débiteur ou par un tiers (C. civ. art. 2325, al. 1 nouveau). En visant la sûreté constituée par un tiers, l’ordonnance reconnaît une pratique courante dénommée, improprement, « cautionnement » réel ou hypothécaire, par laquelle une personne consent une sûreté, qui peut porter sur un meuble ou un immeuble, en garantie de la dette d'une autre personne.
La Cour de cassation a précisé que la sûreté constituée par un tiers pour autrui n’est pas un cautionnement personnel, de sorte que le constituant ne peut pas bénéficier de la protection que la loi accorde à la caution (jurisprudence constante depuis Cass. ch. mixte 2-12-2005 n° 03-18.210 F-PB : RJDA 2/06 n° 197).
2. L’ordonnance du 15 septembre 2021 revient partiellement sur cette exclusion et étend à la sûreté mobilière ou immobilière pour autrui les règles suivantes du cautionnement (C. civ. art. 2325, al. 2 nouveau) :
le devoir pesant sur le créancier professionnel de mettre en garde la caution personne physique lorsque l’engagement du débiteur principal sera inadapté aux capacités financières de ce dernier (art. 2299 nouveau), alors que ce devoir est aujourd’hui écarté à l’égard de la caution réelle (Cass. com. 24-3-2009 n° 08-13.034 FS-PBI : RJDA 6/10 n° 679 ; Cass. com. 13-1-2015 n° 13-16.727 F-D : RJDA 5/15 n° 375), à moins qu’elle n’ait en outre consenti un cautionnement personnel (Cass. com. 7-2-2018 n° 16-12.808 F-D : RJDA 5/18 n° 449) ;
l’obligation pour le créancier professionnel d’informer annuellement la caution personne physique sur l’évolution de la dette, de lui rappeler le terme de sa dette ou sa faculté de résilier le cautionnement s’il est à durée déterminée (art. 2302 nouveau) mais aussi de l’informer des incidents de paiement du débiteur (art. 2303 nouveau), information qui est actuellement exclue en cas de cautionnement réel (Cass. 1e civ. 7-2-2006 n° 02-16.010 FS-PB : RJDA 7/06 n° 835) à moins qu’il soit assorti d’un cautionnement personnel (Cass. com. 13-9-2011 n° 10-17.659 F-D : RJDA 2/12 n° 202) ;
l’obligation pour la caution de premier rang de communiquer à la sous-caution personne physique les informations précitées (art. 2304) ;
le bénéfice de discussion, qui permettra au constituant (s’il n’y a pas renoncé) d’obliger le créancier, qu’il soit ou non professionnel, à poursuivre d’abord le débiteur principal (art. 2305 et 2305-1 nouveaux) alors qu’il ne le peut pas actuellement (Cass. 1e civ. 18-2-2003 n° 00-12.771 F-D : RJDA 12/03 n° 1253) ;
après paiement, le recours personnel ou subrogatoire de la caution contre le débiteur principal ou les débiteurs principaux solidaires de la même dette ou contre les autres cautions (art. 2308 à 2312 nouveaux) ;
la décharge de la cautionlorsqu’elle n’aura pas pu être subrogée dans les droits du créancier par la faute de celui-ci (art. 2314 modifié), ce qui n’est pas admis pour l’instant (Cass. 3e civ. 12-4-2018 n° 17-17.542 FS-PBI : RJDA 6/18 n° 534).
Pour plus de précisions sur la notion de créancier professionnel, le devoir de mise en garde, l’information de la caution et la perte de subrogation, voir notre commentaire relatif aux principales innovations de la réforme en matière de cautionnement (BRDA 19/21 inf. 19).
3. Cette nouvelle protection ne sera applicable qu’aux sûretés pour autrui constituées à compter du 1er janvier 2022 ; toutefois les nouveaux articles 2302 à 2304 du Code civil – relatifs à l’information du constituant – seront applicables dès cette date à celles constituées avant (Ord. 2021-1192 art. 37, III).
4. La liste des dispositions du cautionnement applicables à la sûreté constituée pour autrui, telle que fixée par le nouvel article 2325, al. 2 du Code civil, est limitative. Il en résulte notamment que cette sûreté ne nécessitera pas pour sa validité l’apposition de la mention prévue par l’article 2297 nouveau et que le constituant ne pourra pas utilement invoquer la disproportion de son engagement à ses biens et revenus (alors que la caution personnelle le pourra ; art. 2300 nouveau).
Avant la réforme, la Cour de cassation a écarté tout risque de disproportion car la sûreté, limitée au seul bien donné en garantie, est nécessairement adaptée aux facultés contributives du constituant (Cass. com. 24-3-2009 n° 08-13.034 FS-PBI : RJDA 6/10 n° 679 ; Cass. com. 13-1-2015 n° 13-16.727 F-D : RJDA 5/15 n° 375). Le principe demeurera, l’article 2325, al. 2 précisant que le créancier n’aura d’action que sur le bien donné en garantie par un tiers.
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