Un salarié appartenant à un groupe de sociétés de dimension internationale peut être amené à devoir travailler temporairement au sein d’une société du groupe située à l’étranger. La fin de la mission à l’étranger, qu’elle intervienne au terme initialement convenu ou de manière anticipée, en raison par exemple d’un licenciement par la filiale étrangère auprès de laquelle l’intéressé a été détaché, implique souvent une obligation de rapatriement en France et de réintégration dans l’entreprise d’origine. Nous proposons ici un tour d’horizon des principales questions que soulève cette obligation afin d’en cerner le champ d’application et l’étendue et de la gérer au mieux.
Que prévoient le contrat de travail, la convention collective ou les usages ?
Lorsque la mission du salarié dans une société du groupe située à l’étranger doit prendre fin, la première chose à faire est de vérifier ce qui avait été convenu avec l’intéressé avant son départ. Les conditions du rapatriement en France et de la réintégration dans la société d’origine font en effet généralement partie des éléments envisagés dans une clause du contrat de travail ou dans l’avenant à ce contrat formalisant les conditions du départ du salarié en mission à l’étranger. Il est d’ailleurs conseillé de les prévoir à ce stade le plus précisément possible pour éviter par la suite des conflits. Rappelons en outre que l’article R 1221-34 du Code du travailimpose, si la durée de la mission à l’étranger excède un mois, de prévoir dans un document remis au salarié les conditions de son rapatriement.
A noter : l’obligation de formaliser par écrit les conditions de l’affectation du salarié à l’étranger et de son retour en France est parfois imposée par la convention collective applicable dans l’entreprise. C’est le cas, par exemple, de l’annexe II à la CCN des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 en cas d’affectation d’un salarié de cette catégorie dans un établissement permanent situé hors du territoire métropolitain pour une durée de plus de 3 mois.
Le moment venu, devront également être respectés, le cas échéant, les éventuels usages ou engagements unilatéraux pris dans le cadre de la politique de l’entreprise ou du groupe sur la mobilité internationale de ses salariés et régissant les conditions de leur retour dans l’entreprise d’origine.
Dans quel cas le rapatriement et la réintégration s’imposent-ils ?
Mise à disposition d’une filiale étrangère par la société mère française
L’obligation de rapatriement et de réintégration n’est prévue par la loi que dans un seul cas de figure : ainsi qu’il résulte de l’article L 1231-5 du Code du travail, la société mère française ayant mis un salarié à la disposition d’une filiale étrangère avec laquelle ce dernier a conclu un contrat de travail doit, en cas de licenciement de l’intéressé par la filiale, assurer son rapatriement et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein.
Ce texte ne prévoyant à cet égard aucune restriction, peu importe la nature du licenciement, économique ou personnel. Et, s’il s’agit d’un licenciement disciplinaire, peu importe le degré de la faute commise par le salarié : faute simple, faute grave, voire faute lourde.
A noter : bien que l’article L 1231-5 du Code du travail se réfère uniquement au « licenciement » par la filiale étrangère, la jurisprudence considère que ce texte s’applique en cas de rupture du contrat par la filiale, quelle qu’en soit la cause (Cass. soc. 26-5-2016 no 15-12.448 F-D). L’obligation de rapatriement et de réintégration s’impose ainsi à la société mère française y compris en cas de cession de la filiale, cet événement mettant fin ipso facto au contrat conclu par le salarié avec cette dernière (Cass. soc. 13-11-2008 no 06-42.583 FS-PBR).
La Cour de cassation, soucieuse de faire échec aux montages juridiques visant à éluder l’obligation de rapatriement et de réintégration, juge en outre que l’article L 1231-5 du Code du travail s’applique même si le salarié concerné n’a pas exercé de fonctions effectives au sein de la société mère avant son détachement auprès de la filiale étrangère (Cass. soc. 7-12-2011 no 09-67.367 FS-PB ; Cass. soc. 9-1-2013 no 11-20.013 F-D). Un salarié embauché par la société mère et mis aussitôt à disposition de la filiale peut donc en bénéficier. Elle estime aussi qu’il s’applique y compris si le contrat conclu avec la filiale est soumis au droit étranger (Cass. soc. 30-3-2011 no 09-70.306 FS-PBR) ou si celui conclu avec la société mère n’a pas été maintenu.
Exemple : Cette dernière solution (obligation non subordonnée au maintien du contrat avec la société mère) a notamment été retenue en cas de rupture d’un commun accord du contrat conclu avec cette dernière lors de la mise à disposition du salarié auprès de la filiale (Cass. soc. 13-11-2008 no 07-41.700 FS-PBR) et dans un cas où le salarié, après avoir travaillé environ 2 ans et demi au sein de la filiale, avait démissionné de la société mère pour conclure, quelques jours après, un nouveau contrat de travail d’une durée de 3 ans avec ladite filiale (Cass. soc. 26-5-2016 no 15-12.448 F-D).
Autres situations de mobilité au sein d’un groupe international
La mobilité à l’intérieur d’un groupe international ne s’exerce pas toujours dans les conditions prévues par l’article L 1231-5 du Code du travail. C’est le cas, par exemple, si elle a lieu alors que l’entreprise d’origine, implantée en France, n’est pas la société mère du groupe mais une filiale ou si la mise à disposition n’entraîne pas la conclusion d’un contrat de travail avec la filiale établie à l’étranger.
L’obligation de rapatriement et de réintégration peut alors s’imposer en vertu des clauses du contrat de travail ou de l’avenant à ce contrat organisant le départ du salarié, ou sur le fondement des dispositions de la convention collective applicable. Elle s’impose, en tout état de cause, dès lors que l’entreprise établie en France est restée employeur du salarié concerné. Il en est ainsi lorsque la mission à l’étranger constitue une modalité d’exécution du contrat de travail liant l’intéressé à son entreprise d’origine ou lorsque cette mission donne lieu à une simple suspension du contrat de travail conclu avec celle-ci.
A noter : en l’absence de maintien du contrat de travail avec l’employeur d’origine, il n’y a pas lieu à réintégration de l’intéressé lorsque la mission à l’étranger prend fin, sauf disposition contraire du contrat de travail ou de la convention collective applicable ou sauf engagement unilatéral de l’employeur avec promesse de réembauche ou priorité de réembauche.
Démission du salarié
Lorsque le salarié décide de démissionner au cours de son détachement à l’étranger, et prend ainsi l’initiative de la rupture du contrat, l’employeur n’est pas en principe tenu d’assurer sa réintégration. Encore faut-il qu’il s’agisse d’une démission claire et non équivoque et non d’une démission suggérée au salarié dans le cadre d’un montage juridique visant à permettre à l’entreprise d’origine d’éluder ses obligations (voir en ce sens Cass. soc. 26-5-2016 no 15-12.448 F-D).
A noter : la démission du salarié en cours de mission n’exclut pas nécessairement toute obligation de rapatriement en France à la charge de l’entreprise d’origine. Pour s’en assurer, il convient de vérifier les clauses sur ce point de la convention collective applicable et du contrat de travail ou de l’avenant à ce dernier organisant le départ du salarié. Le contrat de travail, notamment, peut certes prévoir qu’en cas de démission les frais de rapatriement et de déménagement seront intégralement à la charge du salarié. Mais il peut aussi avoir été convenu que l’employeur les prendra en charge à concurrence d’un certain montant ou d’un certain pourcentage de leur coût.
Comment organiser le rapatriement ?Quels frais prendre en charge ?
C’est à l’employeur de prendre l’initiative du rapatriement à l’issue de la mission à l’étranger. Il ne peut pas subordonner celui-ci à une demande expresse du salarié concerné (Cass. soc. 18-7-2000 n° 97-45.043 FS-D ; Cass. soc. 19-10-2017 n° 16-18.854 F-D).
Il doit assurer ce rapatriement selon les modalités et dans les délais convenus contractuellement ou prévus, le cas échéant, par la convention collective applicable.
A noter : pour l’application de l’article L 1231-5 du Code du travail concernant la mise à disposition du salarié, auprès d’une filiale étrangère, par la société mère française, il a été jugé que cette dernière doit rembourser au salarié les frais de séjour supportés entre son licenciement par la filiale et son rapatriement en France, dès lors qu’elle a pris du retard à assurer le rapatriement, sans justifier que ce retard ne lui était pas imputable (Cass. soc. 5-5-1982 no 80-40.481 P).
La nature et l’étendue des frais devant être pris en charge par l’employeur d’origine au titre de son obligation de rapatriement sont généralement prévues par le contrat de travail ou l’avenant à ce contrat conclu préalablement au départ du salarié en mission à l’étranger. Ces frais recouvrent, au minimum, ceux afférents au transport de l’intéressé et à son déménagement (le mode de transport pouvant être utilisé et le volume maximal en m3 admis pour les frais de déménagement peuvent avoir été à cette occasion précisés).
La prise en charge des frais afférents au transport du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité (Pacs), ainsi que des enfants du salarié, y est aussi souvent prévue. Mais ce n’est pas une obligation.
Le salarié peut aussi avoir négocié et obtenu la prise en charge par l’employeur de tous les autres frais liés à son retour en France. Nous proposons, dans notre formulaire social, deux modèles d’avenant au contrat de travail, l’un concernant le détachement, l’autre l’expatriation.
A notre avis : la souscription par l’employeur d’un contrat d’assurance-rapatriement est conseillée afin de permettre la prise en charge par une compagnie d’assurances des frais liés à une assistance et un rapatriement d’urgence nécessités par un événement particulier pouvant survenir durant la mission à l’étranger : accident ou maladie du salarié, risque sanitaire ou insurrection dans le pays d’affectation... Le salarié doit alors être précisément informé des conditions et formalités auxquelles cette garantie est subordonnée et des prestations qui lui sont ouvertes à ce titre, un exemplaire du contrat d’assurance-rapatriement lui étant à cet effet délivré.
Dans quel poste le salarié doit-il être réintégré ?
Licenciement par une filiale étrangère
Comme précédemment indiqué, en cas de rupture du contrat par la filiale étrangère, l’article L 1231-5 du Code du travail impose à la société mère française de procurer au salarié « un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions » en son sein. Sauf disposition contraire du contrat de travail ou de la convention collective applicable, la société mère n’a pas à prendre en compte les fonctions de niveau supérieur exercées au sein de la filiale (Cass. soc. 22-3-1982 no 80-15.496 P).
Il résulte de la jurisprudence que l’employeur doit, au titre de son obligation de réintégration, proposer au salarié un poste dont le niveau hiérarchique et la rémunération sont, au minimum, similaires à ceux du poste qu’il avait précédemment occupé au sein de la société mère.
Exemple : A été jugé conforme à l’obligation prévue par la loi le fait de proposer au salarié :
- un poste de niveau hiérarchique similaire au précédent emploi, correspondant au niveau de compétences et à l’expérience de l’intéressé et assorti d’une rémunération identique, quand bien même ce poste ne serait pas équivalent en termes de responsabilités et de calcul de la rémunération variable (CA Paris 26-2-2008 no 07/587) ;
- un poste dont le niveau hiérarchique et la rémunération sont supérieurs au poste occupé par le salarié avant sa mise à disposition auprès de la filiale étrangère (Cass. soc. 2-4-1992 no 88-45.274 D).
Dans la mesure où la Cour de cassation estime que l’article L 1231-5 du Code du travail doit recevoir application même si le salarié concerné n’a pas exercé de fonctions effectives au sein de la société mère avant son détachement auprès de la filiale étrangère, la question se pose de savoir dans quel poste doit être réintégré le salarié ayant fait l’objet d’un détachement auprès de la filiale immédiatement après son embauche.
A notre avis : dans le cas d’un détachement immédiat, il nous paraît judicieux de prévoir dans le contrat de travail, outre les caractéristiques du poste devant être exercé dans la filiale étrangère, celles du poste que l’intéressé sera appelé à occuper lors de sa réintégration en France.
Comme pour l’obligation de rapatriement, c’est à la société mère qu’incombe l’initiative de la réintégration en son sein. Il ne peut être exigé du salarié une demande expresse en ce sens (Cass. soc. 19-10-2017 no 16-18.854 F-D). Le fait que le salarié ait manifesté une volonté « attachée à d’autres projets » ne peut suffire à l’exonérer de son obligation (Cass. soc. 4-6-1987 no 84-43.431 P).
Fin de détachement hors du cadre légal
Lorsque la fin de détachement ne s’inscrit pas dans le cadre de l’article L 1231-5 du Code du travail, mais que la réintégration s’impose au regard des critères visés plus haut, les caractéristiques du poste de réintégration devant être proposé au salarié ne font l’objet d’aucune disposition légale.
Généralement, c’est la convention collective applicable à la société d’origine et/ou le contrat de travail ou l’avenant conclu à l’occasion du détachement dans une autre société du groupe située à l’étranger qui prévoient les modalités de cette réintégration. Il convient alors de se référer à ces dispositions pour s’assurer de la bonne exécution du contrat de travail.
A notre avis : la jurisprudence est peu abondante en la matière. Mais il nous paraît prudent de proposer au salarié un poste compatible avec les fonctions qu’il a précédemment exercées au sein de sa société d’origine, par analogie avec ce qui est jugé pour l’application de l’article L 1231-5 du Code du travail).
Qu’en est-il de sa rémunération pour ce poste ?
La loi ne précise pas la rémunération devant être associée au poste proposé au salarié lors de son retour en France. En revanche, la jurisprudence s’est prononcée sur les éléments que l’employeur n’est pas tenu de maintenir lors de cette réintégration.
Ainsi, lors de son retour en France, le salarié perd le bénéfice des éventuels primes, indemnités et avantages qu’il percevait, dès lors que ces éléments lui avaient été accordés uniquement en raison de son détachement à l’étranger.
Exemple : Le salarié ne peut pas conserver le bénéfice des indemnités de départ et d’installation dont l’objet est de compenser l’abandon d’un mode de vie et les difficultés d’adaptation à des conditions nouvelles d’existence (Cass. soc. 29-11-1984 no 82-40.649 S), ni les indemnités destinées à compenser les sujétions imposées par le séjour à l’étranger (Cass. soc. 28-3-1989 no 85-41.776).
Il devrait selon nous en être de même pour toute prime ou avantage uniquement lié au séjour à l’étranger (prime d’expatriation, indemnité logement, prise en charge des frais de scolarité des enfants du salarié à l’étranger, etc). Pour éviter les risques de contestation sur ce point, il est bien sûr conseillé de préciser, dans le contrat de travail ou l’avenant à celui-ci formalisant les conditions du séjour à l’étranger, les droits auxquels le salarié ne peut prétendre que durant la période de détachement.
Aussi, dans le cas où la rémunération versée au salarié durant la période de détachement, hors prime et indemnité d’expatriation a été fixée en tenant compte des spécificités du pays d’accueil, le salarié ne peut prétendre à son maintien lors de son retour en France.
A noter : il peut être utile, lorsque le détachement à l’étranger est prévu pour une longue durée, d’établir un salaire de référence correspondant à celui auquel le salarié pourra prétendre à son retour en France et d’en informer l’intéressé. Si ce salaire ne correspond pas à la rémunération à laquelle le salarié pourra prétendre à son retour sur le territoire national mais correspond à un référentiel permettant de maintenir les avantages sociaux du salarié en France, il est recommandé de le préciser par écrit.
Comment et dans quel délai l’offre de réintégration doit-elle se concrétiser ?
L’employeur ne doit pas se contenter d’informer le salarié du principe de sa réintégration. Il doit lui faire une proposition loyale (Cass. soc. 28-10-2015 no 14-16.269 FS-PB) et lui communiquer à ce titre une offre de poste sérieuse et précise (Cass. soc. 24-11-1983 no 3854 D ; Cass. soc. 21-11-2012 no 10-17.978 FS-PB ; Cass. soc. 20-10-2016 no 15-17.526 F-D).
Cette exigence suppose de fournir au salarié un minimum d’informations quant aux caractéristiques du poste : statut attaché au poste (cadre ou non cadre), attributions correspondantes et montant du salaire fixe et variable attaché au poste (Cass. soc. 21-11-2012 no 10-17.978 FS-PB, précité).
L’article L 1231-5 du Code du travail n’impose aucun délai pour informer le salarié avant sa prise de poste effective en France. Que la réintégration dans l’entreprise d’origine s’impose en vertu de ce texte ou sur un autre fondement, le respect par l’employeur d’un délai de prévenance est en pratique souvent exigé par le contrat de travail ou la convention collective applicable. Il convient donc de s’y référer.
A notre avis : si rien n’est prévu non plus dans le contrat de travail ou la convention collective, il est recommandé d’informer le salarié des caractéristiques du poste proposé le plus tôt possible et, en tout état de cause, dans un délai raisonnable avant la date attendue de la prise d’effet de celui-ci. Cette précaution paraît en effet logique pour permettre au salarié d’organiser son retour et celui de sa famille dans les meilleures conditions. De ce point de vue, elle peut aussi permettre à l’employeur de se prémunir d’un éventuel grief d’une atteinte à la vie privée et familiale que le salarié pourrait mettre en avant pour refuser le poste proposé (voir sur cette question Cass. soc. 7-2-2018 no 16-18.946 F-D).
Le salarié peut-il refuser le poste proposé pour cette réintégration ?
Non, si l’offre de poste est conforme aux exigences vues précédemment. L’employeur peut se prévaloir de ce refus à l’appui d’un licenciement personnel. Rien ne l’empêche dans ce cas de rechercher un autre poste de reclassement mais il n’y est pas tenu.
A noter : la question se pose de savoir si un tel licenciement est ou non disciplinaire. Cette question n’est pas à notre connaissance clairement tranchée. Il nous semble, mais cela reste à confirmer, que le refus par le salarié, sans motif légitime, du poste conforme proposé par l’employeur, s’apparente à un refus de se conformer à des instructions données au titre de son contrat de travail et devrait à ce titre revêtir donc une nature disciplinaire.
Le refus du salarié est en revanche légitime si l’employeur a commis un manquement à son obligation de réintégration : refus de mise en oeuvre d’une telle réintégration, offre fictive ou imprécise de réintégration, poste non compatible avec les précédentes fonctions du salarié...
Dans cette hypothèse, en cas de litige, la rupture du contrat de travail, que celle-ci soit à l’initiative du salarié (prise d’acte) ou de l’employeur (licenciement), sera requalifiée en licenciement abusif (voir notamment Cass. soc. 20-10-2016 no 15-17.526 F-D pour une prise d’acte ; Cass. soc. 30-3-2011 no 09-70.306 FS-PBR pour un licenciement). Elle peut même s’apparenter à un licenciement nul dans certaines circonstances (Cass. soc. 26-5-2016 no 15-12.448 F-D, s’agissant de la méconnaissance de l’obligation de réintégration par la société mère française après que la filiale a rompu le contrat, durant sa suspension à raison d’un accident du travail, hors faute grave du salarié ou impossibilité de maintenir ledit contrat).
Pour quel motif le contrat peut-il être rompu lors du retour en France ?
L’entreprise qui souhaite mettre fin au contrat de travail du salarié, à son retour en France, doit avoir un motif réel et sérieux pour le faire et respecter les règles de droit commun. La jurisprudence a précisé qu’elle ne peut prononcer un licenciement que pour des motifs qui lui sont propres. Ainsi, en cas de licenciements successifs par la filiale étrangère, puis la société mère française, cette dernière doit en principe justifier d’un motif de licenciement distinct de celui dont s’est prévalue la filiale (Cass. soc. 30-3-1999 no 97-40.544 PB ; Cass. soc. 19-4-2000 no 98-40.039 D ; Cass. soc. 13-6-2006 no 04-40.256 F-D).
Exemple : a. N’a pas de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé par la société mère française en raison de l’abandon de poste du salarié dans la filiale (Cass. soc. 28-10-2015 no 14-16.269 FS-PB) ou des difficultés économiques de cette dernière n’affectant pas la société mère dont la progression de l’activité était élevée (Cass. soc. 17-2-1998 no 95-45.608 D).
b. En revanche, est justifié :
– le licenciement pour motif économique en raison de l’absence de poste disponible (Cass. soc. 19-12-2000 no 98-42.919 FS-P) ;
– le licenciement pour faute grave par la société mère pour des faits commis au cours du détachement ayant porté atteinte à sa réputation dans ses rapports avec sa clientèle et son personnel (Cass. soc. 17-11-2010 no 09-42.695 F-D) ;
– le licenciement pour motif personnel faisant suite au refus par le salarié d’un emploi de nature à satisfaire ses souhaits, alors que l’employeur avait tout mis en oeuvre pour assurer la réintégration de l’intéressé à l’issue du détachement (Cass. soc. 9-4-2008 no 06- 45.384 F-D).
Aucune disposition n’empêche les parties de conclure une convention de rupture conventionnelle dès lors que le salarié et la société sont d’accord pour rompre de manière amiable le contrat de travail. Dans ce cas, la procédure habituelle de rupture conventionnelle soumise à homologation par le Direccte doit être mise en oeuvre (C. trav. art. L 1237-11 à L 1237-16).
A notre avis : il convient toutefois, nous semble-t-il, d’être prudent sur l’utilisation de ce mode de rupture. L’employeur ne doit pas en prendre l’initiative pour éluder son obligation de réintégration dans l’entreprise d’origine. Cela étant dit, une rupture conventionnelle nous paraît envisageable, dans le cas notamment où le salarié ne souhaite pas rentrer en France et que l’employeur ne dispose pas de poste de réintégration immédiatement disponible.
Comment calculer les indemnités de rupture en cas de licenciement ?
Le salarié licencié à son retour en France peut prétendre à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et, le cas échéant, aux indemnités compensatrices de préavis et de congés payés.
Ces indemnités de rupture doivent être calculées par référence aux salaires perçus par l’intéressé dans son dernier emploi (Cass. soc. 27-10-2004 no 02-40.648 FS-PB ; Cass. soc. 17-5-2017 no 15-17.750 F-D). Les primes et avantages liés au séjour à l’étranger doivent être inclus dans cette assiette de calcul, dès lors qu’ils n’ont pas la nature d’un remboursement de frais. Ainsi, doit être exclue la prise en charge du voyage annuel en France de l’intéressé et de sa famille durant ses congés payés (Cass. soc. 31-1-2012 no 10-24.388 FS-PB).
En cas de licenciement par la société mère, après que la filiale étrangère a mis fin au détachement, le temps passé par le salarié au service de la filiale doit être pris en compte pour le calcul du préavis et de l’indemnité de licenciement (C. trav. art. L 1231-5, al. 3). Autrement dit, la société mère doit, lorsque ce texte est applicable, verser au salarié des indemnités de licenciement et de préavis calculées d’après l’ancienneté totale acquise au sein du groupe.
A noter : lorsque le licenciement par l’entreprise d’origine a lieu hors du champ d’application de l’article L 1231-5 du Code du travail, il convient, pour cette question de l’ancienneté à prendre en compte, de se reporter à ce qui a été éventuellement prévu dans le contrat de travail ou la convention collective applicable.
Les indemnités versées par la filiale et par la société mère se cumulent-t-elles ?
Dans le cadre de l’application de l’article L 1231-5 du Code du travail, la question se pose de savoir si, en cas de licenciement par la filiale étrangère, suivi d’un licenciement par la société mère française, le salarié peut cumuler les indemnités versées par les deux entreprises. Pour la Cour de cassation, si le salarié a droit au paiement d’indemnités distinctes au titre de ces deux licenciements successifs, il ne peut pas cumuler, pour une même période d’emploi et pour un même travail, des indemnités ayant le même objet (Cass. soc. 20-1-1993 no 89-43.873 D).
Il faut toutefois distinguer selon la nature de l’indemnité :
– indemnité de licenciement : si la filiale a versé au salarié des indemnités calculées sur l’ensemble de sa carrière et équivalentes à celles qu’il aurait perçues en France, il ne peut pas obtenir à nouveau de telles indemnités auprès de la société mère (Cass. soc. 4-12-1985 no 88-41.913 P) ;
– indemnités de préavis : elles sont considérées comme afférentes à des licenciements distincts, n’ayant pas la même cause et s’appliquant à des périodes différentes. En conséquence, la société mère doit payer l’indemnité de préavis même si la filiale en a déjà versé une, dépassant ses propres obligations (Cass. soc. 15-11-1989 no 86-43.866 P ; dans le même sens : Cass. soc. 20-1-1993 no 89-43.873 D).
Pour plus d'information sur le Feuillet Rapide social voir la fiche produit.