Une société engage une opération de réorganisation de deux de ses établissements qui comporte un projet de licenciement pour motif économique. Un accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) lié à l'opération est conclu, puis validé par l'administration.
Deux organisations syndicales, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'un des établissements concernés et des salariés de l'entreprise attaquent la décision du Direccte, mais le tribunal administratif puis la cour administrative d'appel rejettent leur demande.
Le Conseil d'Etat annule l'arrêt de la cour administrative d'appel, puis le jugement du tribunal administratif, après avoir jugé, toutefois, que le CHSCT n'avait pas qualité pour agir.
Le CHSCT n'a pas d'intérêt à agir contre la décision administrative de validation du PSE
La société faisait valoir que la demande du CHSCT en annulation de la décision du Direccte n'était pas recevable. Avec raison, pour le Conseil d'Etat, qui juge ici que le CHSCT n'a pas qualité pour agir contre la décision de validation ou d'homologation du Direccte.
Le Conseil d'Etat se fonde sur des arguments de texte :
- l'article L 1235-7-1 du Code du travail, tout d'abord, selon lequel le recours contre cette décision est présenté dans un délai de 2 mois par l'employeur à compter de sa notification et par les organisations syndicales et les salariés à compter de la date à laquelle cette décision a été portée à leur connaissance, conformément à l'article L 1233-57-4 du même Code ;
- l'article L 1233-57-4 du Code du travail ensuite, qui ne prévoit pas que soit portée à la connaissance des CHSCT la décision de validation ou d'homologation.
En refusant d'accorder au CHSCT la qualité pour exercer un recours contre la décision de validation, le Conseil d'Etat fait une stricte application du Code du travail. Dans deux décisions récentes, il avait en revanche admis le recours d'un salarié justifiant d'un intérêt personnel à agir (CE 22-7-2015 n° 385668) et celui d'une union locale syndicale agissant au nom des intérêts collectifs de la profession (CE 22-7-2015 n° 383481). Dans le communiqué publié sur son site internet le 22 juillet 2015, le Conseil d'Etat a profité de l'occasion pour préciser que les décisions des Direccte approuvant les PSE peuvent aussi être attaquées par le comité d'entreprise, en dépit des termes de l'articleL 1235-7-1 du Code du travail. Mais il est vrai que, contrairement au CHSCT, il est destinataire de ces décisions en vertu de l'articleL 1233-57-4 du même Code. On attendra donc avec intérêt la position du juge administratif lorsqu'il sera saisi de cette question à l'occasion d'un recours contentieux.
Si le CHSCT n'a pas été régulièrement consulté, la décision d'homologation doit être annulée
Conformément à l'article L 4612-8 du Code du travail, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, le CHSCT doit être consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. En l'espèce, le projet de réorganisation de plusieurs établissements, dont le siège social, prévoyait notamment la suppression d'une centaine d'emplois et le transfert d'autant de postes au sein de l'un des établissements de l'entreprise. Son importance et ses conséquences sur les conditions de travail des salariés imposaient dès lors qu'il fasse l'objet d'une consultation du CHSCT.
Le Conseil d'Etat rappelle qu'avant de valider un accord collectif portant sur un PSE l'administration doit, en vertu de l'article L 1233-57-2 du Code du travail, s'assurer de la régularité de cette procédure d'information et de consultation du CHSCT. Si elle constate une irrégularité, l'autorité administrative doit refuser d'homologuer le projet.
Or, dans cette affaire, l'employeur n'avait consulté que la structure de coordination réunie à son initiative et composée de membres de trois CHSCT locaux ainsi que l'instance de coordination des quatre CHSCT des établissements concernés par le projet, mise en place sur le fondement de l'article L 4616-1 du Code du travail applicable aux faits de l'espèce.
Le juge administratif a estimé que la consultation de ces deux instances ne valait pas consultation des CHSCT concernés par le projet, et ce, même si l'instance de coordination était chargée d'émettre un avis sur celui-ci. Par conséquent, la procédure de consultation n'ayant pas été respectée, l'administration aurait dû refuser de valider le PSE, ce qu'elle n'a pas fait, conduisant le Conseil d'Etat à annuler sa décision d'homologuer le projet de réorganisation de l'entreprise.