Un couple vend l’usufruit et la nue-propriété de parcelles de terre dont il est propriétaire à deux personnes distinctes. La vente est simplement déclarée à la Safer (C. rur. art. R 143-9 ancien), puis régularisée par acte authentique. La Safer se prévaut de son droit de préemption. Les acquéreurs font valoir que sauf en cas de fraude (en l’espèce, non caractérisée), la Safer n’est pas autorisée à préempter des droits démembrés.
Ils sont déboutés. Pour la Cour de cassation, l’acte de vente emporte la vente, non pas de l’usufruit ou de la nue-propriété des biens, mais celle de ces deux droits simultanément, de sorte qu’il a pour objet le transfert, en une seule opération, de la pleine propriété, même si l’usufruit et la nue-propriété sont cédés à deux personnes distinctes. En conséquence, sans qu’il soit nécessaire de rechercher une intention frauduleuse, la vente est soumise au droit de préemption de la Safer.
A noter : l’arrêt commenté a été rendu sous l’empire du droit antérieur à la loi d’avenir pour l’agriculture (Loi 2014-1170 du 13-10-2014). A cette époque, la vente de la seule nue-propriété ou du seul usufruit échappait au droit de préemption de la Safer, sauf fraude. Ici, la Cour de cassation ne se préoccupe pas d’une éventuelle intention frauduleuse des parties car la vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété d’un même bien, par un plein propriétaire, est en fait, une vente de la pleine propriété du bien, soumise au droit de préemption de la Safer. Dans le même esprit, la Haute Juridiction a déjà jugé que la cession simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété par leurs titulaires respectifs au même acquéreur était soumis à la préemption de la Safer dès lors que les parties avaient l’intention de transmettre la pleine propriété (Cass. 3e civ. 15-12-2016 n° 15-27.518 FS-PB : BPIM 1/17 inf. 34).
Depuis la loi d’avenir pour l’agriculture, la cession de l’usufruit ou de la nue-propriété est, en principe, soumise au droit de préemption de la Safer (C. rur. art. L 143-1, al. 5). La préemption de la nue-propriété est toutefois encadrée. Elle est possible notamment si la Safer en détient l'usufruit ou est en mesure de l'acquérir concomitamment. Cette situation vise précisément le cas où nue-propriété et usufruit sont vendus simultanément à deux acquéreurs différents, comme c’est le cas en l’espèce. S’agissant de la sanction, la Cour de cassation prononce la nullité de la vente mais refuse en l’espèce de substituer la Safer dans les droits de l’acquéreur. Le notaire a envoyé à la Safer une déclaration d’opération exemptée du droit de préemption. Or, pour la Haute Juridiction, c’est si l’acte de vente avait été régularisé moins de deux mois après une notification valant offre de vente que la substitution aurait été permise.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Vente immobilière n° 38583