Un couple achète une maison sur une parcelle A. Le compromis de vente signé en agence mentionne une tolérance de passage sur son terrain au profit de voisins propriétaires d’une parcelle B, tolérance donnant accès à l’unique entrée de leur maison. Le notaire, qui a reçu la vente des deux parcelles, ne fait pas état de cette tolérance de passage dans l’acte authentique de vente de la parcelle A. Le couple assigne ses voisins pour contester l’exercice de ce passage. Ces derniers appellent en garantie leurs propres vendeurs sur le fondement d’une non-conformité aux prévisions du contrat.
La cour d’appel juge que la parcelle A n’est grevée d’aucune servitude de passage au profit de la parcelle B, qu’aucun des actes de vente successifs de la parcelle B ne prévoyait la création ou l’existence d’une servitude de passage et qu’en conséquence la parcelle B a été délivrée conforme en l’état. Cassation partielle. Les juges d’appel devaient rechercher si la non-conformité ne résultait pas du fait que l’absence de ce droit de passage rendait inaccessible l’unique entrée de la maison située sur la parcelle B.
1. L’obligation de délivrance du bien vendu incombe au vendeur (C. civ. art. 1604). L’arrêt commenté précise que la délivrance d’une maison implique que l’acheteur puisse y accéder, même si l’acte de vente est silencieux sur les modalités d’accès à la maison. Le vendeur demeure tenu de son obligation de délivrance, alors que l’acheteur a accepté le bien et en a effectivement pris possession à l’époque de la vente.
2. À la lecture de l’arrêt de la cour d’appel, il apparaît que les propriétaires de la parcelle B recherchaient également la responsabilité du notaire qui avait reçu à la fois la vente de la parcelle A et celle de la parcelle B. Les juges d’appel rejettent leur demande. Ils considèrent pour la vente de la parcelle B que le notaire, qui ne connaissait pas les lieux, a valablement vérifié que ce terrain n’est pas enclavé et l’état des servitudes existantes. Pour la vente de la parcelle A, les juges retiennent que rien ne permettait au notaire de considérer que l’intérêt des acheteurs était de constituer une servitude au profit des propriétaires de la parcelle B. Le notaire n’était pas tenu d’informer les propriétaires de la parcelle B des risques liés à la remise en cause de la tolérance dont ils bénéficiaient.
Jugé cependant sur ce dernier point que, si le notaire a connaissance d’un conflit sur l’existence d’un droit de passage, il doit informer clairement les acheteurs sur la portée et les effets de cette tolérance ainsi que sur les risques qu’elle induit sur les conditions de desserte du bien (Cass. 1e civ. 31-1-2018 n° 16-10.961 F-D : SNH 5/18 inf. 6).
3. À noter que les vendeurs de la parcelle A avaient nécessairement connaissance de l’exercice de ce droit de passage, puisque ce droit s’était instauré, ou a minima avait perduré, de leur chef, et qu’il était mentionné dans le compromis de vente. En pratique, les actes de vente contiennent des déclarations usuelles du vendeur sur l’état des servitudes dont il a connaissance. Le notaire est bien avisé d’insister à cette occasion sur tout droit éventuel que le vendeur aurait laissé acquérir sur le bien vendu.
Pauline PERPOIL
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Vente immobilière n° 49260