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Le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail cause nécessairement un préjudice au salarié

Pour la Cour de cassation, le seul constat du dépassement de la durée maximale quotidienne de travail ouvre droit à réparation, sans que le salarié ait besoin d'établir que ce dépassement lui a causé un préjudice.

Cass. soc. 11-5-2023 n° 21-22.281 FS-B


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©Gettyimages

La Cour de cassation avait jugé au début des années 90 que certains manquements de l'employeur à ses obligations causaient nécessairement un préjudice au salarié. Ce dernier n'avait donc pas à prouver l'existence de son préjudice, ni son lien avec le manquement de l'employeur pour en obtenir réparation (Cass. soc. 23-10-1991 n° 88-43.235 PF ; Cass. soc. 7-11-1991 n° 90-43.151 D ; Cass. soc. 31-5-1995 n° 92-40.581 D). La Cour de cassation a, par la suite, abandonné cette jurisprudence dite « du préjudice nécessaire » dans un arrêt du 13 avril 2016. Elle considère depuis cette décision que l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond. Le salarié doit donc apporter des éléments justifiant du préjudice qu'il prétend avoir subi (Cass. soc. 13-4-2016 n° 14-28.293 FS-PBR). Cette solution a été depuis confirmée à plusieurs reprises.

La chambre sociale a toutefois peu à peu admis certaines exceptions à cette solution, permettant au salarié d'obtenir une indemnisation sans rapporter la preuve de son préjudice. Il en est ainsi, par exemple, lorsque le salarié perd de façon injustifiée son emploi (Cass. soc. 13-9-2017 n° 16-13.578 FP-PBRI) ou lorsque l'employeur n'a pas mis en place d'institutions représentatives du personnel ou n'a pas accompli les diligences nécessaires à leur mise en place, dans le cadre d'une procédure de licenciement économique (Cass. soc. 17-10-2018 n° 17-14.392 FS-PB).

Par la présente décision, la Cour de cassation vient compléter la liste de ces cas de dérogation.

Après le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail…

En matière de durée du travail, la chambre sociale a récemment jugé que le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail cause nécessairement un préjudice au salarié (Cass. soc. 26-1-2022 n° 20-21.636 FS-B). La Cour de cassation s'est en particulier appuyée sur le droit de l'Union européenne relatif à la protection de la sécurité et de la santé des salariés en matière d'aménagement du temps de travail pour justifier sa décision. Cela s'explique notamment par le fait que l'article L 3121-35 (devenu L 3121-20) du Code du travail, relatif à la durée maximale hebdomadaire de travail, a transposé l'article 6 de la directive 2008/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

Dans un arrêt du 14 décembre 2022, concernant un salarié en mi-temps thérapeutique, la Cour de cassation a de nouveau rappelé que le seul constat du non-respect des durées maximales de travail ouvre droit à réparation, et a semblé étendre cette solution au non-respect du repos journalier et hebdomadaire (Cass. soc. 14-12-2022 n° 21-21.411 F-D).

Cette solution pouvait-elle être également étendue au non-respect de la durée maximale quotidienne de travail de 10 heures prévue par l'article L 3121-34 (devenu L 3121-18) du Code du travail ? La Cour de cassation répond par l'affirmative.

… le dépassement de la durée maximale quotidienne déroge à la règle selon laquelle seul le préjudice prouvé est indemnisé

En l'espèce, une salariée employée comme préparatrice en pharmacie, responsable Ehpad, avait saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes à la suite de la rupture de son contrat de travail, parmi lesquelles une demande de dommages-intérêts pour non-respect de la durée de travail quotidienne maximale de 10 heures.

La cour d'appel l'avait déboutée de sa demande, infirmant ainsi le jugement du conseil de prud'hommes, au motif qu'elle ne démontrait pas avoir subi un préjudice à ce titre, lequel ne peut pas être nécessaire mais doit être établi.

La décision est censurée pour violation de la loi. La Cour de cassation juge, en effet, que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail quotidienne ouvre droit à réparation.

À l'instar de la décision précitée rendue le 26 janvier 2022, la chambre sociale fait une nouvelle fois référence à la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003. Elle précise que les dispositions de l'article L 3121-34 (devenu L 3121-18) du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi 2016-1088 du 8 août 2016, participent de l'objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d'un repos suffisant et le respect effectif des limitations de durées maximales de travail.

A notre avis :

Si, mise en perspective avec la décision du 26 janvier 2022, la solution retenue en l'espèce semble logique, sa justification n'était pas forcément évidente au regard du droit de l'Union européenne. En effet, à la différence de la durée de travail hebdomadaire, la limitation de la durée quotidienne de travail n'est pas directement prévue par la directive. Seul un repos hebdomadaire de 11 heures y est mentionné. Toutefois, la Cour se réfère à la directive au regard de l'objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs en matière d'aménagement du temps de travail. En effet, en limitant la durée de travail quotidienne, le Code du travail assure ainsi un niveau de protection supplémentaire à celui prévu par la directive, et participe de cet objectif.

La distinction de régime entre les normes issues du droit interne et celles issues du droit de l'Union européenne a déjà été gommée à plusieurs reprises par la chambre sociale dès lors que ces normes participent du même objectif. Il en est ainsi au sujet du régime de preuve du respect des seuils et plafonds de la durée de travail (Cass. soc. 20-2-2013 n° 11-21.848 et 11-21.599 FS-PB ; Cass. soc. 25-9-2013 n° 12-13.267 FS-PB) et en matière de preuve des congés payés (Cass. soc. 21-9-2017 n° 16-18.898 FS-PB).

Documents et liens associés

Cass. soc. 11-5-2023 n° 21-22.281 FS-B

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