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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Fiscal/ Taxe sur la Valeur Ajoutée

TVA : une sélection de la jurisprudence rendue ces dernières semaines

Dans cette revue de jurisprudence, Mes Gwenael Gauthier et Philip Servajean proposent une sélection d’arrêts récents rendus en matière de TVA. Parmi les décisions analysées, à relever celle relative à la taxe grevant les frais de commercialisation supportés à l'occasion d'une cession d'immeuble non soumise à la TVA (problématique de l'incorporation ou non de ces frais dans le prix de cession). 


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Par Philip Servajean, avocat à la Cour, et Gwenael Gauthier, avocat chez VATIRIS Avocats

La subvention perçue d’une commune par un délégataire de service public doit être soumise à la TVA en tant que complément de prix dès lors que cette somme lui a été versée en contrepartie des obligations tarifaires et de services qui lui ont été imposées.

CAA Versailles 3-10-2019 n°16VE01073, Sté Tilos

La convention conclue entre la requérante et la commune pour la gestion de la piscine municipale stipule que le délégataire perçoit de la ville, notamment, une participation forfaitaire annuelle compte tenu des contraintes de service public qui lui sont imposées, le montant étant versé toute taxe comprise.

Aux termes de cette convention, la commune fixe les tarifs d’entrée, sans que la société délégataire ne dispose d’une quelconque autonomie sur cette tarification, ainsi que les horaires d’ouverture et impose au délégataire une animation adaptée à chaque usager avec mise en œuvre des moyens nécessaires en personnels qualifiés et matériels et la surveillance et la sécurité des lieux, les conditions financières pouvant être soumises à réexamen en cas de modification notable de la fréquentation du service.

Au vu de ces éléments, la cour juge que la subvention versée par la commune apparaît comme la contrepartie des obligations souscrites par la requérante en ce qui concerne la nature des prestations offertes aux utilisateurs de la piscine et les prix d'entrée de celle-ci, lesquels étaient déterminés, ainsi que le principe et le mode de calcul de la subvention, au moment où les prestations, faits générateurs de la taxe, ont été effectuées.

Pour la cour, dès lors que le lien direct entre le service offert en faveur des clients de l’installation et la subvention doit être regardé comme établi, celle-ci doit être soumise à la TVA chez la requérante en tant que complément de prix (article 266 1 a et 256 du CGI).

Le Conseil d’Etat rappelle que le sous-traitant d’un intermédiaire d’assurance doit, pour bénéficier de l’exonération de TVA prévue à l’article 261 C-2° du CGI, participer à la conclusion des contrats d’assurance.

CE 9-10-2019 n°416107, M. A.B.

L’administration fiscale a estimé que les prestations de services portant sur le traitement de données et la fourniture d'informations, délivrées par une société de droit marocain à un agent général d’assurance établi en France, ne bénéficiaient pas de l’exonération de TVA prévue par l’article 261 C, 2° du CGI et devaient donner lieu à autoliquidation de la TVA en France par ce dernier.

Le Conseil d’Etat, après avoir rappelé que les prestations de services afférente aux opérations d’assurance effectuées par les courtiers et les intermédiaires d’assurance exonérées de TVA en application de l’article 261 C du CGI, transposant l’article 135 1-a de la directive 2006/112/CE ont été définies par la CJUE (cf. notamment arrêt du 17/03/2016 aff. 40/15, Aspiro SA) comme celles consistant en la recherche de client et la mise en relation de ceux-ci avec l’assureur, en vue de la conclusion de contrats d’assurance et que, s’agissant d’un sous-traitant, il importe que celui-ci participe à la conclusion de contrats d’assurance.

Ainsi, le Conseil d’Etat décide qu’en jugeant que les activités de la société marocaine ne constituaient pas des prestations de services afférentes à des opérations d'assurance effectuées par un intermédiaire d'assurance au sens de l'article 261 C, 2° du CGI, la CAA de Nantes n'a entaché son arrêt d'aucune erreur de qualification juridique des faits dès lors  qu’elle a relevé, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation , que la société sous-traitante établie au Maroc n’effectuait aucune recherche de client au profit du requérant, ne disposait pas de la liberté de choix de l’assureur et qu’elle fournissait  des services tels que l'appel automatique des clients programmé informatiquement à partir des fichiers transmis par le requérant et la fourniture, à ce dernier, des informations nécessaires à l'émission du contrat d'assurance, qui était signé au nom de celui-ci pour le compte de la compagnie d'assurance .

Le Conseil d’Etat juge que la mise à l’arrêt d’une activité industrielle ne constitue pas de facto un évènement de nature à donner lieu aux régularisations de la TVA prévues à l’article 207, III-1-5° de l’annexe II au CGI.  

CE 9-10-2019 n°418100, Sté Industrial et Environmental Platform

A la suite de la mise à l’arrêt de son activité de production de matières plastiques en mars 2008, le nouvel actionnaire de la société Sabic Innovatives Plastics ABS France (devenue par la suite Industrial et environmental Platform) avait, en décembre 2008, pris l’engagement de ne pas reprendre les activités industrielles et de procéder à la dépollution du site pour ensuite le diviser en parcelles en vue de la vente. A l’issue d’un contrôle fiscal portant sur l’année 2008, l’administration avait considéré que la société avait donc cessé son activité en 2008 et qu’elle aurait dû, au titre de cette même année, procéder à une régularisation globale en application de l’article 207, III-1-5° de l’annexe II au CGI dans la mesure où, selon elle, les biens avaient cessé d’être utilisés pour des opérations imposables.

Le Conseil d’Etat casse l’arrêt de la CAA de Douai qui avait donné raison à l’administration. Il relève que si les biens immobiliers immobilisés de la société ont cessé, à compter de mars 2008, d'être utilisés pour les besoins de son activité industrielle, ils étaient destinés à être soit détruits, soit cédés, soit transformés dans le cadre de la réaffectation des terrains à un nouvel usage. Dès lors, le Conseil d’Etat considère que la conservation, au cours de l'année 2008, des biens immobiliers dans le patrimoine de la société, dans l'attente de l'engagement des opérations de démantèlement, ne constituait pas un évènement de nature à entraîner le reversement d’une fraction de la TVA ayant grevé l’acquisition des dits biens.

Le Conseil d’Etat annule également l’arrêt de la cour sur le second point en litige qui portait sur le rappel de TVA concernant les biens mobiliers d’investissement mais sans examiner toutefois les moyens du pourvoi soulevés sur ce point. Il se contente en effet de relever que la cour s’est méprise sur la base légale des rectifications en litige en se basant sur le texte relatif aux livraisons à soi-même (article 257, 8 ° du CGI) en lieu et place de l’article 207, III précité.

La TVA grevant les frais de commercialisation supportés à l’occasion d’opérations de cessions d’immeubles n’ouvrant pas droit à déduction n’est pas récupérable lorsque le cédant n’est pas en mesure d’apporter la preuve que le prix de cession des immeubles n’incorpore pas les dits frais de commercialisation.  

CAA Versailles 1-10-2019 n° 17VE02177, SAS l’immobilière des fontaines

Après avoir rappelé la jurisprudence du Conseil d’Etat rendue en matière de frais de cession de titres (arrêt Pfizer France n° 307968 du 23-12-2010), la Cour constate que les frais de commercialisation engagés dans le cadre d’opérations de cessions d’immeubles non soumises à la TVA sont des frais inhérents à la cession qui sont présumés entretenir un lien direct et immédiat avec ces opérations n’ouvrant pas droit à déduction.

Dès lors, selon la cour, il appartient à la requérante, la SAS l’immobilière des fontaines, d’établir  que ces frais n’avaient pas été incorporés dans le prix de cession des immeubles pour qu’ils puissent être regardés comme des dépenses faisant partie des frais généraux (ce qui lui permettrait alors de justifier de la récupération de la TVA facturée sur ces frais puisque son activité est intégralement soumise à la TVA).

La cour juge qu’en l’absence de mention au contrat de vente de stipulations relatives à la répartition des frais ou de tout autre élément établissant les modalités de calcul de la valeur vénale du bien ou de la transcription en comptabilité de ces dépenses en frais généraux, la requérante n’apporte pas la preuve que le prix de cession ne comprenait pas les frais de commercialisation inhérents à cette opération. A ce titre, la cour considère que la production d’un mandat exclusif de vente conclu avec le mandataire (qui stipule que la rémunération de ce dernier est à la charge du mandant) et d’un mandat de recherche de biens à acquérir signé par l’acquéreur (celui-ci supportant à cette occasion ses propres frais) ne suffit pas à apporter cette preuve.

En conséquence, la cour confirme la non récupération de la TVA grevant ces frais de commercialisation et donc le jugement du tribunal administratif de Cergy Pontoise qui avait rejeté la demande de décharge des rappels de TVA mis en recouvrement.

Application de la TVA française à des prestations de conseils facturées à des sociétés étrangères dont il apparait que le lieu l’établissement est en réalité situé en France

CE 26-9-2019 n°415916, Sté WMS

La société WMS avait facturé sans TVA des prestations de conseils à un fonds d’investissement domicilié à Jersey (Worms et CO LP) et à une société (WAL) domiciliée à Honk Kong. Elle avait par ailleurs récupéré la TVA sur des prestations de conseil facturées par la société DA Services

Le Conseil d’Etat confirme les éléments retenus par la CAA de Paris pour considérer, d’une part, que ces sociétés étrangères sont en réalité établies en France et que les prestations qui leur sont rendues sont donc imposables en France et, d’autre part, que les factures de DA services ne correspondent pas à des prestations réelles et que la TVA figurant sur ces factures n’est pas récupérable par la société WMS.

Sur le premier point, la cour avait pris en compte le fait, pour la société Worms et CO LP, que celle-ci était domiciliée à l’adresse d’une société de services et ne disposait pas à cette adresse de locaux ou de ligne téléphonique mise à sa disposition, que les procès-verbaux de réunions ne permettaient pas d’établir que ces réunions s’étaient tenues à Jersey et que les documents saisis au siège de la société WMS faisaient apparaître que le fonds était en réalité dirigé par le personnel de cette société. Pour la Société Wall, la cour s’était fondée également sur les documents saisis au siège de WMS faisant apparaitre que l’activité de cette société était en réalité assurée à Paris avec les moyens de la société WMS et elle n’avait pas retenu comme éléments suffisamment probants, permettant de démontrer que les décisions essentielles avaient été prises à Honk Kong, les copie d’agenda de cadres de la société WMS faisant état de déplacement à Honk Kong.

Sur le second point, la cour avait admis que l’administration fiscale établissait le fait que les prestations facturées ne correspondaient pas à des prestations réelles dès lors que de son côté la requérante ne produisait aucun élément susceptible d’établir la réalité des réunions, rencontres, interventions dont elle invoquait la tenue pour justifier de la réalité de la convention de prestations de services signée avec le prestataire. 

Philip SERVAJEAN, avocat à la Cour, et Gwenael GAUTHIER, avocat chez VATIRIS Avocats

Après 19 ans passés chez CMS Bureau Francis Lefebvre, Gwenael Gauthier a participé à la création de VATIRIS Avocats. Associée en charge de la fiscalité indirecte et plus particulièrement des questions de TVA et de taxe sur les salaires, elle conseille des grands groupes industriels ou de services, mais aussi des PME et des associations (sport et évènementiel), des établissements et organismes en charge de mission de service public... Elle est membre de la Commission TVA de l’Institut des avocats conseils fiscaux et co-présidente de la Commission fiscale de l’ACE.

D’abord inspecteur des impôts, PhilipServajean a passé près de trente ans au sein de CMS Bureau Francis Lefebvre, années au cours desquelles il a fait de la TVA et de la taxe sur les salaires ses spécialités. En 2013, il reprend sa liberté et exerce désormais sa profession en indépendant.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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