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Plus-values des PME : le point sur la condition de durée d'exercice de l'activité

Le Conseil d'Etat s'est prononcé, dans un arrêt du 19 juin 2015, sur l'appréciation de la condition de durée d'exercice de l'activité dans le cadre du régime d'exonération des plus-values de cession réalisées à l'occasion d'un départ à la retraite. Cette décision est l'occasion de faire le point sur cette condition qui est commune à plusieurs régimes d'exonération des plus-values.


1. Plusieurs régimes d'exonération des plus-values professionnelles sont réservés aux contribuables ayant exercé leur activité pendant au moins cinq ans. Sont concernées :

  • - l'exonération accordée aux plus-values réalisées en cours ou en fin d'exploitation par les contribuables dont les recettes n'excèdent pas certains seuils (CGI art. 151 septies) ;

  • - l'exonération des plus-values réalisées à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité dont la valeur est inférieure à 500 000 € (CGI art. 238 quindecies) ;

  • - l'exonération des plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux d'une entreprise pour cause de départ à la retraite (CGI art. 151 septies A).

La condition d'exercice de l'activité pendant une durée minimale de cinq ans soulève plusieurs questions : les périodes d'exploitation successives en entreprise individuelle et en société de personnes doivent-elles être cumulées ? Faut-il tenir compte de la période d'activité dans le cadre d'une société soumise à l'IS ou de la période d'exploitation d'un autre fond que celui cédé ? Faut-il prendre en compte les périodes d'exercice de l'activité antérieures aux cinq années précédant la cession ?

Nous examinons ci-après ces questions à la lumière de la jurisprudence et de la doctrine afin de dégager quelques règles d'appréciation du délai de cinq ans.

Périodes d'exploitation en société de personnes et en entreprise individuelle

2. Les articles 151 septies, 151 septies A et 238 quindecies du CGI prévoient que « l'activité » doit avoir été exercée pendant cinq ans sans distinguer selon les modalités d'exercice de cette activité (à titre individuel ou dans le cadre d'une société de personnes).

Selon une jurisprudence constante rendue pour l'application de l'article 151 septies du CGI, il convient de tenir compte de l'ensemble des périodes d'exercice d'une même activité professionnelle dans le cadre d'une société de personnes et à titre individuel (CE 17-5-1995 n° 136878 : BIC-VII-24065 pour une activité exercée au sein d'une société de personnes puis à titre individuel ; CE 13-1-2010 n° 301985 :BIC-VII-24102 s'agissant d'une activité exercée d'abord à titre individuel puis au sein d'une société de personnes). Le Conseil d'Etat apprécie ainsi le respect de la condition d'activité pendant au moins cinq ans, pour l'application de l'article 151 septies du CGI, en se fondant sur l'exercice de l'activité elle-même et non sur les modalités d'exercice de l'activité.

Il ne s'est pas prononcé pour les articles 151 septies A et 238 quindecies du CGI. Dans le cadre du régime prévu à l'article 151 septies A du CGI, il convient cependant de noter que la cour administrative d'appel de Bordeaux a admis implicitement que les périodes d'exploitation successives en entreprises individuelles puis en sociétés de personnes ou inversement soient prises en compte pour le calcul de la durée de cinq ans (CAA Bordeaux 16-1-2014 n° 12BX01708). Le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé sur cette question dans son arrêt du 19 juin dernier car il n'était saisi d'aucun moyen de droit sur cette question par le pourvoi (CE 19-6-2015 n° 376137 : BF 10/15 inf. 759). Le rapporteur public, M. Vincent Daumas, a relevé à cet égard dans ses conclusions qu'il n'existe pas de raisons valables d'adopter une interprétation différente pour l'application de l'article 151 septies A du CGI de celle retenue pour l'article 151 septies du CGI.

3. L'administration, pour sa part, distingue selon que le contribuable a d'abord exercé en tant qu'associé dans le cadre d'une société de personnes puis dans le cadre d'une entreprise individuelle ou inversement. Elle accepte, pour les trois régimes d'exonération susvisés, le cumul des durées d'exploitation lorsque le contribuable a exercé une même activité professionnelle successivement en tant qu'associé d'une société de personnes puis à titre individuel (BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20 n° 80 : BIC-VII-24060 ; BOI-BIC-PVMV-40-20-50 n° 130 : BIC-XIX-30385 ; BOI-BIC-PVMV-40-20-50 n° 220 : BIC-VII-27915).

En revanche, dans le cas où le contribuable a exercé son activité à titre individuel puis en tant qu'associé d'une société de personnes, il n'est tenu compte que de la période d'activité au sein de la société dont les parts sont cédées. Elle admet toutefois le cumul des durées d'exploitation lorsque l'activité individuelle a été apportée à la société de personnes dans les conditions prévues à l'article 151 octies du CGI (BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20 n° 130 : BIC-VII-24105 ; BOI-BIC-PVMV-40-20-20-10 n° 170 : DC-V-11635 ; BOI-BIC-PVMV-40-20-50 n° 220 : BIC-VII-27915).

Exercice de l'activité dans le cadre d'une société soumise à l'IS

4. Dans l'arrêt précité du 19 juin 2015, le Conseil d'Etat a jugé que les dispositions de l'article 151 septies A du CGI interdisent de prendre en compte, pour le calcul de la durée de cinq ans, les périodes d'exploitation ou d'exercice de l'activité dans le cadre d'une société assujettie à l'impôt sur les sociétés. Cette solution repose sur les dispositions de l'article 151 septies A du CGI qui ne visent que lesentreprises individuelles et les sociétés de personnes.

La doctrine administrative refuse également le cumul des durées d'exploitation lorsque le contribuable a exercé au sein d'une société soumise à l'IS puis à titre individuel ou dans le cadre d'une société de personnes (BOI-BIC-PVMV-40-20-20-10 n° 130 : BIC-XIX-30385).

5. La solution rendue par le Conseil d'Etat pour le régime prévu à l'article 151 septies A du CGI pourrait, à notre avis, être transposée au régime prévu à l'article 151 septies du CGI. En effet, les dispositions de ce dernier article sont réservées aux plus-values professionnelles réalisées par les contribuables relevant de l'impôt sur le revenu. Mais, il n'y a pas à notre connaissance de décision jurisprudentielle sur cette question. L'administration, pour sa part, retient la même solution que pour l'article 151 septies A du CGI (BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20 n° 80 : BIC-VII-24060).

6. La situation est différente en ce qui concerne le régime d'exonération de l'article 238 quindecies du CGI, dès lors qu'il peut s'appliquer aux entreprises soumises à l'IS.Pour autant, dans un arrêt du 21 avril 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a refusé de prendre en compte la période d'exercice de l'activité au sein d'une société soumise à l'IS. Elle a jugé que, pour apprécier la condition d'exercice de l'activité pendant au moins cinq ans au moment d'une mise en location-gérance, il n'est pas permis de cumuler les périodes d'exploitation de l'activité exercée sous une forme individuelle puis au sein d'une société soumise à l'IS alors même que les associés et les gérants de cette dernière sont les personnes qui l'avaient exercée à titre individuel (CAA Lyon 21-4-2015 n° 14LY00035 : BF 8-9/15 inf. 653).

Selon la cour, le changement dans la forme de l'exercice emporte un changement de contribuable et doit être regardé comme une cessation d'activité pour l'application de l'article 238 quindecies du CGI. Elle précise, en outre, que l'option exercée par le contribuable pour le régime de report d'imposition des plus-values prévu à l'article 151 octies du CGI ne permet pas de considérer que l'activité s'est poursuivie au sens de l'article 238 quindecies du CGI.

La solution retenue par la cour n'est toutefois pas évidente. La question se pose de savoir si le fait que la société à laquelle a été apporté le fonds soit soumise à l'IS fait obstacle à la transposition de la jurisprudence du Conseil d'Etat, rendue pour l'application de l'article 151 septies du CGI, relative à l'exercice d'une activité à titre individuel puis sous la forme de société de personnes (voir n° 2).

Période d'exploitation d'un fonds autre que celui cédé

7. Dans l'arrêt précité du 19 juin 2015, rendu on le rappelle pour l'application du régime de l'article 151 septies A du CGI, le Conseil d'Etat s'est également prononcé sur le point de savoir si la période d'exercice à titre individuel de l'activité du contribuable peut être retenue alors même qu'il n'a pas fait apport de son fonds de commerce à la société dans laquelle il a exercé jusqu'à sa retraite. La Haute Juridiction répond par la négative.
Le rapporteur public, M. Vincent Daumas, souligne dans les conclusions rendues sous cet arrêt que la condition d'exercice de l'activité doit être lue à la lumière de l'objectif de l'article 151 septies A du CGI. L'entreprise transmise lors du départ à la retraite doit être la même que celle au sein de laquelle le contribuable doit avoir exercé son activité pendant une durée minimale de cinq ans. Ce dernier ne peut se prévaloir de l'exploitation d'un fonds de commerce différent de celui qui constitue le support de l'entreprise cédée. Dès lors que le fonds de commerce est l'élément essentiel de l'identité de l'entreprise,le contribuable n'exploite plus la même entreprise si le fonds a changé, alors même qu'il exercerait toujours la même profession. Selon le rapporteur public, la notion d'activité doit donc être comprise comme celle d'« entreprise » et non comme celle de profession.
Il souligne cependant que, sur ce point, cette interprétation ne s'impose pas pour l'application des dispositions de l'article 151 septies du CGI dont l'objet est distinct : ce régime ne vise pas à faciliter la transmission d'entreprises mais constitue un régime « de croisière » qui s'applique à toutes les plus-values professionnelles réalisées lors de la cession d'éléments de l'actif immobilisé des petites entreprises.

8. Par ailleurs, s'agissant de l'article 151 septies du CGI, le Conseil d'Etat a jugé que devait être exonérée la plus-value de cession d'un fonds de commerce acquis depuis moins de cinq ans par un contribuable qui avait par ailleurs exploité depuis plus de cinq ans un fonds de commerce en société de fait puis à titre individuel (CE 17-5-1995 n° 136878 : BIC-VII-23955). Mais le Conseil d'Etat n'a accepté de prendre en compte la durée cumulée d'activité que sur le seul fondement de la doctrine administrative selon laquelle l'exonération prévue à l'article 151 septies du CGI s'applique sans qu'il y ait lieu de rechercher si le fonds secondaire a lui-même été acquis ou créé depuis plus ou moins de cinq ans (Rép. Lagorce : AN 13-10-1980 : BIC-VII-23975). Il ne s'est donc pas prononcé sur la question de savoir si l'interprétation de la doctrine administrative découlait ou non du texte légal.

A notre connaissance, la jurisprudence ne s'est pas prononcée sur la question de l'exercice de l'activité dans des fonds différents dans le cadre de l'article 238 quindecies du CGI.

9. Pour les trois régimes d'exonération, l'administration admet le cumul des périodes d'activité au sein de plusieurs fonds exploités dans le cadre d'une entreprise individuelle. Lorsque la même activité est exercée au sein de plusieurs fonds (successivement ou conjointement), les délais d'exploitation de chaque fonds sont cumulés pour l'appréciation du délai de cinq ans (BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20 n° 60 : BIC-VII-23945 ; BOI-BIC-PVMV-40-20-20-10 n° 70 : BIC-XIX-30355 ; BOI-BIC-PVMV-40-20-50 n° 220 : BIC-VII-27915).

Exemple Un boulanger a commencé son activité de boulangerie le 10 janvier 2011 puis a acquis deux autres fonds respectivement le 1er février 2013 et le 31 décembre 2013. Son exercice comptable coïncide avec l'année civile. Le 31 octobre 2016, il cède le fonds acquis le 31 décembre 2013. La condition de délai de cinq ans prévu à l'article 151 septies est satisfaite.

Période d'exercice antérieure aux cinq années précédant la cession

10. La question posée est de savoir si la durée d'exploitation ou d'exercice peut être discontinue, dès lors que le total des périodes d'exploitation ou d'exercice est au moins de cinq ans. Ce point n'a été tranché ni par l'administration ni par le Conseil d'Etat.

11. La cour administrative d'appel de Bordeaux dans l'affaire précitée (voir n° 2) avait répondu par l'affirmative. Dans l'arrêt du 19 juin 2015 précité, le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé sur cette question qui n'était pas soulevée par le pourvoi. Le rapporteur public, M. Vincent Daumas, souligne cependant à cet égard qu'il n'y a dans le texte de l'article 151 septies A du CGI aucun élément qui permette d'exiger que la période d'activité d'au moins cinq ans inclue les cinq années précédant immédiatement la cession à l'origine de la plus-value. Il précise en outre que, lorsque le législateur a entendu prévoir une telle condition, elle figure expressément. Il en est ainsi par exemple pour l'article 151-0 D ter du CGI dans lequel il est précisé que les fonctions doivent avoir été exercées « de manière continue pendant les cinq années précédant la cession ». Le rapporteur public en conclut que cette condition peut être satisfaite alors même que cet exercice est antérieur aux cinq années précédant la cession dès lors que les périodes totales d'exercice ou d'exploitation sont d'au moins cinq ans.

S'agissant du régime de l'article 151 septies du CGI, le Conseil d'Etat a jugé à plusieurs reprises que l'activité doit avoir été exercée pendant une période de cinq ans précédant la cession (CE 23-10-2002 n° 223084 : BIC-VII-21225 ; CE 13-1-2010 n° 301985 : BIC-VII-24102). Mais il mentionne « une » période précédant la cession et non pas « la » période précédant la cession. La rédaction de l'article 151 septies du CGI ne semble donc pas exiger que la période de cinq ans précède immédiatement la cession.

La jurisprudence ne s'est pas prononcée, à notre connaissance, sur cette question pour l'application de l'article 238 quindecies du CGI.

Exemple (affaire jugée par CE 19-6-2015 n° 376137)

12. Un contribuable a exploité deux fonds de commerce distincts correspondant à deux officines de pharmacie différentes. Il cède la deuxième pharmacie à l'occasion de son départ en retraite :

  • - de 1972 à 2003 (31 ans) : exploitation d'une première pharmacie à titre individuel ;

  • - du 1er juillet 2003 au 30 juin 2006 (3 ans) : exploitation d'une seconde pharmacie sous le régime des sociétés de personnes ;

  • - du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009 (3 ans) : exploitation de la seconde pharmacie dans le cadre d'une société assujettie à l'impôt sur les sociétés ;

  • - du 1er juillet 2009 au 30 mars 2010 (9 mois) : exploitation de la seconde pharmacie sous la forme d'entreprise individuelle. La cession de cette pharmacie intervient à cette dernière date.

Seules les deuxième et quatrième périodes d'exploitation peuvent être retenues pour l'appréciation du délai de cinq ans dans le cadre du régime d'exonération de l'article 151 septies A du CGI, soit au total 3 ans et 9 mois. Il ne peut donc bénéficier de l'exonération de la plus-value réalisée lors de la cession de son officine le 30 mars 2010.

Tableau récapitulatif

1 Il s'agit de la même activité.

2 Admis uniquement si l'entreprise individuelle est apportée à la société de personnes dans les conditions de l'article 151 octies du CGI (voir n° 3 de l'étude).

3 Arrêt rendu sur le seul fondement de la doctrine administrative et non sur le terrain de la loi (voir n° 8 de l'étude).

4 Le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé sur ce point (voir n° 11 de l'étude).

5 Non tranché par le CE (voir n° 6 de l'étude).

6 Non, à notre avis, bien que la question ne soit pas tranchée par le Conseil d'Etat. Non pour l'administration (voir n° 5 de l'étude).

Cumul des périodes d'activité à retenirpour l'appréciation de la condition de durée

Art. 151 septies

Art. 151 septies A

Art. 238 quindecies

Activité1 en société de personnes puis à titre individuel

Oui

- Oui pour l'administration

- Non tranché par le Conseil d'Etat

- Oui pour l'administration

- Non tranché par le Conseil d'Etat

Activité1 à titre individuel puis en société de personnes

- Oui pour le Conseil d'Etat

- Non pour l'administration2

- Non pour l'administration 2

- Non tranché par le Conseil d'Etat

- Non pour l'administration 2

- Non tranché par le Conseil d'Etat

Activité1 à titre individuel ou en société de personnes puis en société assujettie à l'IS

Non6

Non

- Non pour l'administration

- NOn pour la CAA de Lyon5

Activité1 à titre individuel dans plusieurs fonds

- Oui pour l'administration

- Oui pour le Conseil d'Etat3

- Oui pour l'administration

- Non tranché par le Conseil d'Etat

- Oui pour l'administration

- Non tranché par le Conseil d'Etat

Activité1 exercée dans un fonds non apporté à la société cédée

Non tranché

- Non pour le Conseil d'Etat

- Non tranché par l'administration

Non tranché

Activité1 antérieure aux 5 années précédant la cession

Non tranché

Oui pour la CAA de Bordeaux4

- Non tranché par l'administration

Non tranché

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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