1. Les tribunaux de commerce sont compétents pour statuer sur les contestations relatives aux engagements entre commerçants, celles relatives aux sociétés commerciales et celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes (C. com. art. L 721-3). La Cour de cassation vient d’apporter de nouvelles précisions sur l’application de ce texte.
Action en responsabilité contre le dirigeant...
2. La Cour déduit de ces dispositions que relèvent de la compétence de ces tribunaux les litiges relatifs aux manquements commis par le gérant d’une SARL (mais la solution vaut pour tout autre dirigeant de société commerciale) à l’occasion de l’exécution d’un contrat auquel la société était partie, car ces manquements se rattachent par un lien direct à la gestion de la société, peu important que le gérant n’ait pas la qualité de commerçant ou n’ait pas accompli d’actes de commerce.
La Cour a énoncé cette solution dans une affaire où, après la liquidation amiable d’une SARL, le cocontractant de celle-ci avait reproché au gérant d’être à l’origine du préjudice que lui avait causé l’inexécution par la société de ses obligations contractuelles. Une cour d’appel avait décidé à tort que l’action en responsabilité contre le gérant relevait de la juridiction civile en retenant que le gérant n’avait pas la qualité de commerçant et que les faits qui lui étaient reprochés ne constituaient pas des actes de commerce ni ne se rattachaient par un lien direct à la gestion de la société. Cet arrêt est donc censuré.
3. Sous l’empire de l’ancien article 631 du Code de commerce, qui définissait la compétence des tribunaux de commerce dans des termes sensiblement différents de ceux employés à l’article L 721-3 (compétence pour connaître des « contestations entre associés pour raison d'une société de commerce »), la Cour de cassation avait déjà admis que le fait qu’un gérant de SARL ne soit pas personnellement commerçant ne peut pas le soustraire à la juridiction commerciale dès lors que les faits qui lui sont reprochés (en l’espèce, mauvaise exécution d’un marché de travaux dont se plaignait le cocontractant de la société) se rattachent par un lien direct à la gestion de la société (Cass. com. 27-11-1973 n° 72-14.646 : Bull. civ. IV n° 343). Plus récemment, la Cour a également jugé le tribunal de commerce compétent pour statuer sur une action en responsabilité engagée contre une personne qui n’était ni commerçant ni dirigeant de droit d’une société commerciale dès lors que les faits allégués contre elle se rattachaient, là encore, par un lien direct à la gestion de la société (Cass. com. 27-10-2009 n° 08-20.384 FS-PBIR : RJDA 1/10 n° 51).
L’arrêt commenté, promis à une large diffusion puisque publié sur le site internet de la Cour de cassation, se situe dans le prolongement de cette jurisprudence, appréciant de façon large la notion de « contestations relatives aux sociétés commerciales » mentionnée à l’article L 721-3, 2° du Code.
... ou le liquidateur d’une société commerciale
4. Dans cette affaire, le cocontractant de la SARL reprochait aussi au liquidateur de celle-ci d’avoir commis une faute dans l’exercice de ses fonctions. La Cour de cassation précise pour la première fois que l’action en responsabilité engagée contre lui relève également de la compétence du juge consulaire car le liquidateur, comme le gérant, agit dans l’intérêt social et réalise des opérations se rattachant directement à la gestion de la société.
La Cour censure donc l’arrêt d’appel qui, pour retenir la compétence de la juridiction civile, avait énoncé à tort que, même si l’action en responsabilité dirigée contre le liquidateur est régie par l’article L 237-12 du Code de commerce (détermination des personnes à qui son action peut porter préjudice, prescription de l’action en responsabilité), le liquidateur n’a pas la qualité de commerçant et n’accomplit pas d’actes de commerce.
5. Précisons que les opérations menées par le liquidateur, qui se « rattach[ent] directement à la gestion de la société », consistent pour l'essentiel à dresser l’inventaire des éléments d’actif et de passif, convoquer les associés en assemblée, représenter la société à l’égard des tiers, payer ses dettes, recouvrer ses créances, réaliser l’actif social et distribuer aux associés d’éventuels acomptes sur liquidation.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales nos 4232 et 86967