Une mère gratifie quatre de ses six enfants de parcelles. Les deux premiers reçoivent des terrains sur lesquels chacun fait construire un chalet avant que lesdits terrains ne deviennent inconstructibles car classés en zone NB. Le troisième fait également construire un chalet d’habitation. Sa parcelle, bien que située en zone agricole, donne lieu à des frais de viabilisation et est surplombé par une ligne électrique haute tension. Le quatrième reçoit des parcelles supportant une ferme/ grange en mauvais état. Lors du partage de la succession de la donatrice, le montant du rapport au titre des parcelles données divise les héritiers. Les uns soutiennent que les terrains doivent être évalués au prix du m2 constructible puisqu’ils ont été effectivement construits et que, dès lors, reconstruire à l’identique est permis (C. urb. art. L 111-1-2 devenu art. L 111-4) ; les autres considèrent qu’il faut estimer les parcelles comme inconstructibles, ce qu’elles sont devenues après la donation.
La cour d’appel conforte l’analyse des premiers juges : les terrains doivent être évalués comme non constructibles au jour du partage. Au préalable, elle rappelle que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation (C. civ. art. 860). Puis, visant la jurisprudence de la Cour de cassation, elle précise que la constructibilité d’un terrain, en ce qu'elle dépend d'une décision des autorités publiques, se trouve hors du champ d'action du donataire. En conséquence, le changement de classification du bien donné non bâti doit être pris en compte dans l'évaluation du montant du rapport, peu importe qu'une construction ait été érigée sur le terrain à l'époque où il était constructible.
A noter :
Cet arrêt de cour d’appel est l’occasion de revenir sur une solution bien établie de la Cour de cassation : pour évaluer le montant du rapport, il doit être tenu compte du changement de situation juridique du bien donné qui résulte d’une cause étrangère à l’industrie du gratifié, en l’occurrence d’une décision des autorités publiques (Cass. 1e civ. 6-5-1997 n° 95-12.480, à propos d’une donation rapportable d’un terrain non constructible classé temporairement en zone constructible ; Cass. 1e civ. 22-10-2014 n° 13-24.911 F-D, à propos d’une donation rapportable d’un terrain constructible devenu inconstructible en raison de son classement en zone agricole). Peu importe qu’une construction ait été érigée sur le terrain à l’époque où il était constructible (Cass. 1e civ. 11-9-2013 n° 12-17.277 F-PB : RTD civ. 2013 p. 879 obs. M. Grimaldi).
Signalons que cette solution vaut aussi bien pour l’évaluation de la réserve (C. civ. art. 922 ; pour une illustration, Cass. 1e civ. 11-9-2013 précité) que pour celle des indemnités de rapport et de réduction (C. civ. art. 860 et 924-2).