Des propriétaires se plaignent de l’obstruction de l’unique fenêtre éclairant l’escalier commun de leur bien immobilier par l’édification d’un mur accolé à celui de leur immeuble par les voisins.
Ils demandent des dommages-intérêts sur le fondement du trouble anormal de voisinage.
La cour d’appel rejette leur demande au motif qu’ayant acheté leur bien alors que la situation était déjà créée ils ne sont pas fondés à invoquer un trouble anormal de voisinage.
Sur pourvoi, la Cour de cassation censure. En application du principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un dommage excédant les inconvénients normaux de voisinage, elle retient que, sauf disposition particulière, l’antériorité d’un trouble ne prive pas le voisin victime de son droit à réparation au titre de la persistance de celui-ci.
A noter :
1. La vie en collectivité impose à chacun de supporter certains inconvénients inhérents au voisinage (bruits, odeurs, vibrations, etc.). En revanche, dès lors que ces derniers deviennent anormaux, il est possible d'engager la responsabilité de leur auteur afin d'obtenir réparation. Le caractère normal ou anormal des troubles est une question de fait laissée à l'appréciation des juges. Il dépend des lieux et des circonstances (Cass. 3e civ. 3-11-1977 : D. 1978 p. 434).
2. Lorsque les troubles de voisinage proviennent d'une activité professionnelle, ils ne peuvent entraîner droit à réparation si celui qui invoque l'existence du trouble a occupé l'immeuble voisin après le début de l'activité dès lors que les conditions d'exercice de l'activité sont inchangées et que le professionnel respecte la réglementation qui lui est applicable (CCH art. L 113-8).
3. En revanche, si les troubles sont causés par une activité qui n'est pas de nature professionnelle ou qui n'est pas soumise à une réglementation spécifique (exploitation d'un terrain de golf, par exemple), l'exonération ne joue pas malgré l'antériorité de l'activité. Il en est de même pour le particulier dont le comportement est à l'origine de troubles de voisinage. Ce qui est le cas de notre espèce : ce n’est pas une activité professionnelle qui a provoqué le trouble mais une construction privée entraînant une obstruction de la vue. Les voisins, victimes du trouble de voisinage, sont arrivés après l’édification de la construction nouvelle. Or cette obstruction, malgré son antériorité, est anormale et persistante puisque le mur empêche la lumière du jour de rentrer par l’unique fenêtre de l’escalier qui mène à leur logement. Le fait que la situation était déjà créée n’est pas une circonstance de nature à conférer un caractère normal à l’obstruction. Les juges du fond ne peuvent pas retenir l’antériorité du trouble pour exonérer le voisin responsable dès lors que le trouble persiste, d’où la cassation de l’arrêt notamment sur ce point.