Un homme et une femme de nationalité roumaine se marient en Roumanie. Un enfant naît de leur union au Royaume-Uni où ils vivent avant de se séparer. À l’issue de leur séparation, le père retourne vivre en Roumanie tandis que la mère reste au Royaume-Uni avec l’enfant. La mère saisit un tribunal roumain d’une demande en divorce. Elle demande en outre la fixation du domicile de l’enfant auprès d’elle, l’autorisation d’exercer seule l’autorité parentale et la condamnation du père au paiement d’une pension alimentaire en faveur de l’enfant. Le père conteste la compétence de la juridiction roumaine. Le tribunal se reconnaît compétent au titre du règlement 2201/2003 du 27 novembre 2003 (règlement « Bruxelles II bis ») pour connaître de la demande en divorce sur le fondement de la nationalité commune des parties et au titre du règlement 4/2009 du 18 décembre 2008 (règlement « Aliments ») concernant la demande de pension alimentaire. Il se déclare en revanche incompétent pour les questions relatives à la responsabilité parentale, l’enfant ayant toujours eu sa résidence habituelle au Royaume-Uni et les conditions d’une prorogation de compétence en sa faveur n’étant pas réunies.
S’agissant de la pension alimentaire, le règlement Aliments prévoit en effet à titre principal deux chefs de compétence : le lieu de la résidence habituelle du défendeur ou le lieu de la résidence habituelle du demandeur. En outre, le défendeur a comparu sans contester la compétence, ce qui suffit également à fonder la compétence du tribunal. Cependant, le règlement Aliments prévoit aussi que la juridiction d’un État membre compétente à titre principal pour connaître d'une action relative à l'état des personnes ou à la responsabilité parentale (sauf si cette compétence est fondée uniquement sur la nationalité de l'une des parties) est compétente pour statuer sur une demande relative à une obligation alimentaire lorsque cette dernière est accessoire à cette action. Or, la Cour de Justice a décidé dans une affaire assez similaire que lorsque le tribunal compétent pour statuer sur le divorce est distinct de celui compétent pour statuer sur les questions de responsabilité parentale, seul ce dernier est compétent pour statuer sur une éventuelle obligation alimentaire de l'un des parents envers un enfant (CJUE 16-7-2015 aff. 184/14, A. c/ B.). La juridiction roumaine saisie s’interroge donc, comme les parties, sur sa compétence.
La Cour de Justice confirme sa compétence. Elle se prononce ainsi sur le cas où une juridiction d’un État membre est saisie d’un recours comprenant trois demandes portant respectivement sur le divorce des parents d’un enfant mineur, la responsabilité parentale à l’égard de cet enfant et l’obligation alimentaire envers celui-ci. Pour la Cour, dans une telle situation, la juridiction statuant sur le divorce qui s’est déclarée incompétente pour statuer sur la demande relative à la responsabilité parentale dispose néanmoins d’une compétence pour statuer sur la demande relative à l’obligation alimentaire lorsqu’elle est également la juridiction du lieu de résidence habituelle du défendeur ou la juridiction devant laquelle celui-ci a comparu, sans en contester la compétence.
À noter : C’est une solution de bon sens que donne la Cour de justice dans cette affaire. Le règlement Aliments prévoit, de façon autonome, que les juridictions de la résidence habituelle du défendeur sont compétentes pour statuer sur l’obligation alimentaire ; il en va de même de la juridiction devant laquelle il comparaît volontairement. Peu importe dès lors qu’elle ne puisse fonder cette compétence à titre accessoire. L’arrêt de 2015 qui suscitait le trouble ne concernait, comme le rappelle la Cour, que le point de savoir si une demande de pension alimentaire pour un enfant dans le cadre d’un divorce était accessoire à celui-ci ou aux demandes relatives à la responsabilité parentale ; la Cour avait alors jugé qu’elle ne pouvait qu’être l’accessoire de cette dernière. Elle ne concernait nullement les chefs de compétence à titre principal. La solution donnée n’est pas favorable au créancier d’aliments en l’espèce, à rebours de l’esprit du règlement Aliments, mais elle est parfaitement logique au regard de l’articulation nécessaire des trois matières en cause et des deux règlements qui les régissent, ainsi que de la prise en compte de l’intérêt de l’enfant.
David LAMBERT, Avocat à Paris, coauteur des Mémentos Droit de la famille et Successions Libéralités
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la famille n°s 73422 et 73426