Un couple marié sous le régime légal a fait construire sa résidence principale sur un terrain appartenant au père de l’époux. Après leur divorce, madame assigne son ex-beau-père en paiement d’une somme correspondant à sa quote-part sur la valeur de la maison. La cour d’appel considère qu’il est redevable envers madame d’une créance correspondant à la moitié du remboursement du coût des matériaux et du prix de la main-d’œuvre estimés à la date du remboursement. L’ex-beau-père défend que cette action en paiement suppose que le tiers qui a édifié sa construction sur le terrain d’autrui soit évincé par le propriétaire du terrain.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. L’action en remboursement de celui qui a construit sur le terrain d’autrui avec des matériaux lui appartenant, contre le propriétaire du fonds, prévue au troisième alinéa de l’article 555 du Code civil, n’est pas subordonnée à son éviction.
A noter :
L’article 555 du Code civil régit le sort des constructions édifiées par un tiers sur le terrain d’autrui. La Cour de cassation a récemment précisé que cet article ne s’applique qu’aux nouvelles constructions (Cass. 3e civ. 9-9-2021 n° 20-15.713 FS-B : BPIM 5/21 inf. 326). Le propriétaire du terrain peut soit exiger la démolition des constructions aux frais du tiers constructeur, soit conserver la propriété des constructions moyennant indemnité (C. civ. art. 555, al. 1). Lorsque le tiers constructeur est de bonne foi, il ne peut pas être condamné à la démolition ; il a droit à une indemnité (C. civ. art. 555, al. 4). Dans ce cas, en raison de sa bonne foi, on parle de tiers évincé qui a construit en pensant être le propriétaire du terrain en vertu d’un titre dont il ignorait les vices (C. civ. art. 550). Cette qualification sert à empêcher la sanction par la démolition. Par exemple, il a déjà été jugé que le père qui a construit sur le terrain appartenant à sa fille, et avec son autorisation, n’était pas un constructeur de bonne foi, de sorte que la démolition pouvait être ordonnée (Cass. 3e civ. 15-4-2021 n° 20-13.649 FS-P : BPIM 3/21 inf. 183). En l’espèce, l’ex-beau-père propriétaire du terrain n’a pas demandé la démolition, mais il refusait d’indemniser madame, qui a participé aux coûts de construction. La Cour de cassation fait une application stricte de l’alinéa 3 de l’article 555 : si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, il doit, à son choix, rembourser au tiers soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d'œuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent les constructions. Elle précise que l’éviction du tiers constructeur n’est pas une condition de son droit à indemnisation. Dans le même sens, la mauvaise foi du tiers constructeur ne le prive pas de son droit à indemnisation (Cass. 3e civ. 29-4-2009 no 08-11.431 P : Bull. civ. III n° 97).